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Carte blanche aux doctorants

Stéphanie Lukasik

L’influenceur sur les réseaux socionumériques : le substitut naturel du leader d’opinion ?

Article

Texte intégral

Introduction

1Avec le développement des réseaux socionumériques (Stenger, Coutant, 2011), à l’instar du mythe du « tous journalistes » (Mathien, 2010, p. 4), les influenceurs sont-ils tous « leaders d’opinion » au sens de la définition stricte du modèle de l’école de Columbia ? Par définition, le substantif « influenceur » est un néologisme français défini dans le dictionnaire Le Robert depuis 2018. Ce mot est issu du terme anglais « influencer » et signifie : « personne ayant une grande influence sur les décideurs et sur l’opinion (Le Robert, 20181). Le leader d’opinion quant à lui est issu du modèle des effets limités, le Two-step flow of communication, littéralement la « communication à deux étages » de l’école de Columbia. Le modèle de l’école de Columbia est né d’une étude intitulée People’s choice (Lazarsfeld et al., 1944) au sujet de l’élection présidentielle américaine de 1940 qui opposa le Républicain Wendell Wilkie au Démocrate Franklin Delano Roosevelt, le président sortant. Dans ce premier ouvrage, il était question de s’intéresser aux choix électoraux d’un quartier d’Erie dans l’Ohio aux Etats-Unis pendant les six mois d’enquête qui ont précédé le vote. L’étude, menée sur un échantillon de trois mille personnes réparties en quatre groupes, met en évidence que ce ne sont pas les médias qui influencent directement le vote mais les discussions autour des sujets donnés par les médias. Ce paradigme, d’abord fondé sur une enquête d’un seul type de leaders d’opinion, à savoir ceux qui ont de l’influence lors d’une campagne électorale, est le résultat d’une « entreprise cumulative » d’études de l’influence personnelle (Lazarsfeld et al., 1954, p. 9). En effet, trois ouvrages ont permis l’élaboration de ce paradigme : People’s choice (1944), Voting (1954) et Influence Personnelle (1955). Publiée après People’s choice, la deuxième étude sur le comportement de vote intitulée Voting et menée par les chercheurs de l’école de Columbia, Bernard Berelson, Paul F. Lazarsfeld et William Mc Phee, prouve également la présence de leaders d’opinion. Avec cette deuxième étude sur le comportement électoral, le modèle de l’école de Columbia est renforcé. Ce paradigme a été approfondi dans un ouvrage co-écrit avec Elihu Katz, Influence personnelle, publié en 1955. Ce modèle conçu d’abord à travers le prisme de la sociologie des médias avec une résonance politique, à savoir celui de la décision de vote, s’est ensuite développé plus précisément en communication en mesurant l’influence dans les décisions plurielles comme celles des achats, de la mode et du cinéma. Cette influence se fait en deux temps : des médias vers les leaders d’opinion (premier temps), des leaders d’opinion vers le groupe de récepteurs (deuxième temps). Le modèle des effets limités a été nommé ainsi en référence au modèle des effets directs des médias de Harold D. Lasswell2 (Lasswell, 1938). Le modèle de l’école de Columbia des effets limités redonne du pouvoir aux récepteurs et constitue une réponse au modèle des effets directs. Pour autant, le modèle ne nie pas l’influence des médias dans le long terme mais considère que celle-ci est limitée dans l’influence de court terme. Dans ce modèle, ce ne sont pas les médias qui influencent directement les usagers-récepteurs de l’information, mais les personnes avec lesquelles ils échangent. Les médias influencent les usagers-récepteurs, tout particulièrement les usagers-récepteurs dominants, ceux que l’école de Columbia appelle les « leaders d’opinion ». Ces leaders d’opinion vont influencer à leur tour leurs groupes d’usagers-récepteurs. C’est à partir de ce modèle que nous allons interroger la figure du leader d’opinion afin d’analyser si la figure émergente de l’influenceur des réseaux socionumériques correspond à l’essence de la définition originelle.

