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DOSSIER LABSIC

Xavier Levoin, Pierre Mœglin, Philippe Bouquillion et Bertrand Legendre

Aux Origines Du LABSIC

Article

Texte intégral

Xavier Levoin : Quand et pourquoi le LabSIC a-t-il été créé ?

Pierre Mœglin : Si le LabSIC a été créé, en 1993, c’est parce que n’existait pas – ou, plus exactement, n’existait plus – d’équipe de recherche en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris XIII. Il y en avait bien eu une dans les années 1970, qui conjuguait sciences de l’éducation et sciences de l’information et de la communication. Il s’agissait de l’Imac, Institut Image et Communication, qui avait été fondé vers 1974 par Josette Poinssac. Mais, depuis le milieu des années 1980, cette équipe n’était plus habilitée qu’en sciences de l’éducation. En outre, l’Imac dont, un temps, j’avais été membre, avait éclaté pour des divergences sur les orientations scientifiques – marquée par le fonctionnalisme nord-américain, sa directrice s’inscrivait dans la filiation de la cybernétique et de la Théorie générale des systèmes – et suite à de graves conflits interpersonnels. Par la suite, quelques membres de l’Imac ont, à l’initiative de sa directrice, quitté Paris XIII pour rejoindre, Paris II, puis l’Université de Marne-la-Vallée, avant de disparaître au début des années 2000.

X. L. : Donc, plus du tout de structure en communication à Paris XIII ?

P. M. : Pas tout à fait. Car, en 1988, j’avais fondé, avec deux collègues rescapées de l’Imac comme moi, Annie Bireaud et Élisabeth Cazenave, un groupe provisoire de recherche. Notre objectif était de prendre date et de travailler à l’obtention d’une habilitation ministérielle, en même temps qu’à la création d’un DEA et d’un doctorat. Les deux démarches d’ailleurs étaient liées. Et ce, dans le domaine qui nous intéressait : celui des industries culturelles. Mais ce groupe de recherche ne bénéficiait que d’une reconnaissance interne à l’université.

X. L. : Comment habilitation et création ont-elles été accordées ?

1P. M. : Dans des conditions assez rocambolesques. Mais, je tiens à le dire, suite à l’initiative et grâce au soutien extrêmement efficace de Jean-François Tétu, lequel, à l’époque, était conseiller au ministère. Il voyait bien, en effet, qu’il y avait à Paris XIII un potentiel en sciences de l’information et de la communication. Mais il lui fallait se rendre à l’évidence : nos ressources étaient encore trop limitées. Il a donc pris le parti – et le risque – de nous donner notre chance en nous aidant à nous associer à une autre équipe, rencontrant le même problème que nous. C’est ainsi que, sur sa recommandation, nous avons élaboré un premier projet de DEA en partenariat avec Paris III. Michaël Palmer, professeur à Paris III, était notre principal interlocuteur. Mais, in extremis, la chose ne s’est pas faite, suite au refus de la présidence de Paris III. Entre parenthèses, la situation a bien changé depuis, puisque Paris III est désormais associé à Paris XIII au sein du LabEx « Industries Culturelles et Création Artistique » (ICCA), dirigé par Bertrand Legendre. Après cet échec, nous avons envisagé un partenariat avec ce qui allait devenir le Ceditec, bientôt dirigé par Simone Bonnafous, à Paris XII. Mais, derechef, le projet a avorté, les ressources respectives de nos deux équipes étant insuffisantes. C’est alors que Jean-François Tétu nous a orientés vers Paris X et Nicole Boulestreau. C’est donc avec cette université que, durant quelques années, nous avons mis en œuvre un enseignement de DEA. Mais en conservant, par ailleurs, l’idée d’une équipe de recherche uniquement Paris XIII. Du côté de Paris X, au sein de ce DEA conjoint, nos collègues partenaires étaient, en plus de Nicole, David Buxton, Marc Hiver et Louise Merzeau. La formule a bien marché. Et, surtout, elle a permis aux deux parties de se renforcer, d’acquérir de l’expérience dans une formation doctorale et, progressivement de s’autonomiser, l’une et l’autre.

X. L. : Entre temps, le LabSIC ?

2P. M. : Entre temps, fort de sa nouvelle formation doctorale, le LabSIC avait été créé. Mais c’est ici qu’il faut évoquer ses deux figures tutélaires : Bernard Miège, à Grenoble, et Gaëtan Tremblay, à Montréal. Le premier avait dirigé mon doctorat d’État. Pour l’anecdote, il m’avait donné son accord pour cette direction à la faveur d’un échange que j’avais eu avec lui, au moment d’un congrès de la SFSIC. En l’occurrence il s’agissait de celui qui, en 1982, s’était tenu à Grenoble, sur le thème « Information, économie et société ». Pionnier de l’approche communicationnelle des industries culturelles, Bernard avait été, entre autres, l’auteur principal d’un ouvrage qui a joué (et continue de jouer) un rôle déterminant dans les travaux et orientations du LabSIC : Capitalisme et Industries culturelles. Sa première édition date de 1978 et, en 1984, sa seconde édition avait été enrichie d’une Postface magistrale. Par ailleurs, Bernard nous a d’emblée incités à créer un laboratoire de recherche se consacrant spécifiquement à ces questions d’industries culturelles. Il n’en existait à l’époque nulle part ailleurs en France, excepté le Gresec, qu’il dirigeait à Grenoble III. J’ajoute que, depuis cette date, il n’a cessé de nous faire bénéficier de ses conseils, sur les domaines à privilégier, sur les contacts à nouer à l’étranger, sur les initiatives à prendre, sur les ressources à mobiliser, sur les pistes nouvelles à explorer. Le LabSIC a donc été – et est toujours – profondément redevable à Bernard Miège et, évidemment, influencé par le Gresec.

X. L. : Et Gaëtan Tremblay ?

3P. M. : D’abord, une rencontre personnelle, alors que, tout jeune chercheur, à la fin des années 1970, j’effectuais mon premier séjour d’étude au Québec. Avec Jean-Guy Lacroix, Gaëtan animait un petit groupe de recherche extrêmement dynamique, à l’Université du Québec à Montréal : le Gricis, devenu ensuite le Cricis (Centre de Recherche Interuniversitaire sur la Communication, l’Information et la Société). À l’époque Gaëtan travaillait dans trois champs principaux : la campagne référendaire vue par la presse québécoise, les évolutions du service public de radiodiffusion et les premiers pas de la télévision à péage. Par ailleurs, il avait aussi été l’un des principaux évaluateurs des programmes canadiens de télévision par satellite à la fin des années 1970. C’était d’ailleurs à ce titre que j’avais fait sa connaissance. Mais le plus important était que Gaëtan avait dirigé en 1990 un ouvrage sur Les industries de la culture et de la communication au Québec et au Canada. Or, les enquêtes et la recherche que cet ouvrage relatait représentaient, à nos yeux, exactement ce qu’il nous semblait falloir faire en France. Et que, d’ailleurs, nous avons alors essayé de faire.

J’ajoute que, plus tard, Gaëtan et son équipe ont été, en travaillant sur l’économie de la câblodistribution, à l’origine de la formalisation du modèle du club, à ajouter aux modèles éditorial et de flot. Contribution essentielle à la recherche sur les industries culturelles. De fait, c’est suite à cette formalisation que l’équipe de Grenoble a, de son côté, identifié, à partir de la télématique, le modèle du compteur, et, que nous-mêmes au LabSIC, plus tard encore, avons identifié, en nous intéressant au fonctionnement des moteurs de recherche, puis des plates-formes, le modèle du courtage informationnel, comme l’un des cinq modèles socio-économiques régissant les industries culturelles. Ainsi allaient naître les théories des industries culturelles.

X. L. : Revenons à la question des origines : comment les choses se sont-elles organisées au début, pour le LabSIC ?

4P. M. : Au départ, l’un des facteurs décisifs a été la coopération tripartite entre Grenoble, Montréal et nous. Elle s’est nouée spontanément, mais elle a été grandement facilitée par la formule des « projets intégrés » financés par le Ministère français des affaires étrangères et son homologue québécois. Nous avons bénéficié successivement de trois de ces projets, de deux ans chacun. L’origine et les orientations des travaux menés et publiés à cette occasion peuvent être retrouvées dans un article collectif, publié en 1993, intitulé « La convergence des télécommunications et de l’audiovisuel : un renouvellement de perspective s’impose ». Cet article séminal figure dans le numéro 1 du volume V de la revue TIS Technologies de l’Information et Société. Il prend le contrepied de l’idée, largement répandue à l’époque et qui fait encore florès aujourd’hui, selon laquelle la convergence de l’informatique, des réseaux et de l’audiovisuel était inéluctable et naturelle. Nous y mettons l’accent sur les quatre niveaux auxquels il nous paraît nécessaire de mesurer le degré de convergence : les stratégies des entreprises, les politiques publiques (notamment du point de vue des pratiques de régulation), l’organisation du travail (en particulier, l’apparition de professions censées être liées aux phénomènes de convergence) et, enfin, la prescription des usages. Cette structuration continue de nous inspirer aujourd’hui.

Ensuite, d’autres programmes réguliers de coopération ont été menés avec d’autres pays, le plus souvent assortis d’échanges de chercheurs et d’étudiants avancés : Côte d’Ivoire, Brésil, Autriche et d’autres encore. Mais l’important pour le LabSIC était que la priorité était désormais donnée à la question – telle que nous la formulions à l’époque – des enjeux de l’informatisation et de l’internationalisation pour les industries de la culture, de l’information et des communications. Cette priorité ne s’est pas non plus démentie depuis.

X. L. : Quel a été, plus généralement, le programme scientifique du LabSIC ?

P. M. : Notre centre de gravité était donc – et est toujours – l’analyse communicationnelle de l’industrialisation de la culture et de la communication, avec une orientation en faveur de l’approche en termes d’économie politique. Cette spécialisation n’a toutefois jamais été pour nous synonyme d’enfermement. Au contraire, je tiens à le souligner, le principe du LabSIC a toujours été de décliner son approche dans des domaines très différents les uns des autres : entre autres, les médias grand public, l’édition, bien sûr, mais aussi les outils et médias éducatifs, la communication d’entreprise et ce que, de manière impropre, nous appelions à l’époque « l’informatisation sociale ». Et c’est selon cette stratégie de diversification que nous avons d’emblée organisé nos travaux autour de trois axes, en nous efforçant de ménager la transversalité de l’un à l’autre de ces trois axes.

X. L. : Quels axes ?

P. M. : Ce sont ceux qui, à peu de choses près, se retrouvent dans les trois thématiques d’aujourd’hui. Le premier, intitulé « Approches socio-économiques de la culture », dont j’assurais la coordination en même temps que la direction du Laboratoire, portait sur les modèles régissant les filières au sein des industries culturelles et médiatiques, et sur les conditions empiriques et épistémologiques de leur formalisation. L’accent était plus particulièrement mis sur l’édition – où les travaux fondateurs de Jean-Marie Bouvaist, à Paris XIII, sont à l’origine de la « filière édition » – sur la télévision et sur la presse écrite. Mais nous nous intéressions également, entre autres, à la télévision généraliste et aussi, à un domaine qui a progressivement pris une grande importance dans nos travaux : l’industrialisation de la formation. En dehors du LabSIC, mais avec plusieurs de ses membres, le Séminaire « Industrialisation de la Formation », premier groupe à être labélisé par la SFSIC (en 1993), a, en effet, réuni, sur cette problématique, des chercheurs en provenance de sciences de l’éducation, économie, gestion, linguistique et informatique.

