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MONDE PROFESSIONNEL, FORMATION

Aurélia Lamy

Les associations d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants et a la création d’entreprise. L’exemple de campus Audace
Entretien avec Didier GESP, co-directeur d’Audace

Article

Texte intégral

1En marge des hubhouses qui se sont largement développés dans les universités ces dernières années, des associations d’aide à la création d’entreprise ont vu le jour. Afin de mieux comprendre leur rôle et leur place dans le réseau régional d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants, nous avons choisi de nous entretenir avec Didier Gesp, créateur d’entreprise et co-directeur d’Audace1.

Pourriez-vous présenter votre association ?

J’ai créé l’association Audace en 2007, c’est une association de chef d’entreprises qui a pour objectif de former de futurs chefs d’entreprises. Les personnes concernées sont dans un premier temps les cadres demandeurs d’emplois qui ont envie d’entreprendre mais qui n’ont pas de projet défini, et très vite nous avons été repérés par le Conseil régional dans ses objectifs économiques de promouvoir l’entreprenariat sur tous les publics du Nord Pas-de-Calais. Il nous a notamment demandé de repenser une action en direction des universités publiques du NPDC. Ainsi nous avons monté un axe qui vise à former les formateurs des universités publiques et les étudiants. Aujourd’hui Audace dispose de 140 intervenants, officiant à Lille, Amiens, Paris, à la Réunion et en Martinique.

À partir de quel moment avez-vous commencé à tisser ce lien avec l’université ?

Cela remonte à beaucoup plus loin que la création d’Audace finalement. Lorsque j’ai créé ma première entreprise à 27 ans, j’ai été accompagné par un réseau qui s’appelle Réseau Entreprendre : ce sont des chefs d’entreprises bénévoles qui accompagnent de futurs chefs d’entreprises, j’en ai été le président puis membre du bureau national, et c’est là que j’ai eu l’idée de créer Audace après avoir participé étroitement à la première édition du Salon Créer. Dans ce cadre, j’ai toujours été identifié comme un chef d’entreprise au service de l’entreprenariat et c’est notamment ce qui a plu au Conseil régional et aux universités dans lesquelles j’ai toujours été présent – notamment à Paris où j’ai fait un troisième cycle à l’Institut de la mode et où je suis aujourd’hui professeur associé. J’ai également eu l’occasion de tisser ce lien lors de mes témoignages dans les universités en tant que chef d’entreprise depuis 20 ans. Ce qui a été formalisé ensuite, c’est une action concrète, tripartite entre Audace, le Conseil régional et les hubhouses pour pouvoir porter encore plus loin et plus profondément le message entrepreneurial dans les universités publiques. Globalement nous touchons tout type d’étudiants, plutôt des étudiants au début de la licence 3 ou juste avant la licence 3, on peut dire bac + 2 jusqu’à bac + 5 voire + 7.

En termes de domaines, y-a-t-il des domaines où vous sentez les étudiants plus sensibilisés/concernés par les problématiques entrepreneuriales ?

Les domaines sont aussi égalitaires dans la mesure où l’entreprenariat c’est d’abord une aventure humaine, intellectuelle qui ne dépend pas forcément des compétences acquises dans les universités, et notamment au niveau technique, mais surtout d’une posture, de bon sens, d’une volonté d’y aller et en cela tous les étudiants sont touchés.

Pourriez-vous citer quelques unes des actions que vous mettez en œuvre à destination des étudiants ?

Les hubhouses se concentrent, et c’est cela leur spécificité, sur l’amont de la filière c’est-à-dire la sensibilisation : ils cherchent donc dans un premier temps à susciter l’envie. Une fois qu’on a l’envie il faut trouver des idées, là on touche davantage à la créativité. Puis la 3ème étape consiste à formaliser le projet, on commence alors à parler d’étude de marché, de validation technique, administrative, humaine. La 4ème étape c’est l’accompagnement : une fois que je suis porteur d’une idée, j’ai commencé à trouver mes premiers clients, là je suis accompagné par un certain nombre d’acteurs qu’on appelle des incubateurs par exemple ; l’ultime stade étant le développement, en effet au bout de quelques années on a besoin de financer sa croissance et d’obtenir des ressources supplémentaires. L’association Audace se concentre surtout sur la sensibilisation, la créativité et la formalisation des projets.

Ce qui se fait concrètement sur le terrain, ce sont des petits modules de 2/3h, parfois 4h, des modules mis en place dans notre laboratoire de recherche et développement qui constituait Audace à l’origine. À cette époque nous touchions davantage les cadres au chômage et nous avons alors développé beaucoup d’ateliers inédits notamment la thématique de la créativité. Aujourd’hui nous proposons 10 modules sur ce sujet, nous avons également des modules de formalisation qui permettent de poser des mots clairs sur un projet pour pouvoir accéder à des réseaux et très vite entamer les démarches de validation de projet.

Quels sont vos partenaires ?

D’abord le Conseil régional au niveau du Nord, ensuite la Fondation Entreprendre, qui nous a accompagnés au début pour lancer ce formidable mouvement. Maintenant nous avons 140 intervenants, 200 chefs d’entreprise sur le Nord, enfin, le réseau Entreprendre aussi qui fait partie des fondateurs d’Audace.