Le leader d’opinion de l’école de Columbia : un leader du quotidien

2La figure du leader d’opinion de l’école de Columbia est à distinguer du sens commun de leader d’opinion. En effet, Elihu Katz précise, dans sa préface de 2005, l’importance du caractère commun et quotidien du leader d’opinion. Le leader d’opinion est orthographié avec un « l » minuscule et non avec un « l » majuscule. Ce qui signifie que le leader d’opinion n’est pas un leader d’opinion au sens où on peut l’entendre dans l’usage courant et notamment au sein des médias. Ce n’est pas un leader politique, un éditorialiste, un leader médiatique. La principale caractéristique du leader d’opinion relève de sa définition particulière du terme de leader. Il s’agit d’un leadership dans la vie quotidienne, qui n’est pas un leadership comme on le considère généralement (chef, dirigeant). Le leader d’opinion de Columbia est différent des autres leaders, il n’exerce pas une influence toute puissante (Katz et Lazarsfeld, 2010). Le leader d’opinion du modèle de Columbia n’a pas de critères sociologiques spécifiques. Le leader d’opinion de l’école de Columbia est un être tout à fait commun, ordinaire, qui va influencer à un moment donné son groupe d’appartenance dans une conversation. Ce leader est avant tout dépendant d’un groupe, c’est en cela qu’il est différent d’un leader politique, d’un chef d’entreprise, d’une célébrité au sommet de son domaine artistique. Par définition, le leadership « signifie le droit et le pouvoir d’influencer. » (Katz et Lazarsfeld, 2010, p. 102 ). Ce leadership-là est particulier car il est octroyé de manière ponctuelle par un groupe. Le groupe du leader d’opinion est homophile. L’homophilie signifie littéralement l’amour de son semblable, la tendance à n’aimer que celui qui nous ressemble. (Lazarsfeld et al., 1968). Il s’agit d’avoir pour modèle de référence sa propre personne. Les individus interagissent entre eux car ils partagent un ensemble de valeurs, ont fréquenté les mêmes lieux, partagent les mêmes centres d’intérêt, etc… C’est à partir de ces points communs que les usagers-récepteurs vont former des groupes. L’homophilie est le principe même de la constitution d’un réseau.

L’influenceur : un leader d’opinion 2.0 ?

3Le leader d’opinion par son caractère quotidien et impermanent est à l’image des réseaux socionumériques. Tout comme le média, il sélectionne, hiérarchise afin de partager avec son groupe. La particularité des réseaux socionumériques est de donner la possibilité de s’informer auprès d’un réseau et donc par l’intermédiaire d’usagers-récepteurs. Ainsi, les réseaux socionumériques semblent constituer la plateforme la plus propice à la présence de ces usagers-récepteurs porteurs de l’influence personnelle. Les réseaux socionumériques appartiennent au monde quotidien, à l’ordinaire, tout comme le leader d’opinion de l’école de Columbia. Pour la littérature marketing, « les leaders d’opinion (…) sont les « influenceurs », ils propagent les tendances. (Maunier, 2008, p. 88). La théorie de l’influence personnelle de l’école de Columbia (Lazarsfeld et Katz, 2008) a permis d’asseoir la pertinence du marketing d’influence (Maunier, 2008, p. 94). En effet, le marketing a largement repris certains aspects du modèle d’influence personnelle conçu par Paul F. Lazarsfeld. Ce dernier qui avait établi son modèle via une étude sur le vote politique, a abordé également le marketing à travers le cinéma, la mode, les achats, dans son deuxième ouvrage co-écrit avec Elihu Katz. Tout au long de sa carrière, Paul F. Lazarsfeld a entretenu des liens étroits avec le marketing. Le premier article de Paul F. Lazarsfeld aux Etats-Unis, qui avait pour thème la technique de l’entretien, est paru dans une revue de marketing (Lazarsfeld, 1935). Pour Todd Gitlin, les recherches sur les communications de masse ont partie liée avec les techniques de marketing (Gitlin, 1978). Déjà, selon Todd Gitlin, People’ s choice en 1944 avait suscité l’intérêt de Macfadden Publications et de son magazine True Story (Gitlin, 1978). Macfadden aidera financièrement par la suite l’étude de Decatur pour Influence Personnelle. Les sujets de cinéma, de mode et d’achats intéressaient fortement le magazine dans sa stratégie publicitaire (Gitlin, 1978). A priori, la définition du leader d’opinion donnée dans le marketing (Vernette, Flores, 2004) diffère de la définition lazarsfeldienne : « Certains auteurs préfèrent alors parler d’ « influenceur », considérant que son rôle est celui d’un simple « transmetteur » d’informations sur les produits et les marques ; le terme de « leader d’opinion » suggérerait implicitement une position dominante dans l’échange d’informations, ce qui n’est pas forcément vérifié dans la réalité. » (Vernette, Flores, 2004, p. 25). Cependant, comme le leader d’opinion marketing revendique son origine lazarsfeldienne, on peut trouver des caractéristiques communes.

