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DANS L'ACTUALITÉ

Lise Verlaet

Modèles d’affaires de l’open access. Réflexions autour du projet Numerev

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Texte intégral

1Il continue d’exister une confusion dès lors qu’est abordée la notion du Libre Accès (Open Access), celle qui consiste à croire qu’une ressource en Libre Accès est nécessairement gratuite, si ce n’est libre de droits. Il faut nonobstant concéder que l’accessibilité aux informations qu’offre Internet tend à faire disparaître les mécanismes mercantiles sous-jacents pour les lecteurs, facilitant par là même une certaine opacité concernant tout à la fois les détenteurs des droits, les modèles économiques et les motivations profondes quant à la diffusion de ces informations. Or comme nous allons le démontrer, non seulement le Libre Accès ne rime ni avec gratuité ni avec altruisme contrairement aux apparences, et a fortiori, les porteurs d’un tel projet doivent dès sa mise en œuvre redoubler d’efforts pour trouver un modèle d’affaires qui assurera sa pérennité. À cet égard, nous ferons part de la réflexion en cours sur NumeRev (http://numerev.com/), projet de portail interdisciplinaire de ressources scientifiques numériques en Libre Accès qui se donne notamment pour mission d’être un incubateur scientifique et un vecteur privilégié de science ouverte (open science ou open research).

Impacts économiques de la révolution numérique sur l’édition scientifique

2Comme de nombreux secteurs d’activités, l’édition scientifique doit se réinventer pour faire face aux transformations engendrées par ce qu’il est désormais d’usage d’appeler la révolution numérique. Les maisons d’édition, devenues à la fin du XXe siècle des acteurs incontournables de la diffusion de l’information scientifique, ont précipité l’édition scientifique dans la sphère marchande. En témoignent, comme le souligne Chartron (2010), les coûts inflationnistes des revues et ouvrages scientifiques dès le début des années 1990. L’on aurait pu croire que le numérique aurait mis fin à l’augmentation des prix des publications scientifiques, ne serait-ce que par les économies liées à l’impression et la diffusion du papier, lesquels activités relèvent essentiellement des tâches des maisons d’édition ou de leur(s) prestataires de service (Contat & Grelimmet, 2015). Que nenni ! Les répercussions de ces économies sont si minimes – lorsqu’elles existent – qu’elles passent inaperçues. Certes, il a fallu que les éditeurs opèrent la transition numérique et se dotent de plateformes de diffusion de l’information numérique. Ceci est désormais chose faite pour les grands éditeurs commerciaux, qui ont par la même occasion racheté nombre de petites revues incapables financièrement de prendre le tournant numérique (Larivière et al., 2015). Pour autant, les prix ne vont pas à la baisse, loin s’en faut.

Figure 1. Progression du CA IST 2011/2015 des 6 plus grands éditeurs

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3À ce titre, Vajou dans le rapport EPRIST de mars 2016 concernant les « Résultats financiers 2015 de l’édition scientifique » est éclairant à bien des égards. Il y est notamment précisé que les 6 plus grands éditeurs scientifiques mondiaux (dont 5 sont côtés en bourse) affichent des taux de marge d’exploitation supérieurs à 36 % sur le chiffre d’affaires et captent 65 % des profits mondiaux de l’édition scientifique. À titre de comparaison, Google Inc. réalise en 2015 une marge d’exploitation de 32,7 % selon ZoneBourse.com. Le chiffre d’affaires cumulé par ces grands éditeurs avoisine les 7,5Md€ et comme le montre le graphique ci-contre – issu du même rapport – la progression est constante et est entretenue par un taux de croissance organique de 2,8 % en moyenne. Le dynamisme de ce secteur dit « mature » s’explique, certes par une croissance continue de la publication scientifique d’environ 5 % par an laquelle est corrélée à l’élargissement géographique et démographique de la population des chercheurs notamment via les pays asiatiques, mais surtout par le développement des offres de service des éditeurs, leurs stratégies de commercialisation ainsi que leurs politiques tarifaires.