5Le deuxième axe était intitulé « Approches socio-politiques de l’histoire des médias et de l’espace public ». Il était coordonné par Roger Bautier. L’objectif des travaux y était de mieux comprendre les conditions particulières de l’émergence d’une conception de la communication politique qui, du XVIIIe siècle à nos jours, a marqué profondément les sociétés concernées. Il s’agissait aussi d’appréhender les enjeux des transformations industrielles qui ont affecté l’exercice de cette communication au cours de l’évolution de ces mêmes sociétés. Cet axe aussi a été extrêmement productif, avec des programmes de recherche portant notamment sur la délibération publique et l’histoire de la presse. Plusieurs des chercheures qui y travaillaient avaient d’ailleurs fait leur thèse sous la direction de André-Jean Tudesq qui, à Bordeaux, faisait autorité dans le domaine.

Enfin, créé à la fin des années 1990, le troisième axe, était animé par Dominique Carré et intitulé « Approches socio-techniques de l’intégration des innovations en matière de systèmes d’information et de communication dans les organisations ». L’accent y était mis, entre autres, sur la constitution de structures « information-communication » en voie d’industrialisation rapide au sein des entreprises – on parlait à l’époque de « bureautique » –, des administrations, des musées, etc. et sur les enjeux industriels de ces structures et de leur fonctionnement sur les relations entre salariés, sur les liens entre les organisations et leurs publics et, plus généralement, sur la communication publique et les échanges sociaux.

X. L. : Quand et pourquoi avez-vous quitté la direction du LabSIC ?

P. M. : En 2010. La charge était très lourde. De moins de dix, nous étions passés à près d’une vingtaine de chercheurs. Nous en sommes aujourd’hui à trente membres permanents et trente-cinq associés… Tâche d’autant plus lourde qu’en parallèle j’avais fondé en 2001, à la demande du ministère de la recherche, et dirigeais la Maison des sciences de l’Homme Paris Nord, devenue Unité mixte associant Paris VIII, Paris XIII et le CNRS. Et que j’avais aussi dirigé l’UFR pendant quelques années. Surtout, Bertrand Legendre était prêt à prendre le relais et pouvait donner au laboratoire la dynamique nouvelle dont il avait besoin.

X. L. : Alors, cette nouvelle dynamique ?

Bertrand Legendre : Le programme et la raison d’être du LabSIC, à ses débuts, étaient effectivement fondés, comme vient de le rappeler Pierre Mœglin, sur l’analyse des industries culturelles « classiques », et tout particulièrement marqués par les acquis des travaux de l’économie politique de la communication. C’est sur cette base que nous avons poursuivi nos recherches. Et je m’empresse de dire que la « nouvelle dynamique » dont il parle n’existe que parce qu’elle prend appui sur ce qui a été fait jusqu’en 2010. En 2011, l’AERES soulignait d’ailleurs dans son rapport « la grande cohérence des recherches de l’unité » et « une stratégie affirmée de lier solidement la recherche fondamentale et la recherche appliquée ». Il s’agissait donc pour moi de penser une nouvelle dynamique, certes, mais surtout de chercher à réunir des conditions permettant aux membres du laboratoire et aux doctorants de travailler en portant leur action, beaucoup plus largement qu’ils ne pouvaient le faire jusqu’alors, vers l’international et vers les acteurs des secteurs d’activité auxquels nous nous intéressons. Ces deux voies ont ainsi été identifiées assez aisément. En revanche, réunir les conditions de leur exploitation n’allait pas de soi, et je dois dire que les circonstances nous ont alors un peu aidés.

X. L. : De quelle manière ?

B. L. : Très concrètement le rapport de l’AERES que je viens d’évoquer, avait été très positif. Ce qui a logiquement conduit l’établissement à renforcer le soutien qu’il apportait déjà au laboratoire, malgré la mauvaise situation financière dans laquelle l’université se trouvait déjà à l’époque. Ce premier facteur a permis de renforcer l’engagement des enseignants-chercheurs du LabSIC dans nombre de manifestations scientifiques, tant en France qu’à l’étranger. Il a aussi contribué à mieux faire connaître le laboratoire auprès des doctorants potentiels, notamment en Amérique du sud. Mais c’est un point sur lequel je reviendrai. Cependant, la portée de ce soutien, même renforcé, n’était pas de nature à permettre le financement des programmes eux-mêmes. Les circonstances ont radicalement changé avec la création du LabEx Industries Culturelles et Création Artistique (ICCA), fin 2011. Ce LabEx, dont j’ai pris la direction, nous a, en effet, alors réellement donné les moyens de nos ambitions et de la nouvelle dynamique à laquelle nous aspirions. Ainsi sommes-nous passés d’un régime de dotations annuelles, qui ne nous permettait que de prendre en charge les missions des chercheurs et quelques manifestations internes, à un régime qui, désormais, nous donne les moyens du financement de programmes, de chargés de recherche, de post-doctorats, et qui nous offre de la visibilité sur plusieurs années, dix initialement. Cela a été un changement de contexte assez radical.

X. L. : Comment l’activité du LabSIC s’en est-elle ressentie ?

B. L. : Les deux voies mentionnées à l’instant ont pu être explorées avec des résultats beaucoup plus conséquents. Et c’est dans la dimension internationale que se trouvent les évolutions majeures des dernières années. Les orientations scientifiques du LabSIC structurées par ses trois thématiques, et dont la pertinence reste tout à fait d’actualité, trouvent matière à nouveaux élans dans cette ouverture internationale volontariste. En témoigne notamment, pour ne prendre que l’un de nos derniers événements en date, le colloque international qui s’est tenu en juin 2017 à Varna (en Bulgarie), sous le titre « Questionner le tournant créatif : dispositifs, processus et représentations ». Cette manifestation prend place dans la politique d’ensemble qui structure aujourd’hui une large part des activités du laboratoire et s’inscrit dans la durée. Il ne s’agit plus de recherches ponctuelles, succédant les unes aux autres sans que, faute de ressources, des pratiques durables et des problématiques partagées puissent être élaborées à un degré satisfaisant. Nous parvenons maintenant, comme ce colloque l’a montré, mais comme l’ont aussi montré beaucoup de manifestations antérieures, notamment autour d’une ANR qui portait sur la mutation des théories des industries culturelles et éducatives aux théories des industries créatives et sur la question des mutations de l’édition et des éditeurs, à jouer un rôle central dans la constitution de réseaux. Ceux-ci ont vocation à s’inscrire dans la durée et à structurer des thématiques de recherche. Plus fondamentalement, ce colloque de Varna, les travaux autour de l’ANR et ceux du LabEx, en lien avec la Maison des sciences de l’homme Paris Nord, ont permis de cristalliser une dynamique internationale autour des articulations entre travail et créativité ou entre la part créative dans le travail et la créativité organisée dans des sphères très diverses : dans les mondes de la culture, de l’entreprise et des industries créatives.

X. L. : La question de la créativité devient donc une question centrale ?

B. L. : En effet, cette question, point nodal aussi bien du congrès 2018 de la SFSIC que d’une large part des travaux du LabSIC, est une porte d’entrée vers de nouveaux objets d’étude ; commune à nos trois thématiques, elle se traduit par un élargissement de leurs perspectives respectives, sans pour autant remettre en cause leur ancrage historique et fondateur sur l’industrialisation de la culture, de l’information et de la communication, sur les modèles socio-économiques des industries culturelles, éducatives et créatives, sur les phénomènes de concentration et de financiarisation, sur les modes d’articulation entre filières, mais aussi sur les relations entre industrie et artisanat ou autoproduction.

X. L. : Quelles sont maintenant vos perspectives ?

6B. L. : Plus généralement, au-delà de la référence à la créativité que je viens de faire, nous entendons poursuivre et amplifier la conjugaison des analyses sectorielles sur les grandes filières et principaux domaines (presse, édition-librairie, industries éducatives, productions muséales, spectacle vivant, audiovisuel, arts numériques, jeu vidéo) et analyses intersectorielles, condition sine qua non d’un travail de fond sur les modes d’industrialisation, de marchandisation et d’adaptation de ces secteurs aux contextes internationaux. Ces analyses transversales nous permettent d’examiner de quelle manière, dans les différentes filières des industries culturelles, les modalités de création, production, reproduction, distribution, promotion, valorisation évoluent face à divers mouvements transversaux, dont l’entrée dans ces marchés des grands acteurs des industries de la communication (les GAFAM en particulier). Généralement, ces derniers savent tirer le meilleur parti du déploiement du numérique et, ainsi, sont mieux à même que les acteurs historiques des industries culturelles de profiter des nouvelles modalités d’industrialisation et de mise en marché des produits culturels liées au numérique. L’analyse transversale permet alors d’examiner comment évoluent les différences et les points communs entre ces différentes filières. Cette perspective correspond à une interrogation historique chez les spécialistes des théories communicationnelles des industries culturelles. Dès la fin des années 1970, rappelons-le, ils considéraient, en effet, que les industries culturelles se démarquaient des autres activités industrielles par un certain nombre de différences entre elles mais aussi de points communs les distinguant des autres industries. Parmi ces différences, il en est une, essentielle : le caractère aléatoire de la valeur et de la valorisation des produits culturels, lui-même lié à la place centrale du travail intellectuel et artistique dans la construction de la valeur de ces produits. Cette caractéristique oblige, en effet, les acteurs industriels à mettre sur le marché plus de produits que ceux qui pourront être consommés. Or, ce questionnement reste central pour nous aujourd’hui et sa dimension internationale s’est considérablement renforcée. Il renvoie à des enjeux de politique publique (le subventionnement de la production ou celui de la diffusion notamment), à des enjeux d’organisation des filières (oligopoles à franges) et de la main d’œuvre (le « vivier »). Pour chacun de ces enjeux, nous nous efforçons d’étudier comment l’entrée des industries de la communication à différents niveaux des filières, de la création à la diffusion transforme les équilibres en place. Par exemple, quels enjeux l’arrivée de plates-formes comme Netflix, Facebook ou Amazon soulève-t-elle dans la création et la production multimédia ? Quels rôles ces acteurs jouent-ils dans la diffusion ? Quelle part des marchés et de la valeur ajoutée de la filière conquièrent-ils ? Et quelles en sont les conséquences pour les acteurs nationaux et les productions nationales ? Comment cela transforme-t-il aussi les enjeux de politiques publiques ?

Ce sont là quelques-unes des questions qui nourrissent cette première voie tournée vers l’international. Elles sont au cœur de plusieurs programmes de recherche que nous conduisons en lien avec le LabEx ICCA, tels celui consacré aux plates-formes et celui portant sur « le Modèle français » en lien avec nos partenaires étrangers. Mais, en arrière plan de ces programmes, trois enjeux doivent être signalés : ils concernent la notoriété internationale du laboratoire que nous voulons consolider, le renforcement d’une approche théorique nourrie par l’économie politique de la communication, avec la dimension réflexive et critique qui l’accompagne, et l’attractivité du laboratoire en tant qu’entité de formation doctorale très ouverte à l’international.

X. L. : Vous évoquiez aussi une seconde voie…

7B. L. : En effet, si la première constitue un élément à part entière de notre dynamique, elle n’est pas indépendante de celle qui réside dans le croisement des analyses sectorielles et intersectorielles, des recherches généalogiques, des études longitudinales et prospectives, et des réflexions plus générales et fondamentales qui portent sur les mutations des industries culturelles, des industries créatives et éducatives, et sur les modèles socio-économiques auxquels elles se rapportent. Selon les cas, elles intéressent, en France et à l’étranger, les pouvoirs publics, les organismes professionnels nationaux ou régionaux, des entreprises ou établissements publics, des collectivités territoriales.

