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10-Varia

Christian Le Moënne

Chers Adhérents, Chers Collègues,

Éditorial

1Ce XIXe congrès de Toulon intervient dans un contexte extrêmement complexe et important pour notre société savante et pour l’ensemble de la communauté universitaire des Sciences de l’information et de la communication.

2Chacun peut mesurer, dans son contexte d’enseignement et de recherches, les bouleversements et les incertitudes dont sont porteurs les regroupements d’universités et les recompositions de départements, d’UFR et d’équipes de recherches qui en découlent logiquement. Le maintien, sous des formes plus « soft », de la loi sur l’autonomie des universités déroule une logique qui affecte les financements de la recherche, les diplômes et leurs intitulés, les modalités d’évaluation des équipes, enseignements et professionnels.

3De façon plus radicale, il n’est sans doute pas aberrant de penser que, d’un point de vue institutionnel comme d’un point de vue scientifique, l’existence même des Sciences de l’information-communication en France est en question et appelle à la fois une prise de conscience de l’ensemble des enseignants-chercheurs, notamment les plus jeunes, et appelle une coordination accrue entre les différentes instances de représentation de notre discipline, Société Française des Sciences de l’information et de la communication (SFSIC), 71e section du Conseil National d’Université (CNU 71), Conférence Permanente des Directeurs d’Équipes de recherches en SIC (CPDirSIC), représentants des SIC au ministère et dans l’instance d’évaluation de l’enseignement et de la recherche.

4Nous avons déjà souligné divers problèmes posés pour notre communauté et que je voudrais rappeler brièvement ici, à la veille de notre XIXe congrès.

1. La question des masters et de leurs intitulés et description

5Malgré les demandes que nous avions faites et les réponses positives qui nous avaient été apportées, aucun intitulé de Master « Sciences de l’information-communication » n’a finalement été retenu par le ministère dans la liste « simplifiée » des intitulés. Une mention « sciences de l’information et des bibliothèques » figure quant à elle dans la liste. Ceci bien entendu peut-être interprété différemment. On pourrait dire que les disciplines reconnues de longue date n’ont pas à revendiquer leur « scientificité » dans leur intitulé. Nous avons aussi pointé la nécessité de simplifier le nom de la discipline afin de dépasser la proclamation (infocommunicologie ??, communicologie ??), mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Dans la configuration actuelle, les intitulés de master sont massivement orientés professionnalisation. Les nouveaux cursus ne sont pas fondés de façon dominante sur une appartenance disciplinaire, mais sur des agencements mêlant plusieurs disciplines et orientés vers des intitulés de métiers ou de grands champs professionnels. Dans cette perspective, n’importe quelle discipline dominante pourra ajouter « information ou communication a un intitulé de master, sans avoir à y garantir de cours ou TP effectués par des Enseignants-Chercheurs en SIC. Il y a là évidemment – et notamment parce que cela se négociera au niveau local - un facteur de dislocation institutionnel de la discipline.

6Ceci risque d’ailleurs d’être accentué par la recomposition organisationnelle et institutionnelle portée par la vague de regroupements d’universités actuellement en cours, et qui vise pour certaines sources à donner le statut d’université aux COMUE en confiant à ce niveau institutionnel la définition et le pilotage des écoles doctorales, des équipes et des masters. Ceci ramènerait certaines universités ou UFR actuels à être des « collèges universitaires » en charge de l’enseignement de masse du premier cycle. Dans un contexte où l’existence des UFR ou Départements de SIC serait évidemment fortement menacée par les logiques de fusions ou de dislocation.

7Notre société scientifique s’est prononcée clairement pour le maintien de la possibilité de masters disciplinaires en SIC et demande l’inscription de l’intitulé Sciences de l’information communication dans la liste des mentions de master « habilitables ». Nous sommes à l’initiative d’une cartographie des masters et des diplômes en SIC, inventaire qui devient évidemment urgent dans ce contexte.