Figure 2. Évolution 2011/2015 de l’investissement IST et du retour aux actionnaires générés par l’IST (en million d’euros)

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4Si l’on s’intéresse à l’édition de la recherche, soit aux communications scientifiques des chercheurs, les chiffres indiqués dans le Rapport EPRIST sont encore plus éloquents puisque cela représente 60 % du chiffre d’affaires global et 80 % des profits. La publication des revues scientifiques est de loin la plus rentable (+40 % sur CA) et avec la croissance organique la plus élevée (plus ou moins 4 % par an). L’investissement des éditeurs dans ce domaine se situe entre 3,5 et 5 % des CA selon les grands éditeurs. La distribution des profits aux actionnaires est plus que confortable et a plus que doublé entre 2011 et 2015. Vajou (2016) pointe notamment que « la rentabilité hors norme des plus grands éditeurs scientifiques mondiaux rend difficile l’évolution vers de nouveaux modèles économiques ».

5D’ailleurs, les professionnels de l’information et des bibliothèques tirent depuis plusieurs années la sonnette d’alarme quant à la force contractuelle des éditeurs et l’augmentation des tarifs. En effet, la stratégie commerciale des éditeurs consiste à vendre de grands ensembles de revues sachant qu’environ 15 % de ces périodiques se révèlent réellement pertinents pour les enseignants-chercheurs. Très récemment, nos collègues canadiens des Universités d’Ottawa (Mercier, 2016) et de Montréal (Lemay, 2016) ont subi les compressions budgétaires de leurs bibliothèques, lesquelles ont dû mettre fin à plusieurs milliers d’abonnements aux périodiques scientifiques. Suite à l’échec des négociations avec l’éditeur Springer/Nature, le syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM, 2016) encourage les chercheurs à faire pression sur cet éditeur en dénonçant leur politique tarifaire, en donnant priorité à d’autres éditeurs pour la diffusion de leurs travaux et en refusant les évaluations d’articles au profit de cet éditeur. Le SGPUM souligne une réalité souvent occultée : « la production des revues des éditeurs scientifiques repose essentiellement sur la contribution non rémunérée par l’éditeur des chercheurs (dont les professeurs) qui rédigent les articles, évaluent les articles écrits par des pairs et participent aux comités éditoriaux des revues ». Or cette production éditoriale scientifique est assurée par les chercheurs (Contat & Grelimmet, 2015 ; Bertin et al., 2014), dont le salaire est versé dans la majeure partie des cas par les institutions publiques, lesquelles sont contraintes de payer une seconde fois à travers les bibliothèques (et autres centres de documentation) et au prix fort le fruit de leur production. C’est parfaitement invraisemblable. À cet effet et comme l’évoque Melançon (2014), il serait temps que les pouvoirs décisionnaires s’emparent du sujet et édictent de nouvelles règles du jeu.

Modèles d’affaires de la publication scientifique numérique

6Dans cette section nous centrerons notre propos sur l’édition numérique de la recherche (hors brevet). Le modèle le plus courant et également le plus lucratif pour les éditeurs commerciaux (DIST/CNRS, 2015) reste celui de l’accès payant à des revues ou bouquets de ressources, soit la politique du lecteur-payeur via l’achat ou l’abonnement. Dans le cas présent, il s’agit d’une transposition du modèle économique du support papier vers le numérique. Toutefois, le numérique a – comme nous l’avons signalé plus avant – permis aux éditeurs d’augmenter leurs marges en commercialisant de grands ensembles, la vente de périodiques peu plébiscités par les chercheurs étant corrélée à celle de leurs « titres phares ».