Un exemple de recherche sur l’internationalisation des industries culturelles : « Productions et circulations des biens culturels dans la région MENA », Abdelfettah Benchenna (LabSIC) et Dominique Marchetti (CNRS, CESSP)

Les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) connaissent, depuis deux décennies, des bouleversements sans précédents de leur paysage informationnel et un foisonnement de biens culturels, produits en leur sein ou venus d’ailleurs. Réseaux informatiques et format numérique aidant, ces produits empruntent des réseaux dont l’analyse ne permet pas de construire des catégories séparant les économies « formelle » et « informelle ». La littérature existante sur ces productions culturelles porte très majoritairement, depuis le milieu des années 1990, sur les flux informationnels, les recompositions des champs médiatiques, en particulier au Proche-Orient et moins au Maghreb, mais aussi sur la réception des télévisions arabes transnationales. Un nombre très important de travaux de recherches porte également, depuis une dizaine d’années, sur les réseaux numériques dits « sociaux » et sur le rôle qu’ils ont joué dans les révoltes au sein de plusieurs pays majoritairement de langue arabe, mais aussi désormais sur les questions de « transition médiatique ».

Ce projet se décline sur trois échelles. La première entend ne pas cloisonner les biens culturels dans des spécialités (médias, cinémas, séries, etc.), mais étudier ensemble leur production, leur diffusion et leurs appropriations. La deuxième est de placer au cœur de l’analyse relationnelle les questions socioéconomiques des entreprises médiatiques, les profils de leurs initiateurs et de leurs employés, les enjeux pour les États et les organisations internationales. Autrement dit, combiner l’analyse des contenus avec des perspectives sociologiques, économiques, historiques et politiques. Par exemple, un faible nombre de recherches a été consacré à la présence d’entreprises de presse sur supports papier et réseaux numériques, toujours à la recherche d’un équilibre économique et le plus souvent en lutte pour la liberté d’expression. De même, quand les cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient font l’objet de travaux universitaires, les films sont pensés avant tout comme œuvres artistiques, rarement comme biens culturels. La troisième échelle nous conduit à étudier en même temps les transformations des espaces médiatiques et culturels nationaux, qui sont loin d’être homogènes, avec celles des espaces internationaux des biens culturels.

Pour fédérer nos investigations, nous consacrons nos efforts, dans un premier temps, à une recherche portant sur les entreprises de presse, non adossées aux partis politiques au Maroc et en Tunisie, autour de trois axes : profil des entrepreneurs de presse et contexte socioéconomique ; rapports des entreprises de presse écrite aux pouvoirs politique et économique ; mode organisationnel au sein des entreprises de presse. Parallèlement, nous organisons depuis octobre 2015, un séminaire qui donne en priorité la parole à de jeunes chercheurs travaillant sur des problématiques en lien avec la production et la circulation des biens culturels dans cette région du monde. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans les orientations de l’Observatoire des Mutations des Industries Culturelles (Omic) au sein de la Maison des sciences de l’homme Paris Nord, mais aussi dans la continuité d’un ensemble de manifestations organisées par les porteurs du projet. Un carnet de recherche fait état des activités menées. Les enregistrements des séances du séminaire et les différentes publications y sont également accessibles : https://culturmena.hypotheses.org/

Ces éléments s’inscrivent dans la droite ligne de l’histoire du LabSIC, mais ils connaissent de nouveaux développements, à l’image du GIS « Innovation, interdisciplinarité, formation », dont le LabSIC est à l’origine de la création en 2016, dans le prolongement du Séminaire Industrialisation de la formation (Sif).

Le Sif et le GIS2if, Nathalie Boucher-Petrovic, Yolande Combès, Xavier Levoin, Bastien Louessard, Pierre Mœglin, Laurent Petit, Aude Seurrat (LabSIC)

Depuis la création du LabSIC, une place importante y est accordée aux questions d’industrialisation de la formation, notamment au sein du Séminaire « Industrialisation de la Formation » créé en 1991. Le Sif mène des réflexions sur les rapports entre les règles, pratiques et formes organisationnelles propres à la formation et le « monde industriel ». En 2016, le Séminaire a donné naissance au GIS2if, le Groupement d’Intérêt Scientifique Innovation, Interdisciplinarité, Formation. Cette structure fédérative, interinstitutionnelle et interdisciplinaire prolonge et élargit les travaux du Sif. Il rassemble actuellement une trentaine de laboratoires et équipes de recherche, en sciences de l’information et de la communication, en sciences de l’éducation, ainsi qu’en sciences de gestion et en ergonomie. Son but est la mise en réseau de chercheur(e)s et d’équipes de recherche travaillant sur les phénomènes d’innovation dans la formation et les phénomènes associés à l’innovation, sur les phénomènes d’industrialisation de (et dans) la formation et sur les interactions entre innovation et industrialisation. Le GIS2if tient un carnet de recherche sur hypothèses.org https://2if.hypotheses.org/ et présentera ses activités dans le cadre d’un panel du Congrès. Il a notamment organisé ses premières journées les 19 et 20 juin 2017, à la Fondation MSH et une Journée doctorale en partenariat avec le CIREL sur le thème « Questions vives en e-Education et e-Formation », le 20 mars 2018, à Lille.

8Les recherches sur les modèles socio-économiques, essentielles dans l’identité du laboratoire, sont au cœur d’une circulation de questionnements qui lient les enseignants-chercheurs et les acteurs de nombreux domaines d’activité. Ainsi, nos travaux sur l’intermédiation, le courtage informationnel et le rôle des plates-formes numériques suscitent maintenant l’attention et des demandes d’acteurs du champ culturel comme le Théâtre Gérard Philipe confronté, au même titre que l’ensemble des lieux de spectacle, à un questionnement portant sur les enjeux liés à la prise en charge de la billetterie par des plates-formes privées. Il en va de même pour nombre de travaux que nous avons réalisés pendant la période récente ou qui sont encore en cours. Par exemple, ceux qui portent sur l’approche communicationnelle des dispositifs d’audit et de palmarès des universités (le fameux « Classement de Shanghai »), sur l’hyperconnectivité et le contrôle social, les serious games, le Très Haut Débit, la télévision connectée, ou encore les dispositifs d’écriture numérique, les médiations numériques muséales, la genèse des schémas industriels appliqués à l’éducation et le développement du paradigme créatif dans l’entreprise… Globalement, il s’agit maintenant de réinvestir la connaissance des rapports entre industries de la culture et industries de la communication au profit d’une interrogation sur les mouvements dits d’« économisation » de la culture et de « culturalisation » de l’économie. Ou, dit autrement, sur le déploiement de la logique d’industrialisation des biens symboliques. Comment des entreprises culturelles incorporent-elles des modes de fonctionnement relevant des industries non culturelles et comment des entreprises non culturelles importent-elles des modalités de fonctionnement habituelles au sein des industries culturelles et tendent-elles à devenir des industries des biens symboliques ?

Des travaux sur les serious games, Yolande Combès, Sarah Labelle, Aude Seurrat (LabSIC).

Engagée en 2009, avec le programme de recherche et développement ManEGe, l’analyse des dimensions politiques, socio-économiques et techno-sémiotiques des serious games a connu une grande extension au sein du LabSIC. Le projet ManEGe a été un programme de recherche appliquée, financé par le Plan de relance de l’économie numérique de la DGCIS ; il a été piloté par Sarah Labelle et Yolande Combes. L’objectif était de concevoir un jeu numérique aidant les apprenants à mieux comprendre les modes de fonctionnement du marché européen de l’électricité. L’objectif était aussi de prendre de la distance par rapport à l’apparente « innovation » de ces dispositifs afin d’analyser finement le déploiement de ce secteur, les stratégies d’acteurs ainsi que la diversité de ces dispositifs nommés « serious games ». Un accent particulier a été porté sur les formes de médiation et sur la relation entre gameplay, apprentissage et axiologie. En 2012, un séminaire a été organisé par la MSH Paris Nord, le LabSIC et le laboratoire EXPERICE (sciences de l’éducation Paris VIII – Paris XIII), intitulé « Jeu vidéo et médiations des savoirs : Regards croisés sur le serious game ». Ensuite, les travaux ont donné lieu à la constitution d’un groupe d’étude sur le serious game, au sein du du LabEx ICCA qui a notamment organisé une journée d’études sur le « serious game saisi par la recherche », en décembre 2012 à la MSH Paris Nord. Enfin, la question des serious game a été élargie à celle de la « gamification » avec l’organisation du colloque international « Formes et fonctions de la gamification du travail » qui s’est tenu à la Sorbonne Nouvelle en 2015. Suite à un partenariat avec l’association Opendata France, une recherche-action a été menée sur les besoins en formation des acteurs publics et privés de la mise à disposition des données. Elle a conduit au développement d’un jeu de formation de type jeu de rôle coopératif intitulé « Les explorateurs de données territoriales ».

X. L. : Et la question des territoires ?

9B. L. : En effet, cette question peu traitée au sein des SIC, avec quelques exceptions, notamment celle du Gresec, nous intéresse directement, en lien avec nos travaux sur les industries créatives. La problématique des Smart Cities en est un exemple intéressant, car elle permet d’étudier comment le mouvement de transformation d’entreprises culturelles, ou aussi d’entreprises non culturelles, en industries des biens symboliques peut conduire à des valorisations par une insertion territoriale. Ainsi, dans les Smart Cities de l’Île Maurice, des théâtres, des centres d’arts, des parcs d’attraction, des universités mais aussi des centres commerciaux, des zones de bureaux ou d’habitation ne sont pas valorisées en direction de consommateurs finaux de chacun de ces produits, mais les uns par rapport aux autres en misant sur les effets d’externalités existant entre ces activités rassemblées dans le même espace et conçues dès le départ les unes par rapport aux autres.

X. L. : Qu’apporte cette nouvelle dynamique aux doctorants ?

B.L. : Les deux voies dont je viens de parler marquent très clairement notre politique de recrutement doctoral. La manifestation la plus visible en est sans doute le fait que nous avons, depuis plusieurs années, un flux relativement important de doctorants liés à notre politique internationale, tout particulièrement en lien avec plusieurs pays sud-américains. Les contrats doctoraux, parfois fléchés sur tel ou tel de nos programmes, sont aussi porteurs de cette dynamique, ainsi que plusieurs conventions CIFRE qui s’inscrivent très directement dans le courant des relations tissées entre le LabSIC et le bassin d’activité qui nous entoure, riche d’industries et d’organismes culturels, de problématiques territoriales et de questionnements relatifs aux politiques publiques. Je crois pouvoir dire que les doctorants et post-doctorants sont la fois en immersion dans un terrain très riche, et dans un environnement scientifique très favorable avec, notamment à proximité immédiate du LabSIC, la MSH Paris Nord, le LabEx ICCA et bientôt le Campus Condorcet.

Le LabSIC, d’une thématique, l’autre

Xavier Levoin et Pierre Mœglin : Comment l’élargissement horizontal évoqué précédemment, sur l’origine du LabSIC, s’est-il traduit pour la thématique n° 1, « Industries culturelles, éducatives et créatives : reconfiguration des secteurs et logiques émergentes » ?