4A l’instar du leader d’opinion, l’influenceur occupe une place centrale sur les réseaux socionumériques. Sa spécificité est à la fois d’être un récepteur et un créateur de contenus. A la différence du leader d’opinion lazarsfeldien, qui était d’abord influencé par les médias, l’influenceur peut occuper deux rôles : celui de l’intermédiaire, de relais médiatique et celui de créateur de contenus (Maunier, 2008). Eric Vernette et Laurent Flores, chercheurs en marketing, reconnaissent d’ailleurs que le paradigme de l’école de Columbia a été altéré lorsqu’il s’agit de dresser un portrait-robot du leader d’opinion en marketing (Vernette, Flores, 2004). On notera également que la méthodologie utilisée n’est sensiblement pas la même que chez Paul F. Lazarsfeld. Eric Vernette et Laurent Flores affirment que seule la méthode de l’auto-désignation est réalisable en marketing (ibidem). Cette méthode ne nécessite pas la connaissance particulière des groupes primaires3 contrairement à celle de Paul F. Lazarsfeld. La reprise du leader d’opinion dans le marketing s’éloigne de la définition première du leader d’opinion d’Influence personnelle, notamment dans sa constitution durable de modèles, de catégorisation de leaders d’opinion. La notion « durable » est antithétique de la définition de Paul F. Lazarsfeld qui considère le leadership impermanent, mouvant. La particularité du leadership incarné par le leader d’opinion est qu’il ne s’inscrit pas dans la durée (Katz, Lazarsfeld, 2010). Il n’est pas non plus spécialisé. Pour Bertrand Belvaux et Séverine Marteaux, qui appliquent en marketing Influence personnelle d’Elihu Katz et Paul F. Lazarsfeld, le leader doit être sollicité dans la fonction de relais d’information (Belvaux, Marteaux, 2007). Dans leur utilisation en marketing, ils estiment que le leader d’opinion détient son leadership de son expertise dans un domaine précis (Belvaux, Marteaux, 2007, p. 68). Cette définition de l’influenceur diffère de la définition du leader d’opinion de Columbia. Il est vrai que le leader l’est dans un domaine précis mais il n’est en aucun cas considéré comme expert, puisqu’il n’est pas doté de qualités particulières. La maîtrise d’une expertise dans un domaine précis reviendrait à rendre permanent le leadership. Or, le leader d’opinion au sens de Columbia est un simple relais d’information impermanent. D’autant plus que l’impermanence du leadership ne permet pas au leader de prendre pleinement conscience de son influence sur le groupe. Il peut être parfois leader en raison de son intérêt pour un domaine, mais pas seulement, son leadership peut relever de la simple circonstance d’être présent au moment opportun (Katz et Lazarsfeld, 2010). Contrairement aux influenceurs du marketing d’influence qui font de leur « influence » un argument économique pour être rémunérés par les marques, chez Paul F. Lazarsfeld, il n’existe pas un leader d’opinion type. En outre, le leader d’opinion ne peut être rattaché à un profil spécifique. Il est quotidien et informel contrairement à la définition interprétée du leader d’opinion que l’on retrouve dans le marketing d’influence, notamment à travers l’assimilation des leaders d’opinion avec les influenceurs. Eric Maigret considère la reprise du concept par le marketing d’influence trop réductrice (Maigret, 2007). Il est vrai qu’à partir du moment où il est question d’une pratique permanente du rôle de leader d’opinion, les « influenceurs » des réseaux socionumériques ne sont plus des leaders d’opinion « influenceurs » au sens de Columbia car ils ne respectent plus le critère principal de l’impermanence. Le leadership d’opinion originel ne peut en aucun cas être assimilé à une professionnalisation comme le sont certains influenceurs. Paul F. Lazarsfeld et Elihu Katz, dans leur ouvrage Influence personnelle désavouent la représentation commune du leader d’opinion (Katz, Lazarsfeld, 2010, p. 97). Cette définition du leader d’opinion en marketing s’éloigne du paradigme lazarsfeldien dès lors qu’elle inclue, au sein des leaders d’opinions, des personnes célèbres. Cette conception qui considère le leader au-dessus de la masse, correspond à l’usage du terme « leader d’opinion » dans l’usage courant et non pas au sens du paradigme lazarsfeldien. Cette définition est même précisément le contraire du caractère du leader d’opinion de Columbia. Elihu Katz réitère d’ailleurs à ce propos en 2005 que le leader d’opinion fait exclusivement référence au leader du quotidien et non à la définition de sens commun du leader (Katz, 2005). Comme on l’a vu précédemment, le leader d’opinion est différent des autres leaders, il n’exerce pas une influence hégémonique (Katz et Lazarsfeld, 2010). Les leaders d’opinion de Paul F. Lazarsfeld n’étant pas des célébrités ou des experts dans leur domaine, le plus paradoxal est dans la définition même de l’influenceur actuel. Le leader d’opinion, au contraire de l’influenceur, n’influence qu’un petit groupe, or l’influenceur actuel possède pléthore de followers. C’est d’ailleurs même ce grand nombre de personnes qui lui permet d’exercer cette activité d’influenceur. Un groupe est par définition un ensemble d’individus qui ont des relations sociales. Robert K. Merton rappelle que la notion de groupe est souvent utilisée à tort, dans un sens trop large qui n’implique pas forcément l’interaction sociale, or cela perd son sens s’il n’y a pas d’interaction sociale (Merton, 1953). Dès lors que le groupe se base sur l’interaction sociale, il n’est pas permanent. L’individu de référence serait lui aussi mouvant par voie de conséquence. D’après la définition de Robert K. Merton, l’individu de référence a aussi en commun avec le leader d’opinion lazarsfeldien, l’homophilie. Pourtant, l’individu de référence correspond manifestement plus à la définition contemporaine des influenceurs des réseaux socionumériques (qui sont devenus pour certains des personnes publiques) qu’à la définition lazarsfeldienne du leader d’opinion. L’influence est mesurée selon le critère de la citation par autrui : plus un individu est cité plus il est dit « influent » (Merton, 1953). Un individu de référence devient un modèle de rôle auquel le groupe peut s’identifier. Robert K. Merton fait une première classification de l’influence en distinguant quatre types d’influents : permanent, en progrès, en déclin, potentiel (ibidem). L’influent permanent pourrait correspondre à l’actuel influenceur des réseaux socionumériques, auquel les marques font appel de manière régulière.