7Las du diktat économique des éditeurs commerciaux et sous l’influence notamment du mouvement du Libre Accès, un grand nombre de revues se sont emparées de la Toile afin d’y diffuser leurs contenus. Il s’agit du modèle du Free Gold Open Access ou « voie dorée gratuite », lequel permet aux auteurs de publier sans frais et aux lecteurs d’accéder gratuitement aux contenus scientifiques. Certes, la publication et la lecture sont gratuites, mais le modèle d’affaires sous-jacent repose intégralement sur une prise en charge financière et humaine par les institutions de recherche, à ce titre nous préférons le qualificatif de « libre accès institutionnel ». Selon le DOAJ (Directory of Open Access Journals) deux tiers des revues en libre accès auraient opté pour cette voie de diffusion. Ce modèle implique également que les acteurs de ces institutions de recherche possèdent soit les compétences techniques liées aux outils de publication numérique, soit les moyens financiers pour leur sous-traitance. Le développement du libre accès institutionnel nécessiterait une implication forte des pouvoirs politiques, la volonté et le courage de mettre fin ou bon ordre à un système mercantile qui s’enrichit sur les ressources étatiques.

8Les budgets des institutions de recherche n’étant pas extensibles et peu revalorisés ces dernières années (du moins en France), et la chaîne éditoriale et de production ayant par ailleurs des coûts incompressibles, est apparu le modèle du Platinum Road, souvent traduit par « accès platinum » et auquel nous préférons le terme de « services aux professionnels ». Ce modèle, qui s’inspire du modèle Premium ou Freemium de certains réseaux sociaux, propose des contenus libres et gratuits pour les auteurs et les lecteurs mais des services payants pour les éditeurs, bibliothèques… Les services payants1 proposés sont principalement des outils de gestion de l’information, d’analyses des usages, pratiques et comportements informationnels des lecteurs, ainsi que des outils de communication. Ces services sont à haute valeur ajoutée pour les professionnels de l’information. Ce modèle est privilégié dès lors qu’il existe des intermédiaires dans les processus éditoriaux ou de production, des gestionnaires techniques sous-traitants. Il n’est pas nécessairement utilisé que par des organisations à but non lucratif.

9Coexistent des modèles hybrides qui généralement proposent une politique d’abonnement pour ces numéros les plus récents, lesquels basculent en libre accès après 6 mois à deux ans d’embargo. Toutefois, comme le souligne Reymonet (2013), dans certains cas l’auteur aurait le choix de publier son article en libre accès moyennant finances.

10L’on constate également que certains dispositifs dans la veine du libre accès considèrent non plus les éditeurs ou le format type dossier thématique propre aux revues ou actes de colloques, mais s’adressent directement aux auteurs et s’intéressent à leurs articles. C’est notamment le cas du modèle du Green Open Access ou « voie verte », où l’archivage est conduit par l’auteur ou son institution sur des plateformes souvent institutionnelles ou de type réseaux sociaux, libres et gratuits pour les auteurs et les lecteurs. Là encore, nous substituons le terme « voie verte » par celui d’« archive ouverte ». Ceci engendre un basculement de l’entité revue vers l’entité article. Ce format correspond aux pratiques concrètes des chercheurs qui ne lisent que les articles qui les intéressent indépendamment du numéro où ils sont parus (Melançon, 2014, p. 104).

11Les différents modèles issus du libre accès ont durant quelques années porté atteinte aux éditeurs commerciaux, lesquels n’ont cependant pas tardé à réagir et à s’inspirer du libre pour créer le modèle du Gold Open Access ou « voie dorée ». Cette voie dorée est en réalité un détournement du Free Gold Open Access ou du libre accès institutionnel par des éditeurs commerciaux. Idéalement il s’agirait donc de le nommer « libre accès commercial ». Ce modèle repose sur la politique de l’auteur-payeur et sur l’Article Processing Charge (APC), soit un dispositif commercial fixant des frais de traitement par article. Ainsi après que l’article ait été accepté par les évaluateurs, l’auteur est redevable de 8 à 3 900 $ pour la publication de son article, soit une moyenne de 681 € (Solomon et al. 2012). Le prix est variable selon la notoriété de la revue. Au regard des tarifs, les revues dites prestigieuses seront bientôt réservées aux institutions de recherche privées ou largement dotées par l’État.