Philippe Bouquillion et Bertrand Legendre : Cette extension de la problématique à d’autres questionnements était déjà en germe dans les années 1990, en effet. Mais, au début des années 2000, elle a été, pour une large part, motivée de manière toute particulière par les transformations socio-économiques, en particulier par la nouvelle place qu’occupent les industries culturelles dans les économies contemporaines. Ainsi les « tournants » numérique et créatif ont-ils donné lieu à des recherches, dans le cadre de cet axe, qui ont mis en évidence l’inscription des industries culturelles, de leurs productions voire de certaines caractéristiques de leur fonctionnement au cœur du capitalisme. L’un des secteurs privilégiés, à cet égard, est celui des industries éducatives.

Un exemple de recherche concernant les industries éducatives : « La formation des valeurs : instruments, médiations et médiatisation », Christine Barats (Ceditec), Julie Bouchard (LabSIC), Arielle Haakenstad (Carism).

L’approche socio-économique des industries éducative, culturelle et créative donne lieu à un programme de recherche centré sur l’étude de la formation des valeurs. Ce programme développe des travaux empiriques originaux pour mettre en évidence les conditions de la production, de la circulation et de l’application d’instruments et de technologies intellectuelles d’évaluation quantifiée dans le monde contemporain, en l’occurrence dans la recherche scientifique. L’accent est plus particulièrement mis sur le rôle des médias. Tels qu’ils ressortent notamment de l’ouvrage collectif, Faire et dire l’évaluation. L’enseignement supérieur et la recherche conquis par la performance, Presses des Mines, 2017, nos résultats montrent qu’un nouvel esprit de l’évaluation a trouvé l’une de ses principales impulsions dans les réformes des politiques publiques en général et dans celles de l’enseignement supérieur et de la recherche en particulier. Et ce, aux échelles nationale et supranationale. Dans ce contexte, le terme « évaluation » a acquis dans le monde académique contemporain, comme dans d’autres mondes, une forte connotation bureaucratique en lien avec l’évolution des conditions et modalités concrètes de son exercice. Cinq dimensions inter-reliées de l’appareillage bureaucratique de l’évaluation apparaissent dans la littérature académique : a) la procéduralisation, avec la définition et le développement de règles et procédures formelles d’évaluation concernant les délais, les critères, la constitution des dossiers b) la formalisation, avec la prolifération de documents écrits délimitant et formatant l’évaluation ; c) la normalisation, avec des instances dédiées à l’élaboration, à la diffusion et à l’adoption de normes d’évaluation ; d) la standardisation, avec la production d’indicateurs chiffrés se prêtant à une automatisation de la mesure (« facteur d’impact », « taux de réussite », « taux d’insertion professionnelle », « indice h »…) ; e) la publicisation des processus et résultats de l’évaluation, qui oscille entre injonction à la transparence et à l’information et mise en scène de – et par – l’évaluation des structures académiques.

Dans ce secteur, le rayonnement du LabSIC est particulièrement sensible. En témoignent le fonctionnement du Séminaire « Industrialisation de la Formation », toujours coordonné par Pierre Mœglin, ainsi que d’autres initiatives, qui en dérivent peu ou prou. Ainsi du Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS2if), au sein duquel plusieurs membres du LabSIC jouent un rôle très actif. Nous en avons parlé précédemment.

X. L. et P. M. : Quelques exemples de cette inscription des industries culturelles dans les économies d’aujourd’hui ?

10Philippe Bouquillion : À partir de la fin des années 2000 et surtout depuis 2010, nombre d’acteurs socio-économiques étrangers aux industries culturelles ont tenté d’accroître la dimension symbolique de leurs offres. L’un des exemples les plus emblématiques, à cet égard, est celui d’Apple. Ce fabricant de matériels électroniques a voulu faire de ses ordinateurs, baladeurs, téléphones, tablettes et plates-formes des produits « culturels ». De même, des acteurs du numérique, aussi différents par ailleurs que Google et Amazon, ont, chacun à sa manière, construit leur « modèle d’affaires » en s’appuyant légalement ou illégalement sur les productions des acteurs historiques des industries culturelles ou sur les Users Generated Contents. Ce faisant, ils ont évidemment profité de l’essor du Web collaboratif que certains de ses acteurs ont encouragé et su exploiter (Google avec Youtube par exemple). Par ailleurs, des industriels, au départ totalement étrangers à la culture et à la communication et appartenant à des domaines fort divers, par exemple le textile, l’agro-alimentaire, l’automobile ou les services, notamment banques et assurances, ont également conduit de telles stratégies. Je citerai, par exemple, le recours au travail culturel, à l’organisation par projet, à la stratégie dite du tube et du catalogue (mise sur le marché d’un nombre de produits supérieur aux capacités d’absorption des marchés, etc.)

X. L. et P. M. : Que nous apprennent les recherches menées au LabSIC sur les effets de ces stratégies ?

11P. B. : L’on observe que l’objectif, parfois atteint (mais qui ne l’a pas toujours été) par ces acteurs, est généralement d’améliorer leur position concurrentielle, en particulier d’échapper à la concurrence par les prix et ainsi d’augmenter leur taux de marge. Des variantes de cette situation peuvent être trouvées en dehors d’activités industrielles. Ainsi, par exemple, des territoires se revendiquant du label « Smart Cities » en viennent-ils à favoriser l’implantation d’activités culturelles, industrialisées ou non, afin de se « qualifier », de se distinguer, et de se rendre attractif aux yeux des investisseurs et autres acteurs socio-économiques qu’ils cherchent à attirer. Les opérateurs des Smart Cities peuvent aussi s’intéresser aux activités culturelles pour les externalités qu’elles peuvent offrir par rapport aux autres industries accueillies dans ce lieu, qu’il s’agisse d’un centre commercial, d’une université ou d’un complexe résidentiel. Les productions culturelles se valorisent alors par rapport au foncier.

X. L. et P. M. : Donc, des industries non culturelles vers les industries culturelles ?

12Bertrand Legendre : Historiquement, c’est même ce mouvement qui a été observé en premier. Et ce, tout particulièrement, dans l’édition de livres. Laquelle a connu, à partir des années 1970-1980, l’arrivée d’acteurs étrangers à la filière, tels que Matra pour Hachette, ou la Générale des Eaux pour ce qui était alors le Groupe de la Cité. Le mouvement de concentration qui s’est poursuivi a eu de multiples conséquences : la recherche de résultats financiers plus élevés, le renforcement des outils de gestion, le développement du recours au marketing, l’augmentation de la production et la réduction de la durée de vie du livre, la best-sellerisation de la production et le développement de dimension internationale, la multiplication des séries…

Un exemple de thèse sur les mutations d’un grand groupe d’édition : « Le groupe Lagardère face aux mutations des industries de la culture et de la communication », Michel Diard, sous la direction de Philippe Bouquillion, 2016.

Le choix d’une recherche doctorale sur le groupe Lagardère se situait dans la continuité des travaux sur les rapports entre industries culturelles et industries de la communication (télécommunications, industries du Web et des logiciels, industries des matériels électroniques grand public), ainsi que sur les enjeux de la financiarisation pour les industries culturelles et leurs rapports avec les industries de la communication. Ces travaux, conduits par le LabSIC et se référant aux théories des industries culturelles ont joué un rôle central dans la production de mes hypothèses et dans la problématique qui a structuré ma recherche.

Lagardère présentait trois intérêts : en premier lieu, celui d’entretenir des rapports très étroits et réguliers avec l’État et le monde politique, en second lieu d’être un groupe national, mais à fort positionnement international et, enfin, un groupe qui continuait à penser les rapports entre produits culturels et numériques, mais qui, pour autant, n’était pas un acteur positionné directement dans les industries de la communication.

Lagardère SCA avait subi des modifications structurelles majeures en une vingtaine d’années, avec, notamment, la disparition des activités liées à l’héritage du groupe Matra. Ses filières culturelles historiques (édition de livre, presse écrite, radio et audiovisuel), de tailles très différentes, avaient mis en œuvre des stratégies distinctes pour s’adapter aux TIC, en tenant compte des traits particuliers de leur modèle (éditorial ou de flot) qu’il s’agissait de confronter aux stratégies de leurs concurrents.
Si Lagardère n’était plus un groupe industriel de défense, d’aérospatiale et de transport, se posait la question de savoir quelles solutions il avait adopté pour assurer ses équilibres économiques.

En aval, la conséquence la plus directe s’est située au niveau de la distribution profondément réorganisée et industrialisée. Ces transformations, que nous avons étudiées au fur et à mesure, ne sont d’ailleurs pas achevées et il s’agit aujourd’hui, pour ces acteurs, bien qu’ils soient dominants dans la filière du livre, de penser leur avenir face aux géants et, en premier lieu, face à Amazon.

X. L. et P. M. : Quelles conséquences observables du côté des industries culturelles ?

P. B. : Dans le même temps, les acteurs des industries culturelles, qui subissent plus qu’ils n’impulsent ces évolutions, ont vu leurs modalités de fonctionnement évoluer et en particulier se rapprocher de celles à l’œuvre dans les industries non culturelles. Le calcul économique, la rationalisation des quantités produites, la maîtrise des coûts, l’adaptation des produits aux attentes supposées des consommateurs figurent parmi les tendances que nous avons vu se renforcer de manière spectaculaire.

Un exemple de projet sur les plates-formes d’accès aux contenus culturels : Olivier Thuillas et Louis Wiart (LabSIC).

Dans le cadre du projet structurant « Plates-formes » mis en œuvre au sein du LabEx Industries culturelles et Création Artistiques (ICCA), deux chercheurs associés au LabSIC, Olivier Thuillas (Université de Limoges) et Louis Wiart (Université libre de Bruxelles), mènent une recherche sur les plates-formes numériques d’accès aux contenus culturels. Elle vise à analyser des plates-formes culturelles alternatives aux plates-formes dominantes, dans quatre secteurs en particulier : la librairie en ligne, la billetterie de spectacle, la musique enregistrée et le cinéma. L’idée est d’étudier précisément leur fonctionnement propre mais aussi d’analyser l’amont et l’aval de la plate-forme.

La domination des grands acteurs de la communication, essentiellement états-uniens, s’effectue en partie aux dépens des acteurs traditionnels de la production et de la distribution de contenus culturels (éditeurs de livres, libraires, producteurs audiovisuels, producteurs de musique) et des créateurs (écrivains, artistes, musiciens). Ces derniers peuvent faire le choix de participer aux plates-formes existantes, mais ils peuvent aussi choisir de collaborer ensemble pour mettre en place leur propre plate-forme afin de rester maîtres de la fonction centrale d’intermédiation et de ne pas « se couper » des liens avec l’aval de la plate-forme. Les pouvoirs publics, de leur côté, sont soucieux de maintenir à la fois une offre diversifiée de contenus culturels et de soutenir les producteurs et les distributeurs indépendants et peuvent, dans ce cadre, soit soutenir la création de plates-formes alternatives, soit parfois aller jusqu’à porter des plates-formes publiques d’accès aux contenus culturels.

La recherche analyse une vingtaine de plates-formes alternatives, en dresse une typologie et détaille deux de leurs caractéristiques : les formes et degré de coopération mises en œuvre par les acteurs partie prenante de la plate-forme et les modalités de soutien public dont elles bénéficient.

X. L. et P. M. : Que disent les travaux de la thématique sur les risques de disqualification que connaissent aujourd’hui les industries culturelles, concurrencées par les industries de la communication et du Web ?