5Dès lors, si l’influenceur contemporain ne correspond pas au leader d’opinion de Columbia, pourquoi les spécialistes en marketing considèrent-ils ces influents permanents comme des leaders d’opinion ? Afin de mieux comprendre cette dérive du paradigme, il est important de définir le terme « opinion », car la fonction première d’un leader d’opinion est bel et bien de diriger une « opinion ». Le terme, dans les ouvrages People’s Choice et Voting, était clair : l’influence personnelle pouvait interagir avec l’opinion politique en matière de choix électoral. Or, avec Influence Personnelle, la définition de l’opinion est devenue plus protéiforme. Car le leader peut influencer les achats, la mode, le cinéma, etc… Cette ambiguïté lexicale soulève cette question : un choix commercial est-il une opinion ? L’opinion n’est-elle réservée qu’à la politique ? Ou l’opinion constitue-t-elle tout simplement un avis sur une chose, une idée ? Du latin « opinio » (Gaffiot, 1934, p. 1083), l’opinion est définie en tant qu’avis, croyance, jugement sur une chose. L’opinion peut par conséquent porter sur des questions diverses. Ainsi, même si la mission des influenceurs est d’émettre un avis sur des produits ou des services, sont-ils pour autant des leaders d’opinion ? Laurent Bertrandias est catégorique sur ce point. Le leader d’opinion ne peut l’être que si ses recommandations ne s’accomplissent pas sous contraintes marchandes (Bertrandias, 2003). Or, avec des influenceurs professionnalisés, parfois rémunérés, on peut se poser la question de la spontanéité et de la sincérité. S’agit-il de leur avis, de leur opinion, ou s’agit-il d’une conduite guidée par la rémunération et le marketing ? S’il s’agit d’une opinion ponctuelle et spontanée, ces influenceurs entrent dans le cadre de l’impermanence. A contrario, si les producteurs de contenus sont à assimiler à des représentants ponctuels ou réguliers de la marque, ils sortent du cadre de l’impermanence (Maigret, 2007). A l’origine, les influenceurs sont des personnes lambda sans qualité particulière qui ont émergé par l’intermédiaire de leurs groupes d’abonnés homophiles d’où provient ce leadership. Ce qui rejoint la caractéristique selon laquelle le leader d’opinion n’a pas de qualités particulières dans la définition lazarsfeldienne. Grâce à leurs nombres conséquents d’abonnés, certains influenceurs ont fait de leurs conseils, de leur nombre de likes et de leurs placements de produits, de véritables sources de revenus. Ainsi, les influenceurs, contrairement aux leaders d’opinion de Columbia, s’apparentent plutôt à des créateurs de publicité, d’envies commerciales, qu’à de réels vecteurs d’influence de comportement et d’opinions publiques. Au-delà de ces différences, les influenceurs au sens marketing évitent majoritairement tout sujet politique contrairement aux leaders d’opinion de l’école de Columbia. Un refus de prise de position que peut expliquer l’homophilie sur laquelle repose leurs groupes d’abonnés. Les influenceurs joueraient simplement de leur audience pour véhiculer le message marketing. En cela la notion d’information est elle-même à préciser. Une communication publicitaire peut-elle être une information ? C’est pourquoi les communications publicitaires sont le plus souvent masquées sous couvert de « stories » Snapchat, Instagram. Les influenceurs scénarisent ainsi leurs placements de produits pour donner l’illusion de la spontanéité. Or, les influenceurs à forte audience rencontrent des difficultés à produire du contenu spontané. C’est pourquoi certaines marques tentent de retrouver cette illusion de spontanéité en allant rechercher des influenceurs plus modestes, plus proches du marketing d’influence originel.

