Aller la navigation | Aller au contenu

ACTUALITÉS DE LA SFSIC

Laurence Corroy

Les travaux de la Commission formation de la SFSIC
Un dialogue fructueux et nécessaire au sein de notre communauté scientifique

Article

Texte intégral

25-30

01 avril 2024

1La commission Formation de la SFSIC entend proposer des espaces de réflexion et des outils mis au service de la communauté scientifique concernant notamment l’évolution des formations en sciences de l’information et de la communication en fonction des champs professionnels et de leurs attentes, dont les unités de recherche et développement, tant dans le secteur privé et académique, ne sont pas absentes. Le mandat de la commission formation 2021-2025 permet l’année du congrès de dresser un premier bilan d’étape des actions entreprises. Lors des deux années écoulées, la commission Formation a porté ses efforts sur trois missions principales.

Accompagner la professionnalisation des doctorants et faciliter leur insertion professionnelle

2Lors de la précédente mandature, la commission formation de la SFSIC a travaillé au troisième cycle universitaire. Les enjeux sont cruciaux, le doctorat souffrant d’une image qui n’est pas toujours positive auprès du secteur privé, le taux de chômage des jeunes docteurs étant très largement supérieur en France comparé aux autres pays de l’OCDE et même supérieur aux diplômés de masters (Harfi, 2013 ; Harfi et Auriol, 2010). C’est une situation d’autant plus paradoxale que la formation doctorale française s’avère particulièrement attractive à l’international.

3En 2019, un questionnaire adressé aux laboratoires en SIC avait permis d’établir un premier échantillon composé de 81 docteurs ayant soutenu leur thèse au cours des quatre années précédentes. Il apparaissait que si 11 docteurs étaient devenus maîtres de conférences ou ingénieurs de recherche, 20 docteurs étaient salariés du secteur public sur des missions à durée déterminée, 18 docteurs déclaraient travailler dans le secteur privé et 15 n’avaient pas donné d’indications sur leur insertion professionnelle, laissant supposer qu’ils n’avaient vraisemblablement pas rejoint le secteur public. Cela signifie qu’une part importante des docteures et docteurs en SIC rejoignent le secteur privé.

4Ce constat a conduit la commission Formation à coordonner des journées dédiées à l’insertion professionnelle des doctorants et des jeunes docteurs, notamment par les Conventions Industrielles de Formation par la REcherche (CIFRE), mettant l’accent sur l’intérêt de ces dispositifs et leurs difficultés, voire leurs limites. Sans les nier, Olivia Foli et Marlène Dulaurans estiment néanmoins que « s’accrocher à la finalité surplombante de la thèse permet de transformer les difficultés en expérience heuristique fertilisant finalement les travaux de recherche » (Foli, Dulaurans, 2013 ; Durampart, de La Broise, Galibert, Arquembourg, 2021).

5Faciliter les débouchés possibles en Recherche & Développement dans le privé et dans la fonction publique a été aussi une préoccupation de la commission Formation, en particulier grâce à l’élaboration d’un Livret de compétences des docteurs en SIC qui promeut les compétences en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être acquises lors de la thèse et souvent méconnues des entreprises et dont les doctorants n’ont pas toujours conscients eux-mêmes. Ces résultats sont consultables dans le dossier de synthèse du numéro 17 des Cahiers de la SFSIC (Corroy, Maas, 2021) et corroborent l’étude menée par Alexandra Couston et Isabelle Pignatel, qui met en valeur la capacité des jeunes diplômés à être créatifs, adaptables et à établir des veilles informationnelles de haut niveau (Couston, Pignatel, 2017).

6La commission Formation a désiré poursuivre cette mission dédiée aux doctorants et aux jeunes docteurs, notamment lors des doctorales organisées par la SFSIC en juin 2022, où des temps réservés de réflexion, de rencontres avec le monde professionnel et de retours d’expérience ont eu lieu sous une forme inédite. La présence en nombre des jeunes chercheuses et chercheurs de notre section CNU, appuyée par celle de leurs directrices et directeurs de recherche, permettent aux doctorales de la SFSIC de constituer un événement important de recherche et de formation par la recherche. Après avoir revu et discuté du Livret de compétences, les doctorants et jeunes docteurs présents ont été invités à travailler, lors d’une séance de travail créatif et collaboratif, en petits groupes, afin de répondre à une offre d’emploi, leur permettant de mettre en valeur, dans la restitution publique qui a été faite ensuite, les compétences et la valeur ajoutée pour les entreprises et les institutions à embaucher de jeunes docteures et docteurs de notre discipline. Ces formes inédites de réflexion ont été appréciées et seront reprises et poursuivies aux doctorales 2024.