12L’analyse de DIST/CNRS (2015) met en exergue que « si la dynamique actuelle se poursuit, et c’est l’hypothèse la plus probable, on peut raisonnablement penser qu’à l’horizon de 10 ans le modèle économique basé sur l’abonnement sera devenu secondaire. » Le libre accès commercial – et sa politique de l’auteur-payeur – deviendrait ce faisant le modèle économique dominant et devrait compenser les marges perdues par le modèle de l’abonnement. Une simulation opérée à partir de la situation financière d’Elsevier par la banque HSBC indique que pour maintenir son niveau de marge et de revenus actuel, l’éditeur facturerait 3 000 $ par article (DIST/CNRS, 2015). Or, selon l’étude réalisée par Crawford (2016), le modèle du libre accès commercial aurait déjà impacté significativement le modèle du libre accès institutionnel en captant 12 % des publications d’articles entre 2011 et 2015. Par ailleurs, l’appât du gain lié à ce modèle montre d’ores et déjà des effets pervers. Comme le relate Morin (2013), un journaliste de la revue Science a soumis un article canular à de multiples revues en ligne, plus de la moitié d’entre elles l’ont accepté. Cet article souligne également que certains pays sont passés maîtres dans l’exploitation de ce modèle… Il faut espérer qu’en France la Loi pour une république numérique2 publiée au Journal Officiel du 8 octobre 2016 limitera les effets néfastes de certains éditeurs commerciaux peu scrupuleux et protégera la recherche publique. Car ne perdons pas de vue que l’édition scientifique n’est qu’une activité de prestation laquelle a été rendue plus aisée avec le numérique.

Le libre accès institutionnel plus vertueux que le libre accès commercial ?

13Compte tenu des éléments cités plus avant pour la majorité connus – du moins en partie – par les chercheurs, nous pouvons nous interroger sur les raisons de ce laisser-faire face au système d’édition de la recherche et en particulier de l’édition scientifique commerciale qui nous dépossède de nos droits d’auteur. La réponse est pourtant simple : la publication scientifique est le principal critère d’évaluation de la recherche et des chercheurs. Associées aux techniques de la bibliométrie, les revues sont devenues de véritables supports pour cette évaluation. Attendu que la plupart des revues scientifiques prestigieuses sont détenues par les éditeurs commerciaux d’une part. Les 4 plus grands éditeurs commerciaux contrôlent 50 % des revues à facteur d’impact. Que d’autre part les chercheurs sont contraints par le système d’évaluation de publier dans ces revues hautement qualifiantes pour prétendre à un avancement ou pour être crédibles et obtenir des appels à projets de recherche. Les éditeurs commerciaux ont encore de beaux jours devant eux.

14Rappelons que le facteur d’impact estime la visibilité d’une revue au regard de la fréquence de citations de ses articles, il entend montrer ainsi les progressions ou rétrogressions de ladite revue ou d’un auteur au sein de la communauté scientifique internationale. Le libre accès n’a pas mis fin à ces pratiques et en a créé de nouvelles avec les altmetrics. Le numérique facilite grandement le traitement des données et a permis d’en étendre le spectre (Clairoux, 2016) : utilisation (visite, téléchargement…), saisie (signet, partage…), mentions (blogs, wiki…), médias sociaux (Facebook, Twitter…) et les citations (Scopus, WoS, Google scholar…). Selon les premières tendances de l’enquête quantitative menée au sein du projet NumeRev sur les pratiques de rédaction et d’évaluation des articles scientifiques auprès de la communauté de chercheurs francophone3, celle-ci n’étant à ce jour pas achevée, une très large majorité connaît les principes du facteur d’impact mais seule la moitié d’entre eux en tient compte dans leur stratégie de publication. A contrario, peu d’entre eux sont au fait des altmetrics et seule une minorité les exploite. Quel que soit le mode d’évaluation, facteur d’imact ou altmetrics, les opinions des chercheurs sont à ce stade de l’enquête largement défavorables à ces traitements bibliométriques, lesquels font l’objet de nombreuses critiques depuis fort longtemps (Jacques, 1972 ; Moles, 1990 ; Le Crosnier, 1990 ; Caraco, 2014 ; Monniaux, 2014).