P. B. : Le phénomène n’est pas nouveau. Dès la fin des années 1970 et le début des années 1980, en particulier avec les projets télématiques conduits en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, les industries culturelles ont été décrites comme étant concurrencées, voire à terme menacées de disparition, par les technologies d’information et de communication. Il est vrai que celles-ci renouvellent profondément les pratiques antérieures de communication interpersonnelle médiatisées notamment en leurs associant des contenus culturels et informationnels. Par ailleurs, il a également été affirmé que, grâce aux portails, les TIC allaient permettre aux usagers de choisir les contenus qu’ils consomment ainsi que le temps de leurs pratiques. Dès lors, les acteurs socio-économiques porteurs de ces dispositifs sont supposés se substituer aux acteurs historiques des industries culturelles et médiatiques en tant qu’acteurs dominant de l’offre, tandis que les pratiques de consommation, mais aussi les logiques qui président à la création, production et diffusion des contenus, seraient totalement renouvelées laissant notamment plus de place au choix de l’usager voire à sa créativité lorsque les usagers sont en mesure de concourir à l’offre de contenus.

L’on peut comprendre que, face à ces changements, les travaux sur les industries culturelles risquent d’être trop centrés sur des médias anciens et leurs logiques. Ils ne seraient donc en mesure ni de saisir les transformations des usages et en particulier le rôle actif de l’usager contributeur et en collaboration, ni d’appréhender les stratégies des acteurs des TIC issus des industries des télécommunications ou de celles de l’informatique.

X. L. et P. M. : Et que dire alors des changements liés au « Web collaboratif » ?

13P. B. : Nous avons travaillé, en effet, sur le Web collaboratif et, dans les années 2010, sur les plates-formes numériques, les réseaux sociaux, les Smart Cities et la blockchain. Ces dispositifs, par ailleurs fort hétérogènes, ont en commun de concurrencer voire de neutraliser les industries culturelles tant en amont (via de nouveaux intermédiaires ou la désintermédiation) qu’en aval grâce à l’activité des internautes contributeurs. Nous nous sommes donc fortement intéressés à ces mouvements. À défaut d’y reconnaître des révolutions, nous avons tendance à en pointer l’importance.

Un exemple de thèse sur les plates-formes de critique littéraire : Louis Wiart, « La prescription littéraire sur les réseaux socionumériques de lecteurs », sous la direction de Bertrand Legendre, 2015

Parmi les plates-formes du web collaboratif, notre recherche s’est focalisée sur les communautés de lecteurs en réseaux – Babelio, Goodreads, aNobii, MyBoox, Lecture Academy, Booknode, Manga Sanctuary, BDGest, etc. –, qui s’articulent autour de dispositifs d’échanges et de critiques littéraires.

Apparues dans le courant des années 1990, les plates-formes pionnières, conçues dans un esprit largement artisanal et expérimental, ont été supplantées durant la seconde moitié des années 2000 par des initiatives portées par des entreprises du monde du livre et de la communication, avec des visées promotionnelles et commerciales. Pour légitimer et assoir leurs projets, ces entreprises véhiculent un discours sur la « lecture sociale », renvoyant l’idée qu’une mise en réseau du livre dans l’univers numérique s’accompagne d’un accroissement de sa valeur d’échange et de sociabilité. Le développement de ces plates-formes est alors pensé comme un moyen de fédérer une communauté autour de sa marque et d’associer les internautes à la valorisation de son activité. Il s’agit également de déployer des modèles économiques fondés sur la communauté : les activités en ligne des internautes génèrent de la valeur, sous la forme de trafic, de données et de contenus, qui sont ensuite monétisés auprès de maisons d’édition auxquelles des opérations publicitaires sont vendues et auprès de librairies et de bibliothèques qui enrichissent leurs propres portails avec les contenus produits (critiques, tags, citations, etc.).

Ces dernières années, on observe un découplage entre, d’un côté, beaucoup d’initiatives qui s’essoufflent, voire qui sont purement et simplement fermées et, d’un autre côté, quelques plates-formes qui suivent une trajectoire ascendante et connaissent un réel succès. Selon le principe du « the winner takes all », les communautés de lecteurs les plus dynamiques ont eu tendance à acquérir une position de centralité, en concentrant toujours plus d’audience et de pratiques numériques.

X. L. et P. M. : Avec quels résultats ?

P. B. : Nous avons observé et interrogé trois mouvements complémentaires et articulés. Tout d’abord, sur le plan industriel, de fortes redistributions des cartes se sont produites entre les acteurs historiques des industries culturelles et les acteurs des télécommunications, de l’informatique, du Web, des matériels. Les productions culturelles industrialisées, alors envisagées comme des contenus, ont été valorisées selon des modalités renouvelées, par des acteurs qui avaient d’autres intérêts qu’une valorisation directe de ces contenus auprès des consommateurs finaux comme nous l’avons déjà souligné.

Ensuite, face à ces nouveaux rapports de force industriels, les conditions matérielles de production des produits culturels industriels ont été bouleversées, notamment sur le plan de la division du travail, des sommes allouées à la production, de la segmentation des offres. Il apparaît alors que, dans certains secteurs, ces conditions matérielles de productions ont pu faciliter le développement de nouvelles formes esthétiques ou viabiliser économiquement des productions déjà existantes. Nous l’avons constaté, par exemple, dans l’audiovisuel avec des créations aussi différentes que des spectacles vivants captés diffusés en ligne ou dans des lieux physiques (dont des cinémas) ou que des vidéos de Youtubeurs. Nous montrons aussi que ce nouveau cadre économique a conduit à des rationalisations au sein de formes de production plus établies et plus coûteuses, notamment en rendant la prise de risques plus difficile, ou en la concentrant sur un nombre réduit de titres, ou en pesant sur les coûts grâce à la réduction de la rémunération des artistes et créateurs. Quoi qu’il en soit, les liens entre conditions matérielles de production et formes de la création constituent une interrogation vive et constante.

Enfin, plusieurs d’entre nous ont pointé l’importance des enjeux idéologiques et politiques soulevés par ces discours de la révolution numérique ou créative. Si dans les années 1990, ces perspectives ont concouru à légitimer les libéralisations sectorielles (dans les télécommunications et l’audiovisuel) ainsi que le libre-échange des biens ou des services financiers à l’échelle transnationale, depuis le milieu des années 2000 ce qui se joue a certainement plus à voir avec la montée du mouvement d’industrialisation des biens symboliques. L’enjeu est alors de faciliter la transformation des économies sur le modèle de l’économie dite « créative », dans laquelle les biens produits et vendus sont moins valorisés par rapport à leurs fonctions que par rapport à leur valeur symbolique. C’est-à-dire en fonction de la part de culture et de création qu’ils contiennent et de la distinction qu’ils confèrent ainsi à leurs consommateurs.

X. L. et P. M. : Ces résultats débouchent-ils sur la mise en évidence d’un grand mouvement, général et cohérent ?

P. B. : Ce n’est pas tout à fait le cas. En réalité, nous voyons plutôt différents mouvements sociaux, économiques et politiques, fort hétérogènes, se déployer sans qu’un chef d’orchestre ne guide l’ensemble. En revanche, il faut que soient remplies beaucoup de conditions très différentes les unes des autres. Il est nécessaire, par exemple, que la définition socialement admise de ce qui est culturel se transforme. À ce moment-là l’on peut reconnaître une valeur symbolique à des secteurs tels que la mode et la gastronomie et à d’autres plus éloignés encore de la sphère de la création. Les commentaires et participations des internautes-consommateurs doivent concourir, en particulier via les réseaux sociaux, à la construction des valeurs symboliques. Mais il faut également que le droit du travail soit assoupli, tout comme les droits de propriété intellectuelle. Quant aux discours sur le transfert de la fonction créatrice, des professionnels des industries culturelles vers les internautes et les consommateurs, ainsi que vers les industriels de biens de consommation, ils ont un effet paradoxal. De fait, ces discours facilitent l’essaimage des modes opératoires à l’œuvre depuis fort longtemps au sein des industries culturelles vers l’ensemble de l’économie.

Un exemple de thèse articulant analyse des discours et industries culturelle et éducative : Xavier Levoin, « Médias et enseignement spécialisé de la musique : un projet communicationnel ? », sous la direction de Pierre Mœglin et Claire Oger, 2015.

Cette thèse, au carrefour de l’analyse des mutations des industries culturelles et de celle des industries éducatives, interroge la place des outils et médias dans l’enseignement spécialisé de la musique (c’est-à-dire en conservatoire). Elle montre qu’à l’heure où une « révolution numérique » est censée affecter l’ensemble des mondes de l’enseignement, l’ampleur des changements annoncés tant dans les manières d’enseigner et d’apprendre que dans la production et la distribution des médias éducatifs en usage reste très limitée. À partir d’une construction méthodologique articulant analyse du discours, entretiens (et observations) ethnographiques et approche socio-économique des industries culturelles et éducatives, trois remarques ont pu être formulées. Premièrement, l’analyse des lieux communs du numérique éducatif fait apparaître les éléments assez cohérents d’un « grand projet » de numérisation de l’enseignement auquel participe l’enseignement spécialisé de la musique, pourtant réputé fonctionner comme un univers à part. Les espoirs et les promesses qui caractérisent ce projet affectent les principales dimensions de son fonctionnement. Deuxièmement, ce projet s’appuie sur l’espoir de voir les médias (éducatifs ou présentés comme tels) jouer le rôle d’outils de re-médiation, dans un monde qui semble justement souffrir d’un défaut de médiations : établissements coupés de leurs publics, enseignants isolés, produits éditoriaux sans lecteurs ou utilisateurs. À cette fin, et en troisième lieu, l’existence d’une filière du numérique éducatif constitue un déterminant majeur du projet communicationnel présenté ci-dessus. Or, les conditions d’un marché structuré ne semblent pas réunies et les observations montrent que seules des expérimentations peuvent être observées à différents niveaux.

X. L. et P. M. : Mêmes questions aux responsables de la thématique n° 2, « Espaces publics : circulation des discours et des modèles ». Comment les recherches y ont-elles évolué durant les années 1990 et 2000, pour arriver à la thématique actuelle ?

14Roger Bautier : Nos premiers travaux ont mis l’accent sur les principaux courants de pensée qui, depuis le XIXe siècle, ont participé à l’émergence d’une problématique générale de l’espace public reliant les progrès de la démocratie à l’essor d’une communication journalistique et politique « de masse » par l’intermédiaire d’une presse industrielle. Nous nous sommes ensuite efforcés d’identifier les facteurs présidant à la codification, à la normalisation et à l’industrialisation des médias dans l’espace public, en mettant en lumière à la fois les continuités et les ruptures, et nous avons prolongé l’analyse jusqu’aux développements récents du web et des réseaux socionumériques.

X. L. et P. M. : Sur quels objets ?

R. B. : Au cours des dernières années, la diversification des objets et des méthodes a été sensible. Je pense aux travaux que nous avons consacrés aux transformations de la presse, aux recherches engagées dans la détermination de l’évolution des conditions d’intervention au sein de l’espace public, ainsi qu’aux études sur les effets politiques des discours d’accompagnement de l’essor des technologies numériques, dans le contexte de l’industrialisation de la communication.

Un exemple de recherche croisant des travaux sur l’espace public et sur les médias, numériques et traditionnels : « Régulation d’Internet, Parti Pirate, industries culturelles et créatives », Christine Chevret (LabSIC).