7La commission Formation travaille en étroite relation avec la commission Recherche et la commission Relations Internationales de la SFSIC. Elle participe activement le cas échéant aux séminaires de réflexion avec la CPDirSIC et le CNU 71e section. Le dialogue et la collaboration entre ces trois instances sont extrêmement importants, elles permettent de croiser les points de vue, et donnent à voir à l’ensemble de notre communauté scientifique, chacune par son prisme, les saillances, les fragilités, les inquiétudes et les forces des sciences de l’information et de la communication en France1. Cette collaboration harmonieuse permettra à la commission Formation de lancer une enquête de plus grande ampleur concernant l’insertion professionnelle des jeunes chercheuses et chercheurs en SIC. Les résultats seront présentés lors des doctorales 2024.

Travailler l’harmonisation des fiches RNCP

8L’étroite collaboration avec la CP-DirSIC et le CNU a aussi permis que les trois instances travaillent de concert lors de la révision des fiches du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), géré par France compétences. Cet organisme public à caractère administratif est la seule instance à gérer à l’échelle nationale la formation professionnelle et l’apprentissage2. Les établissements d’enseignement supérieur publics, accrédités par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) sont supposés se conformer à la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (loi du 5 septembre 2018) et à l’obligation de certification dans le cadre de celle-ci. Cette dernière stipule que la certification des formations, nécessaire pour garantir un degré de qualification et d’exigence national, doit être organisé sous forme de blocs de compétences, lisible tant pour les étudiants que pour les employeurs. Les compétences doivent représenter un ensemble cohérent et structuré qui s’arrime à une offre de formation qui tient compte des métiers visés.

9Cette structuration a aussi pour corollaire une dimension processuelle de la certification, qui permet à des salariés en reprise d’études de valider un certain nombre de blocs de compétences ou, pour les étudiants qui ne pourraient obtenir l’ensemble des compétences requises en vue de diplomation, d’en valider certaines.

Analyser l’approche ministérielle par compétences, initiée pour les BUT en IUT et dresser un premier bilan de la reconfiguration de l’offre de formation et de recherche des Bachelors

10Les transformations que connaissent aujourd’hui les IUT, avec notamment la réforme des BUT (transformation du DUT, une formation de premier cycle universitaire en deux ans, en bachelor, sanctionnant un premier cycle du supérieur en trois ans), nécessitent que la Commission Formation de la SFSIC questionne ces mutations, les IUT étant des lieux de formation et de recherche en sciences de l’information et de la communication. En 2022 et 2023, la commission Formation a procédé à une phase d’audition, sous la forme de grands entretiens, des principaux acteurs qui ont participé à l’élaboration de la nouvelle offre de formation en bachelor information-communication (membres de l’assemblée des Chefs de Département et groupes nationaux d’élaboration des maquettes). Cinq parcours sont proposés à l’échelle nationale en bachelor information – communication :

Si le passage de diplôme de deux ans à trois années a été plutôt bien accueillie, la réforme de la loi, menée de façon extrêmement contrainte en termes de calendrier, a mis sous pression les équipes pédagogiques. L’approche par compétences, qui n’était pas absente des précédentes maquettes, a été poussée bien plus avant, l’entièreté des diplômes étant désormais structurée en 4 ou 5 blocs de compétences au sein desquelles les enseignements sont structurés en « ressources » ou en « situation d’apprentissage et d’évaluation » (dites « SAÉ »).

11Les entretiens ont mis en lumière que le poids donné à ces « SAÉ », tout comme l’appellation de « ressources » pour les cours n’a pas été reçu avec sérénité, d’autant que l’obligation nouvelle de quotas de bacheliers généraux et technologiques (à 50-50) a été jugée très éloignée des réalités de terrain (un quart seulement de néo bacheliers demandant à poursuivre leurs études en information-communication sont issus de bacs technologiques, et le pourcentage peut être encore moindre pour certains parcours comme métiers du livre et du patrimoine). En mai 2022, la SFSIC, par la voix de son président, s’est adressée aux rectorats de régions et d’académies pour formuler une demande de dérogation aux quotas de bacheliers technologiques dans les parcours de BUT Information Communication. Seul le parcours métiers du livre et du patrimoine bénéficie à ce jour d’une dérogation. Cette situation demeure un vif sujet de préoccupation pour les équipes pédagogiques, eu égard au taux d’abandon constaté en première année des étudiants issus de ces baccalauréats.