15Les débats vont bon train depuis plus d’un an sur l’objectif politique du dépôt obligatoire dans l’archive ouverte HAL et les aspects bibliométriques inhérents. Valluy (2016), à travers l’étude de ces débats, soulève la dualité qui entoure le libre accès. La vision positive largement mise en avant « du «libre accès» aux savoirs et des «biens communs» de la connaissance, et celle, plus sombre et antipathique, du «surveiller & punir» aussi panoptique que néo-managérial, consistant à instrumentaliser le prétexte du libre accès au service de finalités coercitives de la pensée du côté des chercheurs (priorités d’agendas/sujets de recherche, préférences paradigmatiques/théoriques) et de finalités économiques de débudgétisation tant du côté des enseignants […] que du côté des bibliothécaires & documentalistes […]. ». Valluy met ainsi en garde contre les dérives potentielles des politiques liées au libre accès et évoque la nécessité de penser un « tiers-état éditorial » offrant un libre accès à tous les savoirs, lequel n’est possible, selon l’auteur et pour reprendre ses termes, que par la dispersion et la diversification des supports et formats numériques de publications en «accès ouvert» assurant ainsi l’indépendance intellectuelle et le pluralisme des points de vue.

Pistes de modèle d’affaires pour NumeRev

16NumeRev est un projet de recherche-action, basé sur les préceptes du « constructivisme numérique » (Verlaet, 2015), dont l’ambition est de devenir un incubateur scientifique et un portail interdisciplinaire de ressources numériques vecteur de sciences ouvertes qui soit à la fois facilitant et innovant pour les parties prenantes, complémentaire et interopérable avec les dispositifs clés de la sphère informationnelle numérique française. Ce projet a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt4 en juin 2016, parallèlement à l’autre appel à projet de la MSH-SUD. Celui-ci nous a permis de mener des entretiens avec une dizaine d’acteurs scientifiques, de tous horizons disciplinaires, porteurs de projets en création ou établis, ainsi qu’avec des professionnels de l’édition, de l’information-documentation, du droit de la propriété intellectuelle et de l’informatique. Ces entretiens se poursuivent, mais les besoins et attentes exprimés nous ont déjà permis de redéfinir le projet initial en particulier dans sa dimension sociale, technique et économique. Nous entamons, depuis septembre 2016, une seconde phase mêlant in-formation des différents acteurs et d’échanges via des conférences-débats mensuelles articulées autour des axes thématiques de conception du projet NumeRev. Comme nous l’avons évoqué, nous sommes également en train de conduire une enquête quantitative sur les pratiques de rédaction et d’évaluation des articles scientifiques. Sur la base de ces échanges et des résultats de l’enquête, des séances de travail de type « crowdsourcing » sont menées avec l’équipe pilote interdisciplinaire du portail, ce jusqu’à la réalisation d’une version stable. Cela nous propulsera dans la troisième phase du projet : l’évaluation et l’amélioration du dispositif, où nous aurons recours aux éthnométhodes et aux enquêtes quantitatives.

17Concernant les livrables du projet NumeRev, un logiciel de gestion de contenu (CMS) sera développé et comprendra l’ensemble des étapes relatives à l’édition de la recherche. L’objectif principal de cet outil, outre sa finalité première de mise en visibilité et de valorisation des ressources scientifiques, est de faciliter voire d’automatiser certaines tâches liées aux processus d’évaluation et de diffusion des articles. Cet outil de publication sera gratuit pour les porteurs de projet s’engageant dans la voie du libre accès institutionnel, mais sera avec un abonnement annuel pour ceux qui en tirent des revenus. Les projets de publication étant indépendants, le nom de domaine et l’hébergement seront à discrétion et resteront à charge des éditeurs. Quel que soit le modèle économique des revues5 souhaitant profiter de ce CMS, le responsable de l’édition devra souscrire au contrat NumeRev, lequel l’engage à prendre part a minima aux fonctionnalités « domaines conceptuels » et « matériaux de recherche », et autorise le portail NumeRev à en moissonner les contenus qui de fait seront en accès ouvert et gratuit. Car NumeRev est un projet d’accès aux savoirs scientifiques qui ne s’intéresse non plus seulement aux entités revues ou articles mais également à l’univers encyclopédique scientifique (Chante & Verlaet, 2014). Ce CMS devra être le plus intuitif et le plus simple d’utilisation possible afin que tout un chacun puisse aisément le manipuler et se l’approprier. Afin d’en faciliter la compréhension, des tutoriels vidéos en libre accès seront développés, ne serait-ce que pour présenter et promouvoir l’outil. Des formations payantes en présentiel ou à distance pourront également être proposées pour les moins accoutumés aux technologies numériques. Pour les plus techno-hostiles ou ceux dont l’agenda ne permet pas d’administrer certaines tâches, des « services aux professionnels » payants seront assurés par des prestataires.