Conclusion

6En définitive, l’influenceur n’est pas un substitut naturel du leader d’opinion. Certes, le leader d’opinion par son caractère quotidien et mouvant semble à l’image des réseaux socionumériques. Et Paul F. Lazarsfeld a lui-même entretenu des liens étroits avec le marketing. Néanmoins, les caractéristiques du leader d’opinion originel comme le caractère commun, quotidien et son impermanence peuvent correspondre, comme ne pas correspondre, aux influenceurs des réseaux socionumériques. Car par la professionnalisation et donc par la permanence, certains influenceurs dits « leaders d’opinion nouvelle génération » par la littérature marketing semblent en contradiction avec la définition de l’école de Columbia. C’est pourquoi notre démarche empirique en cours consiste à reformuler la figure du leader d’opinion en identifiant, ou non, la présence de leaders d’opinion via les réseaux socionumériques au travers du seul modèle de l’école de Columbia. Pour ce faire, notre période d’observation qui se clôturera sous peu, devrait nous permettre cette reformulation ainsi qu’une catégorisation actualisée des leaders d’opinion présents sur les réseaux socionumériques.

Bibliographie

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Notes

1https://www.lerobert.com/sites/default/files/common/docs/2018-DP-mots-nouveaux.pdf

2   Le modèle des effets directs développé dans Techniques de propagande pendant la guerre mondiale, en 1927, considère que les médias injectent leurs messages et influencent un peuple amorphe, complètement passif.

3   La notion de groupe primaire trouve son origine chez Charles H. Cooley en 1909. Cette notion insiste sur le caractère intime et réel de la relation. Ces groupes sont qualifiés de « primaires » puisqu’ils sont liés à la proximité, aux relations personnelles.

Pour citer ce document

Stéphanie Lukasik, «L’influenceur sur les réseaux socionumériques : le substitut naturel du leader d’opinion ?», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 17-varia, Carte blanche aux doctorants,mis à jour le : 04/04/2022,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=932.

Quelques mots à propos de : Stéphanie Lukasik

Université de Lorraine, laboratoire CREM et IMSIC, stephanielukasik@hotmail.fr