2. Les équipes de recherches et leur inscription disciplinaire et territoriale

8L’ensemble de cette situation impacte évidemment l’organisation et la dynamique des recherches en sciences de l’information-communication. Les conditions d’évaluation et d’agrément des équipes poussent depuis plusieurs années à des regroupements pluridisciplinaires, souvent dictés par des logiques locales. C’est ainsi que de très nombreux enseignants-chercheurs en SIC ont été amenés a rejoindre des équipes plus reconnues ou plus puissantes, d’autres disciplines, afin de bénéficier de l’effet de masse ou de notoriété (ou de réseaux politiques) pour revendiquer réhabilitation et moyens. C’est ainsi que dans de nombreuses régions, des filières ou programmes en SIC existent dans des équipes de sciences juridiques et politiques, de sociologie, de sciences du langage…

9Cette tendance est mortifère pour notre discipline car elle entraîne une disparition disciplinaire et institutionnelle directe. C’est ainsi que nous n’avons plus de représentant de groupe au sein de l’AERES puisque la nomination d’un tel représentant suppose l’existence d’un nombre minimal d’équipes de recherches identifiées et reconnues. La transformation de cette instance en Haute Autorité de l’évaluation ne change pas les données de ce problème. Ceci pose également la question de notre capacité d’influence sur les nominations des responsables de l’organisation et de la mise en œuvre des évaluations, comme de leur contrôle « démocratique ». Nous avons de longue date souligné le caractère problématique de cette impossibilité d’évaluer les évaluateurs, et d’améliorer significativement les procédures d’évaluation (notamment la durée et la dynamique des visites ou la discussion sur les rapports…). Ceci concerne évidemment également l’évaluation des maquettes de diplômes, licences et masters.

10Notre société continue à souligner l’importance d’équipes de recherches majoritairement en SIC et possédant cette référence dans leur nom. Nous participons activement à la réalisation, en relation avec la CPDirsic et le CNU, d’une cartographie des équipes.

3. La question des qualifications et le rôle du CNU qui doit être fortement soutenu

11Dans ce nouveau contexte, et comme son bureau l’a fait remarquer, le CNU 71 reste la seule instance officielle et institutionnelle de légitimation des Sciences de l’information-communication. Ceci appelle évidemment de la part de la SFSIC et de la CP DirSIC, une dynamique d’unité et recherche de reconnaissance institutionnelle accrue, qui ne peuvent reposer que sur une valorisation et une mise en visibilité et valorisation des recherches et des enseignements, et une participation de plus en plus large possible des enseignants-chercheurs en SIC à l’activité de nos associations.

12Ceci passe aussi par une augmentation significative du nombre de Docteures et Docteurs en SIC. Un nombre de plus en plus significatif d’entre eux trouvent des emplois en dehors de l’université et de la recherche universitaire. L’inscription des doctorats dans les nomenclatures professionnelles dont ils étaient jusqu’ici exclus va intensifier cette dynamique. Mais l’augmentation du nombre de docteurs suppose l’augmentation du nombre de directeurs de thèses et de recherches, c’est-à-dire du nombre de titulaires de l’Habilitation à Diriger les Recherches.

13Ceci suppose de déconnecter ces Habilitations de l’inscription sur les listes de qualification aux fonctions de Professeurs des Universités. Compte tenu du nombre de postes mis au concours chaque année, de la création de poste quasi nulle, le pourcentage de professeurs par rapport au nombre de maîtres de conférences en SIC risque de baisser mécaniquement, ce qui signifie qu’un nombre significatif de MC HDR ne seront jamais Professeurs. Il faut donc, si on ne veut pas encourager la frustration, déconnecter clairement l’HDR de la qualification et encourager à soutenir les HDR plus tôt qu’actuellement afin de dynamiser le nombre de thèses. Il y a là une quadrature avec laquelle il faut rompre.