12Dans un second temps, la commission Formation a organisé un workshop ouvert à tous les collègues enseignant l’information et la communication en bachelor en IUT. Il s’est organisé en 5 axes de réflexion et d’échanges :

  • Le passage d’une formation de deux années en trois. Bien qu’unanimement saluée, et jugée très positive elle n’est pas sans risques et peut être moins adaptée aux parcours de formation qui avaient un fort taux d’employabilité dès bac +2.

  • La politique stricte des quotas de bacheliers généraux et technologiques. C’est sans doute le point d’achoppement principal de la réforme, unanimement estimé coercitif et déconnecté des réalités du terrain.

  • Les nouvelles structurations des enseignements, leurs dénominations et leurs effets pédagogiques.

  • Les spécificités des sciences de l’information et de la communication en IUT. Il apparaît que la réforme met davantage en tension les filières tertiaires, dont les contenus académiques sont nécessaires et fondamentaux.

  • La place de la recherche et de la formation par la recherche. En fonction des IUT, de leur localisation, de la dynamique de recherche des laboratoires, les disciplines représentées dans les formations, la place de la recherche peut être facilitée ou moins aisée. Les responsabilités pédagogiques et administratives, particulièrement chronophages depuis la réforme, mettent en tension le travail des enseignants chercheurs, dont la recherche peut être mise à mal et difficile à maintenir dans ce cadre.

13Une première restitution de ce travail a eu lieu auprès d’une équipe de recherche en SIC travaillant sur les ressources pédagogiques en IUT (ANR Renoir). Deux autres auront lieu en 2023, lors du congrès de la SFSIC et des assises de la SFSIC prévue à l’automne. Enfin, un article de synthèse sera publié en 2024.

14La commission Formation, au vu de la richesse des échanges et des témoignages de terrain recueillis entend proposer en 2024 et 2025 des workshops permettant de poursuivre les dynamiques de recherche initiées et d’approfondir l’analyse des effets de cette réforme du premier cycle universitaire en IUT.

Bibliographie

Laurence Corroy, Elise Le Moing-Maas, « Le livret de compétences des docteu.res en SIC », Les Cahiers de la SFSIC, Société française des sciences de l’information et de la communication, 2021, no 17.

Alexandra Couston, Isabelle Pignatel, « L’adéquation de la formation doctorale en France aux besoins de l’entreprise : l’éclairage par les compétences », La Revue des Sciences de Gestion, vol. 287-288, no 5-6, 2017, pp. 23-30.

Michel Durampart, Une thèse en CIFRE : un challenge et un apport fertile, Les Cahiers de la SFSIC, Société française des sciences de l’information et de la communication, 2021, no 17.

Olivia Foli et Marlène Dulaurans, « Tenir le cap épistémologique en thèse Cifre. Ajustements nécessaires et connaissances produites en contexte », Études de communication, no 40, 2013, p. 59-76.

Olivier Galibert et Jocelyne Arquembourg, « Les contrats CIFRE : une opportunité raisonnée et raisonnable pour les SIC », Les Cahiers de la SFSIC, Société française des sciences de l’information et de la communication, 2021, no 17.

Mohamed Harfi, Les difficultés d’insertion professionnelle des docteurs : les raisons d’une « exception française », Documents de travail du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, no 2013-07. www.strategie.gouv.fr

Mohamed Harfi et Laudeline Auriol, « Les difficultés d’insertion des docteurs : les raisons d’une exception française », Centre d’analyse stratégique, note de veille, no 189, juillet 2010.

Patrice de La Broise, « De l’utilité d’une CIFRE : quelques mobiles de conventionnement », Les Cahiers de la SFSIC, Société française des sciences de l’information et de la communication, 2021, no 17.

Notes

1   Cf. Dynamiques des recherches en sciences de l’information et de la communication, 3e édition, CP-DirSIC, 2019. dyresic-web.pdf (cpdirsic.fr).

2   L’apprentissage a été renforcé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, revalorisé et élargi pour des étudiants ayant jusqu’à 29 ans révolus.

Pour citer ce document

Laurence Corroy, «Les travaux de la Commission formation de la SFSIC», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 19-Varia, ACTUALITÉS DE LA SFSIC,mis à jour le : 17/04/2024,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=1000.

Quelques mots à propos de : Laurence Corroy

Vice-présidente de la commission formation