Le premier axe de cette recherche a trait à une approche communicationnelle de la régulation de l’internet. Il a conduit à s’intéresser à un parti politique naissant en France en 2006 et se posant en contestataire de la loi sur le Droit d’auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information (DADVSI), le Parti pirate. Parallèlement à un travail de veille concernant les activités communicationnelles de ce parti, le même travail est effectué sur le Parti pirate européen. Le deuxième axe de recherches concerne la presse écrite, papier et web. Il a trait, plus précisément, au traitement par la presse de différents types de crises : de la presse papier elle-même, de celle dite « des banlieues » de 2005, de la crise économique de 2008 et des pathologies sociales comme le burn-out.

L’objectif est aujourd’hui d’étudier les positionnements de différents acteurs des industries culturelles et créatives, ainsi que ceux qui s’opposent à leur développement, à l’instar du Parti pirate, dans le contexte la construction du droit de l’internet en Europe, en particulier de la protection des données personnelles.

Un exemple de travaux sur les « enjeux de la construction et de la circulation de normes dans l’espace public » : Olivier Koch (LabSIC).

La recherche porte sur ces enjeux dans des contextes de « fluidité politique », consécutifs à un changement de régime politique et à ce qui s’apparente à l’avènement d’une jeune démocratie. Ces contextes sont singularisés par le renouvellement des élites politiques après une dictature ou à la suite du démantèlement d’un régime autoritaire, la suspension du système de contrôle des médias institué sous l’ancien régime, et par l’émergence de nouvelles légitimités politiques venant à s’exprimer et à se confronter dans l’espace public. Dans cette période d’interrègne caractérisée par un état de crise structurelle, de nouvelles normes émergent et sont « mises à l’essai ». Appliqués aux contextes de recompositions politiques post-2011 en Tunisie, ces travaux ont analysé les processus qui ont conduit à l’élection et à la mise en œuvre de nouvelles normes professionnelles dans les secteurs médiatiques (en presse écrite papier et dans la presse numérique). Plus généralement, dans cette situation de désétatisation de l’information et de libéralisation du secteur, ces recherches visaient à analyser les conséquences des recompositions politiques sur les rapports entre professionnels des médias et sur les stratégies industrielles de ces acteurs.

X. L. et P. M. : Pour quelles raisons considérez-vous que la presse magazine peut être envisagée comme un observatoire de la dynamique des industries culturelles ?

Claire Blandin : La presse magazine est, à double titre, un lieu d’observations des évolutions des industries culturelles. D’une part, le contenu des magazines généralistes nous apporte des éléments précieux sur l’actualité du monde de la culture. Par les rubriques de critique (musicale, théâtrale, télévisuelle…), mais aussi par les discours publicitaires, on peut étudier la circulation des modes et des objets culturels. D’autre part, le secteur de la presse magazine peut être pris, en lui-même, comme témoin de cette dynamique : une des particularités du paysage français est en effet de connaître des renouvellements réguliers. Plusieurs centaines de titres de magazines disparaissent chaque année en France, mais ils sont toujours plus nombreux à être créés. Or, les thématiques des nouveaux titres nous révèlent les générations successives de secteurs actifs au sein des industries culturelles.

X. L. et P. M. : Quels sont les apports de la longue durée dans les travaux menés au sein de la thématique ?

15R. B. : La longue durée, effectivement, est souvent privilégiée dans nos travaux. Il s’est agi d’abord, par ce choix, d’échapper à la pression de l’actualité, qui risque d’engendrer des réductions et des déformations, pour s’intéresser à la genèse des médias et des formes de communication. Se pencher sur cette genèse a permis notamment de mettre en lumière ce qui, dans un passé plus ou moins lointain, a constitué un héritage, quelquefois oublié, capable pourtant de structurer le présent. Mais la démarche adoptée a été également fructueuse – en retour – en ce qu’elle a fourni les moyens de mieux étudier le présent lui-même, en rendant plus aisée l’analyse des formes émergentes d’information-communication caractéristiques de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle.

X. L. et P. M. : Donc, pour éclairer l’actualité ?

16R. B. : La diachronie est précieuse, en effet, car le renouvellement régulier du paysage médiatique depuis le milieu du XIXe siècle, dans le secteur de la culture en particulier, donne des pistes d’analyse pour les mutations contemporaines. Les travaux sur la place de l’image, ou sur la complémentarité entre les discours rédactionnels et publicitaires permettent de mieux saisir les enjeux de la construction et de la circulation des normes dans l’espace public.

Un exemple de travaux questionnant les mutations des industries culturelles traditionnelles, notamment les univers de la presse et du livre, sous l’emprise du numérique et des injonctions à la créativité : Annick Batard (LabSIC).

Ces travaux interrogent les mutations des différentes critiques journalistiques de la presse généraliste, ils portent notamment sur certains mouvements affectant les pratiques traditionnelles de critique : critique des expositions et des musées, critique musicale. Ils s’intéressent aussi à la montée d’un certain nombre de nouvelles formes critiques liées à la créativité. Par exemple, la critique gastronomique, la critique du design et des nouvelles tendances. Par ailleurs, dans la continuité d’un travail doctoral touchant à la légitimation des cédéroms et des jeux vidéo par le biais d’une critique spécifique mais éphémère, inspirée pour partie de la critique littéraire, ces travaux traitent de la question de la médiation des nouvelles normes numériques, de la vulgarisation et de la transmission des savoirs.

À travers ces travaux, il apparaît notamment que certains aspects liés à l’exercice traditionnel des industries culturelles ne sont pas complètement remis en cause. Plus exactement, si des mouvements d’hybridation sont observables, les pratiques anciennes ne disparaissent pas. En témoigne le récent engouement du public pour les revues-livres éditées sur papier, qui a fait l’objet d’une publication récente. De même, il apparaît que des figures anciennes sont remises à l’honneur par le biais des nouvelles possibilités liées à la communication contemporaine : Georges Perec et Raymond Queneau dans le cédérom Machines à écrire, Shakespeare, auteur classique, George Sand, femme de lettres ou encore certaines musiciennes baroques, notamment Élisabeth Jacquet de la Guerre. Ces discours sur ces différentes figures d’artistes témoignent d’ailleurs de la plasticité et de la fécondité de leurs œuvres, dont la presse généraliste française se fait l’écho.

X. L. et P. M. : Vous insistez également sur le fait que la fabrique et la reproduction des normes de genre sont au cœur des travaux de la thématique. Et vous évoquez, à cet égard, le niveau de la production des industries culturelles (travaux sur la sociologie des professions), celui de la représentation des hommes, des femmes et de la diversité dans les productions des industries culturelles et, enfin, celui de la réception de ces objets. Pouvez-vous nous donner une idée des acquis du LabSIC dans ces domaines ?

C. B. : En effet, la montée en puissance des recherches portant sur les questions de genre, les normes et identités marque également notre bilan. Pour une part, ces travaux articulent approche sociologique et approche sémiotique pour montrer dans quelle mesure le genre est au fondement de l’usage des NTIC et des représentations qui lui sont associées. Ils établissent un lien (rarement fait en France) entre théorie des industries culturelles et «cultural studies», et s’appuient pour ce faire sur les terrains retenus dans le cadre du programme ARPEGE (LA Reconfiguration des Pratiques culturelles Et du GEnre à l’Ère du numérique), financé par le Département des études, de la prospective et des Statistiques (Deps), du ministère français de la Culture et de la Communication, et le LabEx ICCA.

Un exemple de recherche à l’intersection des travaux sur les industries médiatiques et sur les questions de genre.

Le programme Fanas (Femmes et usAges mémoriaux et patrimoniaux du Numérique en Arabie Saoudite), Hélène Bourdeloie (LabSIC)

Le terrain sur lequel porte la recherche conjugue traditions ultra-rigoristes et modernité technologique. Le cas saoudien se caractérise par une importante consommation de technologies numériques et le taux de pénétration le plus élevé au monde dans la sphère du microblogging. Les Saoudiennes, en particulier, se livrent à des usages intensifs du web et des dispositifs numériques expressifs. Dans un contexte où prime la hiérarchie entre les sexes et où les femmes sont socialement reléguées à une position domestique, les technologies numériques semblent en effet constituer, pour elles, un moyen de contourner l’imposition des normes de genre dominantes. Ainsi ce programme interroge-t-il la fabrique du patrimoine personnel de traces numériques et numérisées par les femmes saoudiennes et la façon dont cette fabrique leur permet de s’affranchir de leur assignation statutaire, notamment s’agissant de celles qui ont déjà déployé des stratégies d’émancipation dans leur vie sociale.

Prenant appui sur les résultats d’une enquête de terrain issue de 48 questionnaires en ligne et de 21 entrevues conduites auprès de Saoudiennes à Riyad, nous montrons comment leurs usages des réseaux socionumériques via le mobile connecté les conduit à des jeux de négociation avec l’identité de genre que la société saoudienne, patriarcale et conservatrice, leur a assignée. Le programme Fanas s’inscrit dans le réseau UDPN (Usages des patrimoines numérisés) coordonné par Michel Bernard (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3) et soutenu par le programme interdisciplinaire IDEX-USPC 2014-2017.

X. L. et P. M. : Les travaux du LabSIC portent-ils sur d’autres objets également ?

17C. B. : Ces questions de genre, normes et identités sont aussi traitées à partir de l’analyse des séries télévisées françaises. Plus précisément, nos travaux qui s’y rapportent montrent que ces séries élaborent une figure hégémonique de mère de famille (douce, aimante, à l’écoute, etc.) qui doit être pensée non seulement en termes de pratiques parentales, mais aussi en termes de genre, de race, de sexualité ou de situation professionnelle. La figure maternelle donnée comme norme dans ces séries est celle de la « bonne » mère, qui se doit d’être blanche, hétérosexuelle et active professionnellement. Au delà du fait que ces séries proposent un imaginaire maternel normatif, c’est aussi un imaginaire identitaire qu’elles mettent en place, renforcé par des mécanismes de mise à distance et d’« exotisation » des personnages non-blancs.

X. L. et P. M. : Et sur le problème des identités professionnelles ?

C. B. : Plusieurs de nos travaux sont plus spécifiquement consacrés à ce problème des identités professionnelles, telles qu’elles se développent dans divers contextes de travail, salarié, bénévole ou militant, qu’il s’agisse d’entreprises, d’associations ou d’organismes publics. L’objectif est d’étudier dans quelle mesure le travail, par exemple, celui du communicateur, est « bousculé par le numérique » en interrogeant les enjeux associés à sa professionnalisation ou à la construction d’une identité professionnelle à travers les logiques d’éthos. Nos travaux s’intéressent aux imaginaires et aux conceptions de la communication qu’ils sous-tendent, comme par exemple celle qui se définit au travers d’une rhétorique de la transparence ou encore celle qui place les modes de coopération entre acteurs sociaux au croisement du ludique et du religieux.

Un exemple de recherche conjuguant à l’échelle internationale industries culturelles, industries créatives et représentations de la mode : « Étude comparative transnationale du degré d’internationalisation et de standardisation de la culture, de la représentation des corps et de la mode dans les magazines féminins en Amériques, Europe et Asie », Karine Taveaux-Grandpierre (LabSIC)

Ce programme labellisé par la MSH Paris Nord et le LabEx ICCA, vise depuis 2016 à cerner les enjeux de l’hégémonie, de la standardisation et de la glocalisation, voire de l’hypersegmentation des magazines féminins. La recherche s’intéresse aux processus de globalisation ou d’adaptation des contenus, des représentations textuelles et picturales véhiculées par les magazines féminins à l’échelle mondiale. Il s’agit d’analyser un grand titre exporté à l’international, Elle. Ce choix, se justifie par l’aura de cette marque, donc par sa capacité de prescription comme d’adaptation. En effet, les titres de la presse féminine, et plus largement ceux relevant du haut de gamme, sont d’importants relais de la culture, de la mode et de la représentation des corps. Elle est également le support de la presse magazine féminine haut de gamme le plus internationalisé avec ses quarante-cinq éditions et le plus diffusé. Il draine ainsi une large part du marché publicitaire et bénéficie d’une renommée mondiale, qui le précède dans ses déclinaisons à l’étranger.