Concernant les enseignants, sont-ils des « leviers » vous permettant d’accéder au public étudiant ou les démarches des étudiants sont-elles plus personnelles ?

Ce que nous proposons ce sont uniquement des activités collectives, envers les enseignants c’est la même chose, quand on forme un collège d’enseignants, c’est toujours collectif. À chaque fois qu’Audace intervient auprès des étudiants il y a toujours un enseignant avec nous pour montrer que c’est un travail d’équipe, les enseignants et les chefs d’entreprise sont là pour se compléter les un et les autres, pour aider l’étudiant à trouver un travail ou créer son entreprise.

Pourriez-vous évoquer des réussites notables ?

On a des étudiants qui sont aujourd’hui chefs d’entreprise et qui ont démarré leur entreprise alors qu’ils n’étaient pas encore diplômés de leur université. Par exemple, un étudiant de l’université catholique de Lille qui a fait lors de sa césure en 4ème année de la sensibilisation puis de la formalisation, a ensuite été incubé par le hubhouse de la Catho qui s’appelle l’Institut de l’entreprenariat jusqu’à ce qu’il soit diplômé et vole aujourd’hui de ses propres ailes.

Pourriez-vous expliciter vos rapports aux hubhouses ?

Nous sommes ressource pour les hubhouses : ressource en hommes - pour pouvoir intervenir, ressource en pédagogie - par rapport aux ateliers que nous avons créés. Ces 2 ressources là, ils les utilisent quand ils veulent. Alors bien sûr le Conseil régional est très incitatif tant au niveau des hubhouses pour dire « utilisez Audace », que vers Audace pour dire « poussez un peu les hubhouses à plus vous solliciter ». Nous sommes vraiment ici dans un cercle vertueux. Il y a une relation très saine entre Audace et les hubhouses dans le sens où il n’y a pas de relation d’argent puisque c’est le Conseil régional qui « donne un ticket » annuel à Audace et cela contribue à une grande efficacité.

Avez-vous des liens avec les enseignants-chercheurs qui font partie du consortium entreprenariat ?

Bien sûr, on travaille notamment avec les doctoriales, un beau mouvement national et très actif dans le Nord. Ce sont des doctorants qui pendant une semaine viennent présenter leurs travaux de recherche, c’est l’occasion pour nous de faire un focus sur l’entreprenariat dans plusieurs domaines, où on interroge la capacité de leurs travaux à générer de la valeur ajoutée. Lorsqu’on travaille avec des étudiants ingénieurs notamment on est tout de suite branchés là-dessus, on va parler de produits innovants, de l’innovation, de Griffin, de la recherche d’excellence, des pôles de compétitivité… Tout cela est lié au travail d’Audace à destination des étudiants puisqu’il est important d’être tout à fait à jour vis-à-vis de la capacité d’opérabilité des travaux de recherche.

Selon vous un doctorant qui souhaiterait intégrer une entreprise privée peut constituer une plus value en matière de connaissances, de compétences ?

Evidemment c’est une valeur ajoutée très forte et dans des domaines qu’on n’attend pas comme des doctorants en philosophie qui sont embauchés à la banque par exemple. Pour que cela s’améliore, il faudrait mettre plus en amont, non seulement des actions comme ce que font les hubhouses avec le Conseil régional et Audace, mais également une porosité plus forte entre le milieu de l’entreprise et le milieu étudiant par des opérations très simples comme celle qu’on avait menée à l’Institut de l’entreprenariat qui s’appelle « Vis ma Vie » : l’étudiant post-bac va faire une découverte de l’entreprise pendant 3 jours et l’entreprise dans laquelle il est allé peut aussi venir partager les bancs de l’école. Ceci permet de mieux se connaitre, les uns et les autres, puisqu’il y a bien deux mondes qui doivent mieux se comprendre.

N’est ce pas également lié au fait que politiquement il y a aujourd’hui une réelle volonté de penser l’insertion professionnelle des étudiants ?

On peut plutôt parler d’un rendez vous de l’histoire, car c’est plus fort qu’une décision politique. Un rendez vous c’est plusieurs personnes. Tout d’abord l’Europe reconnaît que l’entreprenariat fait maintenant partie de l’université. Elle a donc imposé des crédits ECTS obligatoires si on veut figurer dans la fédération universitaire européenne. Ensuite, l’État a également poussé très fort dans ce sens en reconnaissant qu’il faut maintenant des représentations du monde économique dans les conseils d’administration des universités publiques à hauteur de 30 %. Il s’agit bien d’un réel acte politique qui a donné une impulsion depuis cinq ans au sein des universités. Concernant les régions, nous avons la chance d’avoir dans le Nord un Conseil régional très actif concernant l’entreprenariat. Il y a une rencontre historique dans le Nord, nous avons de très belles cartes à jouer, qui sont d’ailleurs en train d’être jouées très favorablement.

Notes

1 Audace est une association loi 1901, créée en 2006 par des chefs d’entreprise. Elle « forme et prépare les personnes ayant envie d’entreprendre sans avoir de projet défini » (http://www.campus-audace.com/qui-sommes-nous.aspx).

Pour citer ce document

Aurélia Lamy, «Les associations d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants et a la création d’entreprise. L’exemple de campus Audace», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 12-Varia, MONDE PROFESSIONNEL, FORMATION,mis à jour le : 11/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=472.