18Le second dispositif qui sera mis en œuvre est le portail NumeRev c’est-à-dire une plateforme qui capitalisera l’ensemble des projets de publication et leurs contenus grâce à une application autonome et interopérable avec de multiples systèmes informatiques. En ce sens, le portail ne sera pas restreint aux utilisateurs du CMS. Le portail NumeRev proposera à la fois un catalogue enrichi mais également une redocumentarisation des corpus valorisant les savoirs encyclopédiques scientifiques sous forme textuelle mais également via une cartographie interactive des connaissances. À l’instar du CMS, le portail sera gratuit pour les éditeurs en libre accès institutionnel et payant pour les autres car il constitue un formidable outil de promotion des contenus scientifiques. Le portail comportera aussi un espace utilisateur à visée de science ouverte qui servira à la fois de vitrine scientifique du chercheur, de bibliothèque numérique personnelle et intégrera un système de veille. Il n’est pas exclu que ce dernier soit sur abonnement au-delà d’une certaine capacité de stockage.

19Ce ne sont là bien entendu que des pistes d’un modèle d’affaires qui reste à formaliser. L’idée étant de promouvoir le libre accès sous toutes ses formes, tout en encourageant et accompagnant les projets de publications scientifiques en libre accès institutionnel. Car, au-delà des clivages économiques, c’est le projet de connaissances global qui motive l’équipe NumeRev, lequel sera en libre accès, un accès ouvert et gratuit à tous les savoirs encyclopédiques scientifiques.

Bibliographie

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Notes

1 À noter que certains éditeurs commerciaux refusent catégoriquement de fournir ces éléments aux professionnels de l’information.

2 « Libre accès aux résultats des travaux de recherche publique et autorisation de la fouille de textes et de données. Les résultats de travaux de recherche financés à plus de 50 % par des fonds publics pourront être mis en ligne en libre accès par leurs auteurs, après une période d’embargo de 6 à 12 mois. Cette mesure facilitera la libre diffusion de résultats de recherche dont la diffusion était auparavant restreinte et rendue payante par les éditeurs. Le projet de loi autorise également la fouille de textes et de données en ligne, une pratique essentielle dans le cadre de recherches en sciences humaines et sociales, qui était jusqu’à présent restreinte par les droits de propriété intellectuelle. » Loi pour une république numérique publiée au Journal Officiel du 8 octobre 2016.

3 Cette enquête n’étant à ce jour pas achevée, il convient de considérer ces tendances avec prudence. Cette enquête quantitative est conduite depuis début décembre 2016, toutes les disciplines du CNU et certaines autres ont été ciblées. Les tendances avancées sont basées sur un échantillon totalisant 431 réponses.

4 https://www.languedoc-roussillon-universites.fr/images/recherche/6-Appel-a-manifestation-interet-pour-projet-NumeRev.pdf

5 Nous parlons de revues mais cela pourrait être également des collections, des actes de colloques ou toutes autres formats d’édition scientifique.

Pour citer ce document

Lise Verlaet, «Modèles d’affaires de l’open access. Réflexions autour du projet Numerev», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 13-Varia, DANS L'ACTUALITÉ,mis à jour le : 08/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=319.

Quelques mots à propos de : Lise Verlaet

LERASS-Céric, Université Paul-Valéry Montpellier