14La l’Habilitation et la valorisation des groupes d’Études et de recherches, l’organisation des journées doctorales tous les deux ans en alternance avec notre congrès, l’existence et le renforcement des commissions de la SFSIC participent de cet appui fort à la dynamique d’habilitation et d’augmentation du nombre de thèses en SIC. Le projet d’un annuaire des docteurs et des Enseignants-chercheurs devra être mis en œuvre dans l’année à venir, dans la perspective des journées doctorales 2015.

4. Au plan scientifique, les Sciences de l’Information-communication restent une discipline fragile

15Je dis évidemment discipline et non « interdiscipline » car il me semble qu’elles ont un objet global commun qui les distingue des autres disciplines qui est d’analyser les effets des pratiques, systèmes et dispositifs d’information-communication sur le maintien et l’évolution des formes sociales, formes sémiotiques, formes organisationnelles, formes « objectales », c’est-à-dire objets et environnements techniques et matériels, dispositifs de mémoires cristallisées. Nous travaillons tous sur l’articulation de ces différentes formes, sur les processus de mise en forme et de mise en sens, sur leurs effets pratiques, matériels, symboliques, idéologiques… Le développement massif du numérique affecte l’ensemble de ces formes sociales et l’ensemble des sphères du monde vécu en recomposant leurs frontières. Sous cet aspect, la numérisation bouleverse évidemment l’ensemble des disciplines, les Sciences Humaines et Sociales ou les sciences de la nature, les dispositifs techniques ou les langages, notamment mathématiques.

16Pour autant, il ne faudrait pas que ceci entraîne une dislocation des Sciences de l’information communication, mais une occasion de s’approprier notre héritage, qu’il soit cybernétique, philosophique, critique… Les disciplines scientifiques ne se caractérisent pas seulement par leur objet mais par les concepts et questions qu’elles sont capables de formuler et de mettre au débat et à la critique publique. Cette exigence de rationalisme critique appelle évidemment l’organisation de débats scientifiques dynamiques avec lesquels il est urgent de renouer. Notre XIXe congrès dont le thème central sur l’apport des SIC à la conceptualisation des phénomènes techniques dans le contexte du numérique est évidemment un moment privilégié pour renouer avec cette belle tradition un peu perdue ces dernières années.

17L’activité de la SFSIC dans ce contexte a notamment consisté à travailler, depuis plusieurs années, à l’unité de la discipline et à l’unité entre ses différentes instances et associations par des contacts réguliers entre les présidences du CNU, CPDirSIC et moi-même. Ceci devra être intensifié et élargi aux responsables des SIC au ministère et dans l’instance d’évaluation. Ceci devra être également étendu à l’Institut de la Communication du CNRS, l’ISCC, auquel participent plusieurs collègues, et dont j’ai rencontré le nouveau Directeur pour lui proposer une collaboration avec la SFSIC.

18Nous avons également, dans un souci de renforcement de nos réseaux et appuis nationaux et internationaux, renoué ou noué des relations avec les plus grandes associations scientifiques mondiales et européennes de recherches en communication, et avec les associations professionnelles françaises. Nous avons également développé les relations internationale de la SFSIC en direction du Magreb et de la Chine, notamment en appuyant la création de l’Association Marocaine des Sciences de l’information et de la communication (AMSIC) et de la revue Francophone des SIC, portée également par nos collègues marocains, notamment de l’Université Ibn Zohr d’Agadir.

19La création de la Revue Française des Sciences de l’Information Communication, le développement remarquable des Cahiers de la SFSIC, la collection audiovisuelle DOCS en SIC, la création des Éditions SFSIC sont également des instruments de valorisation de notre discipline et de ses Enseignant(e)s-Chercheur(e)s.

Pour citer ce document

Christian Le Moënne, «Chers Adhérents, Chers Collègues,», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 10-Varia,mis à jour le : 20/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=573.

Quelques mots à propos de : Christian Le Moënne

Président de la SFSIC