Le groupe de travail est multi-localisé. Il comprend, en effet, Renata Malta au Brésil, Reisa Klein et Michèle Martin au Canada, Núria Aragones Riu en Espagne, Tadashi Nakamura au Japon et Karine Taveaux-Grandpierre en France. En outre, sa pluridisciplinarité (Communication, Histoire, Lettres, Sociologie) permet de croiser des éléments relevant de la culture, des industries culturelles (stratégies des groupes médias et leurs évolutions), des industries créatives (la mode) et enfin du genre (le corps).

X. L. et P. M. : Venons-en maintenant à la thématique n° 3, « Innovations en communication : dispositifs, normes et usages ». Au départ, à la fin des années 1990, les travaux relevaient d’une approche socio-technique des industries de la communication. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Dominique Carré et Geneviève Vidal : Durant la première partie des années 1990, des recherches ont en effet été engagées sur la conception et la diffusion de ce qui était appelé à l’époque les NTIC, tant dans les organisations de travail (ce que l’on désignait à l’époque sous la formule « bureautique communicante ») que dans les foyers (télématique, relayée ensuite par Internet). L’objectif était de partir d’un positionnement critique pour analyser les interactions entre technique et société. Dans ce cadre, il nous a toujours paru essentiel de prendre en compte la question de l’appropriation sociale et des usages, ainsi que la manière de penser et de conduire l’informatisation de la société.

X. L. et P. M. : Que ressort-il de ces travaux ?

D. C. et G. V. : Le constat de l’ambivalence des techniques, entre émancipation et subordination. Par ailleurs, la notion de convergence, l’importance des discours à caractère futurologique et promotionnel ont été pris en compte. Les années 2000 ont connu un tournant important. Nous avons délaissé l’étude des techniques pour celle des dispositifs socio-techniques, avec notamment nos travaux sur les autoroutes de l’information dans le champ de la santé, le rôle des TIC dans la mobilisation communicationnelle et dans la flexibilisation des organisations de travail, l’interactivité dans le secteur muséal et patrimonial, entre autres. Les travaux menés depuis les années 2010 ont favorisé la prise en compte de la dimension normative de plus en plus sensible dans les dispositifs numériques, tout en considérant le développement conjoint de l’hyperconnectivité et du contrôle social.

Un exemple de recherches sur l’ambivalence des dispositifs : Bastien Louessard (LabSIC).

Ses recherches actuelles abordent, dans une perspective critique, les pratiques des dispositifs sociotechniques. D’une part, au travers d’une recherche que menée en collaboration avec Xavier Levoin, sur les pratiques d’un ENT (Environnement numérique de travail) par les différents membres de la communauté éducative sous l’angle de divergences entre les temporalités de chacun. À partir d’entretiens menés avec des parents d’élèves, des chefs d’établissement, des CPE et des élèves de collèges et de lycées équipés d’un même ENT, les attentes et les craintes des acteurs révèlent la nature des discordances temporelles (débordement du temps professionnel sur le temps privé, affaiblissement de la médiation pédagogique, consumérisation de la relation éducative). Ces observations les ont toutefois conduits à nuancer cet écart et tendent à montrer que l’outil et ses contenus participent de la médiation école-famille.

D’autre part, au travers d’une recherche postdoctorale initiée au sein de l’École des médias et du numérique de la Sorbonne, puis prolongée au sein du LabSIC et du LabEX ICCA. Cette recherche – qui a donné lieu à un ouvrage aux Presses des Mines – s’intéresse à la création de fictions sur les plates-formes d’hébergement de vidéo et aux pratiques des créateurs et artistes présents sur ces plates-formes. Plus spécifiquement, elle s’attache à comprendre les profils et les stratégies des acteurs de cette création (les youtubeurs), l’économie de cette filière, ainsi que la communauté des youtubeurs, sa structuration et la place de celle-ci dans les carrières et les processus de création.

X. L. et P. M. : Que faut-il entendre par « hyperconnectivité » ? Et quels éclairages les travaux du LabSIC apportent-ils à la compréhension de ce phénomène ?

D. C. et G. V. : Par « hyperconnectivité » nous entendons essentiellement le résultat de l’injonction à se connecter et à développer une pratique communicationnelle numérique quotidienne intensive, à la faveur des sollicitations permanentes et insistantes adressées aux usagers par les industriels de la communication, les annonceurs, les communautés et collectifs les plus divers. Au point que ces usagers eux-mêmes sont amenés à participer au dispositif d’injonction.

Nos travaux éclairent ces pratiques, en étudiant les tendances en matière d’offre technologique et de services mondialisés – ici, nous insistons sur l’industrialisation des services –, en faisant ressortir selon quelles modalités l’accès à ces services se réalise (gratuité ou non), en identifiant les modèles socio-économiques sous-jacents (financement par la publicité et recettes tirées des ventes de données) et en évaluant les conséquences des phénomènes en jeu, tant d’un point de vue social (dynamique concurrentielle entre émancipation, consentement, renoncement, subordination et mise en visibilité des singularités), qu’environnemental (consommation énergétique, production de gaz à effet de serre et réchauffement climatique).

X. L. et P. M. : Et pour le volet « contrôle social » ?

Dominique Carré : La question du contrôle social n’est pas nouvelle, mais elle a surtout été étudiée en sociologie, en philosophie politique et en sciences politiques. L’originalité du programme de recherche développé au sein de la thématique n° 3 du LabSIC, dès le début des années 2010, est d’avoir proposé une lecture communicationnelle de cette question du contrôle social. Cette approche invite à un changement de perspective qui, à travers l’autopsie d’un discours marketing et incitatif, entend aborder, par l’approche critique, la question de la médiatisation et de la publicisation du lien social.

La puissance d’agir des individus, l’affichage de soi, l’injonction de visibilité (affichage et dévoilement de soi), la médiatisation du lien, l’hyperconnectivité donnent en contrepartie lieu à un contrôle social intrusif, discret, sans relâche et inédit tout en apparaissant consenti. Ce contrôle joue sur un triple registre : ne pas apparaître comme un contrôle discriminant ayant pour objet une population particulière (contrairement au fichage) ; ne pas apparaître comme un contrôle par la contrainte (dans la mesure où il s’applique à recueillir ça et là ce qui est laissé ou dit spontanément) ; s’adresser à l’individu ordinaire, celui-là même sur lequel s’exerce l’action de ce contrôle. Ainsi ce contrôle est enchâssé dans les activités quotidiennes les plus quotidiennes.

Un exemple de recherches sur des dispositifs participatifs : Anne Gagnebien (LabSIC).

Anne Gagnebien a soutenu sa thèse de doctorat au LabSIC, sous la direction de Dominique Carré en 2012. La recherche portait sur les modalités d’émergence de la notion de « développement durable » dans la sphère publique et proposait, à partir d’une étude des discours, de mettre à l’épreuve les outils de promotion du développement durable dans les secteurs politiques et culturels. Son hypothèse principale était que la notion de « développement durable » était une « innovation communicationnelle » et que cette innovation pouvait contribuer à changer les comportements sociaux. Elle a montré que cette notion était accompagnée d’un appareil méthodologique et instrumental qui a pris sens à travers les stratégies d’injonction et de préconisation du développement durable mises en place tout prticulièrement dans les expositions, devenues des outils promotionnels dans le domaine. Ces stratégies visaient à susciter des changements d’attitude individuels et incitaient à adopter de nouvelles pratiques quotidiennes écologiques.

Ce questionnement a ouvert d’autres pistes de recherche. D’une part, sur la participation des citoyens à des projets spontanés ou dirigés, qui donnent naissance à des groupes ou « communautés » comme le Club du Développement Durable et des institutions publiques. D’autre part, sur la transition numérique des territoires, elle a observé des innovations sociales au niveau des pratiques dans les fablabs mais également des degrés de participation en fonction des expériences proposées aux publics avec les instruments de sensibilisation en faveur de la ville de demain qu’elle développe dans une approche interdisciplinaire (SIC et géographie de l’aménagement) sur les dispositifs renommés « scientifiquo-politiques » avec le registre de l’expositionnel et du ludique (de la Maquette 3D puis du serious game type city builder au transmédia type webdocumentaire).

X. L. et P. M. : Un autre ensemble de vos travaux a trait aux processus, outils et méthodes de créativité et de design d’interfaces numériques dans les industries de la communication. De quoi s’agit-il ?

18Estrella Rojas : Ces travaux sont plus récents au sein de la thématique n° 3 du LabSIC. Les recherches que nous avons engagées portent sur les méthodes et processus de design et de co-design dans différents champs relevant des industries culturelles et créatives, des institutions culturelles et de formation. Elles s’intéressent aux produits du design numérique (applications, plates-formes, expériences de médiations numériques, notamment) en mobilisant une approche par le design et les médiations matérielles (interfaces et algorithmes notamment). Et, développent des projets de recherche-action en design de dispositifs numériques et interfaces innovantes.

X. L. et P. M. : Et la question des artistes ?

D. C. et G. V. : Si l’on considère l’évolution de nos travaux, l’approche critique s’est déployée ainsi que les objets d’étude. Aussi, l’un des axes des travaux de la thématique concerne aussi les usages et pratiques numériques artistiques. Dans le cadre de recherches soutenues par le LabEx ICCA, l’analyse des usages numériques des artistes (netart, puis arts numériques contemporains) a permis de cerner les stratégies des acteurs visant un positionnement socio-professionnel des artistes du numérique, entre le marché de l’art et celui de l’économie de l’innovation et du numérique, selon un cycle en quatre temps qui marque une injonction à la créativité : la mobilisation, la participation, les usages et le détournement des fonctionnalités techniques, la valorisation.

X. L. et P. M. : Au-delà des artistes, vos travaux mettent-ils également l’accent sur une approche critique des usages et médiations numériques auprès des publics, des organisations et des pratiques muséographiques, culturelles, éducatives et patrimoniales ? Pouvez-vous nous donner une idée de ces travaux et de leurs acquis essentiels ?

Geneviève Vidal : Les travaux relatifs aux usages des médiations muséales numériques de cerner l’appropriation sociale des technologies numériques et leur appropriation professionnelle par les musées. La dynamique critique de ces travaux permet de mettre en avant une ambivalence des stratégies de communication des institutions entre proximité et mise à distance par rapport aux publics. Elle met également en relief un renouvellement de la diffusion culturelle dans le secteur muséal, dans un double contexte de revendication de personnalisation d’accès à la culture par les publics et d’innovations de la prescription culturelle par les institutions.

X. L. et P. M. : Quelle est, plus généralement, l’utilité de l’approche en termes d’industries culturelles sur les terrains et objets respectifs des trois thématiques ?

Philippe Bouquillion : Les théories des industries culturelles offrent des outils notionnels pour analyser ces mutations, tant celles des industries non culturelles que des industries culturelles, et leur concours à l’économie. C’est dans cette perspective que nous avons notamment mis en avant la notion d’industrialisation des biens symboliques.

De même, l’approche en termes de modèles socio-économiques, telle qu’elle est conduite au sein du LabSIC, permet d’étudier ces mouvements dans leur diversité, leur imbrication et leurs transformations incessantes. Elle présente aussi d’autres avantages. Tout d’abord, elle permet de replacer ces mouvements, d’une part, dans des rapports de force : entre acteurs historiques des industries culturelles et acteurs plus récents liés au numérique, entre détenteurs des droits de propriété intellectuelle et acteurs en mesure de les exploiter, entre exploitation directe des productions culturelles auprès des consommateurs finaux et leur valorisation indirecte dans le cadre d’autres industries et d’autre part, dans des contradictions apparentes dont par exemple l’augmentation du nombre de produits culturels et la rationalisation des moyens alloués à la production de contenus originaux. Ensuite, les contenus eux-mêmes, leurs caractéristiques esthétiques, les moyens mis en œuvre pour les produire, les procès de division du travail sont pris en compte tout comme les pratiques dont il font l’objet. Enfin, les dimensions politiques, idéologiques et territoriales ne sont pas considérées comme des facteurs exogènes de l’analyse mais elles sont au cœur de celle-ci. En effet, à chacun des modèles socio-économiques correspondent des modèles de société, une certaine définition de la culture, des enjeux de politiques publiques. En somme, les théories des industries culturelles permettent de saisir de manière critique des mouvements aussi différents que le déploiement des Smart Cities, des plates-formes numériques ou de l’économie créative en lien avec certaines des mutations politiques, économiques, culturelles et sociétales liées à ces mouvements.

Un exemple de thèse sur l’articulation entre territoire et économie créative : Bruno Lefèvre, « Entrepreneurs musicaux et territoires. Les clusters culturels sous l’emprise des politiques publiques et des acteurs locaux », sous la direction de Philippe Bouquillion, 2016.

La plupart des métropoles définissent leurs stratégies de développement en s’appuyant sur des concepts (dont l’économie créative, la ville intelligente) et des modèles génériques qui leur sont associés. Ceux-ci accordent une place centrale à la création, à la créativité ou encore à l’innovation, notions autant consensuelles que rarement discutées entre les acteurs locaux. Elles ont cependant en commun de placer le territoire au coeur de ces stratégies et des conditions de leur mise en œuvre : l’objectif premier, sinon exclusif, réside dans la distinction du territoire local et dans sa valorisation sur un marché concurrentiel pour l’attraction de résidents comme d’acteurs économiques.

Ces dynamiques locales affectent les modes d’organisation et d’action des acteurs des industries culturelles, ainsi que les représentations que s’en font les acteurs institutionnels du territoire. Dans sa thèse, comme dans ses travaux ultérieurs, Bruno Lefèvre propose des modèles idéaux-typiques qui permettent de caractériser des formes contemporaines de territorialisation de ces acteurs et de leurs activités (notamment sous la forme de clusters culturels) dans le cadre de ces phénomènes locaux. Tant via l’observation des singularités de chaque cas que par leur analyse contrastive, ces travaux permettent notamment d’identifier des ruptures socio-économiques importantes au sein de ces réseaux d’acteurs comme dans les rapports de force qui régissent leurs relations d’interdépendance avec les institutions et acteurs publics.

Ces ruptures sont également situées dans le cadre de dynamiques globales qui les dépassent mais dont elles contribuent à affirmer la domination idéologique croissante. Notamment en ce qui concerne les formes et conditions du travail créatif (logique de projet, segmentation et individualisation des relations, précarité) et les formes de sa reconnaissance (la création devient intégrée à des stratégies de mise en visibilité matérielle et symbolique du territoire), elles prennent sens dans le cadre d’une économie politique néo-libérale qui s’appuie sur la valorisation capitalistique et l’exploitation des droits de la propriété intellectuelle.

19Bertrand Legendre : Deux autres aspects de l’utilité de l’approche des industries culturelles résident dans le fait qu’elle favorise la transversalité et l’historicité des analyses. Il est évidemment très intéressant d’observer, d’une industrie à l’autre, la déclinaison des mêmes phénomènes et, plus encore, leurs modulations : si de grandes tendances, déjà évoquées, sont partagées, elles connaissent cependant des variations, voire des contradictions, dans la durée et sur le plan intersectoriel. Ainsi, après avoir initialement conduit à réduire le nombre de marques au sein des entités constituées, en vertu d’une rationalisation des stratégies marketing, les logiques de concentration, laissent davantage de place aujourd’hui à des labels de petite taille censés mieux correspondre aux attentes d’un public que ces mêmes stratégies marketing appréhendent davantage, désormais, en termes de « communauté » que comme un supposé « grand public ». Entre tendances stables et partagées, d’une part, et variations sectorielles ou temporelles, d’autre part, cette approche des industries culturelles, par son interdisciplinarité, s’emploie à rendre compte de la complexité des phénomènes à l’œuvre.

Le LabSIC et le labEx ICCA

X. L. et P. M. : Comment le LabSIC en est-il venu à proposer la création du LabEx ICCA ?

B. L. : Dans le contexte de l’appel à projets du programme Investissements d’Avenir (PIA), en 2011, nous avons perçu l’opportunité de rassembler dans ce projet des partenaires avec lesquels nous avions déjà des liens plus ou moins occasionnels, par le fait que nous partagions un certains nombre d’objets de recherche liés aux industries culturelles et à la création artistique, origine de notre acronyme. La structure LabEx nous est apparue comme une occasion forte de nous doter de moyens relativement importants et de fédérer des approches qui ne se croisaient guère jusqu’alors ; au-delà des SIC, il était évidemment intéressant de renforcer le dialogue avec nos collègues économistes ou sociologues, avec les juristes ou spécialistes des sciences du jeu et des sciences de l’éducation, ou encore avec les chercheurs travaillant sur le design. Et cette perspective permettait de placer le LabSIC au centre de cette fédération.

X. L. et P. M. : Comment le réseau de partenaires s’est-il constitué ?

B. L. : Notre volonté était de faire en sorte que le futur LabEx réunisse, autour des industries culturelles, des industries créatives et de la création artistique, des spécialistes des disciplines que je viens de nommer. Un autre impératif était d’engager plusieurs établissements dans le projet afin de constituer un pôle suffisamment important. Mais ces deux paramètres se sont très aisément traduits dans les faits, à partir des premiers échanges qui ont eu lieu alors avec Françoise Benhamou, Laurent Creton et Bruno Péquignot.

X. L. et P. M. : Quelles étaient alors les lignes directrices du programme scientifique ?

B. L. : Le programme de recherche du Labex ICCA visait à couvrir l’ensemble des problématiques qui touchent les industries culturelles en développant les approches interdisciplinaires et les croisements intersectoriels. Cinq domaines étaient tout particulièrement visés. Ce sont eux qui, actuellement, donnent lieu à des chantiers très féconds :

  • Édition, cinéma, et audiovisuel à l’ère du numérique (prospective et analyse des mutations induites par le numérique dans ces secteurs, stratégies d’acteurs, modèles économiques, créateurs, usages…)

  • Convergence des contenus (analyse des pratiques d’exploitation multi-supports et de l’évolution des processus de conception des contenus) et développement de nouvelles formes de production et de circulation de ces contenus sur le Web

  • Régulation des industries créatives et de l’internet (analyse des dispositifs et besoins de régulation ; aspects juridiques et économiques ; évaluation)

  • Jeux vidéos et industries éducatives (analyse des interactions entre les secteurs du jeu vidéo et de l’éducation ; serious games, e-learning)

Apport de l’économie de la culture à la croissance, notamment dans la perspective de l’intégration des industries culturelles dans les industries créatives. Attractivité des territoires (analyse des enjeux territoriaux des industries culturelles et du numérique ; emploi, aménagement, population, formation à l’échelle des régions, départements, communautés urbaines ou d’agglomération, ou villes).

X. L. et P. M. : Quels résultats pourriez-vous mettre en avant ?

B. L. : Ils sont nombreux, mais dans le cadre où nous sommes, retenons donc ceux qui intéressent surtout le LabSIC. Le LabEx a été et demeure un support particulièrement précieux à la politique internationale du LabSIC. Nous n’aurions pas eu les moyens de mettre celle-ci en œuvre avec nos seules ressources, tout particulièrement en Amérique du Sud et en Asie. Mais ce qui semble tout particulièrement intéressant à signaler, c’est le fait que ce dialogue de disciplines dans le cadre du LabEx se développe à l’international au profit des SIC, nos partenaires percevant bien l’intérêt des analyses qui sont les nôtres, sous-tendues par une approche qui s’appuie sur l’économie politique des la culture et de la communication et parvient à intégrer de nouveaux objets d’étude et des problématiques très évolutives, tout particulièrement en étudiant les modalités d’« économisation » de la culture et de « culturalisation » de l’économie, ce qui ouvre à nos travaux de très larges espaces.

X. L. et P. M. : Et dans quelle mesure les doctorants du LabSIC bénéficient-ils de cet environnement ?

Le LabSIC, coordonnées

Adresse :
UFR Sciences de la Communication
Av. Jean-Baptiste Clément
93430 Villetaneuse
http://labsic.univ-paris13.fr/

Directeur :

Bertrand Legendre (legendre.bertrand@wanadoo.fr)

Coordonnateurs :

Région Moyen-Orient et Afrique du Nord
Abdelfettah Benchenna (benchenna@univ-paris13.fr)

Région Asie–Pacifique
Philippe Bouquillion (p.bouquillion@free.fr)

Région Amérique du Sud
Sophie Noël (nolsophie@yahoo.fr)

Chargé de l’administration et du budget :

Mamadou Kamissoko (01 49 40 40 66 ; kamissoko@univ-paris13.fr)

Chargé des équipements, visio conférences et site internet :

Ahcène Cherigui (cherigui@univ-paris13.fr)

Membres permanents

Bibliographie

B. L. : C’est aussi là un de nos résultats appréciables. J’ai déjà fait état des moyens dont disposent nos doctorants sur le plan financier avec les contrats doctoraux ou contrats de fin de thèse, ainsi qu’avec les possibilités de prise en charge de missions d’enquête sur leurs terrains, ou de participation aux nombreux colloques et congrès qui les concernent. Mais je crois qu’un bénéfice tout aussi important de ce dispositif, pour les doctorants comme pour les post-doctorants que nous accueillons, réside dans le fait qu’a pu se constituer quelque chose qui peut être apparenté à une école. Si la réalité de celle-ci est encore modeste, il existe néanmoins un noyau fort d’anciens doctorants et post doctorants, maintenant en poste en France ou à l’étranger, qui ont bénéficié de ce contexte de recherche et de formation qui a pu faciliter leur positionnement dans le monde académique et dans d’autres environnements institutionnels et économiques.

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  • ABENSOUR Corinne

  • ANDONOVA Yanita

  • BAUTIER Roger

  • BATARD Annick

  • BENCHENNA Abdelfettah

  • BERTHOU Benoît

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  • ERRECART Amaïa

  • GLEONNEC Mikael

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  • LABELLE Sarah

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  • LECOSSAIS Sarah

  • MOEGLIN Pierre

  • MOURATIDOU Eleni

  • NOEL Sophie

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  • ROBIN Christian

  • ROJAS Estrella

  • SEURRAT Aude

  • VIDAL Geneviève

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  • DIARD Michel

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  • ITHURBIDE Christine

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  • LE BRUCHEC Kévin

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  • WIART Louis

Pour citer ce document

Xavier Levoin, Pierre Mœglin, Philippe Bouquillion et Bertrand Legendre, «Aux Origines Du LABSIC», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 15-Varia, DOSSIER LABSIC,mis à jour le : 01/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=142.