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Laurence Balicco

Axe 4
Connaissances, information, documents

Éditorial

1L’axe de recherche Connaissances, Information, Documents a rejoint le Gresec en 1993, devenant ainsi le quatrième axe du laboratoire et complétant les recherches menées dans les autres axes par des travaux prenant place dans les sciences de l’information. Cet axe se nommait précédemment CRISTAL (pour Connaissance, Recherche d’information, Interface et Systèmes de Traitement Automatique de la Langue). Nous inscrivant dans la lignée des thématiques de recherche qui se développaient alors tant à l’échelle nationale qu’internationale, nous orientions alors nos recherches selon trois objets d’études, représentatifs des intérêts et compétences des membres fondateurs de cet axe :

  • Le traitement automatique de la langue ;

  • La représentation des connaissances ;

  • La recherche d’information.

2La particularité de cet axe est d’avoir dès son origine rassemblé des chercheurs issus de disciplines différentes : sciences de l’information et de la communication, bien sûr, mais aussi informatique, sciences du langage, psychologie en particulier. Nous nous sommes toujours appuyés sur cette diversité disciplinaire et avons pensé nos recherches en complémentarité, travaillant en totale synergie.

3Au début des années 2000, nous avons fait le constat d’une évolution des différentes recherches menées au sein de l’axe, évolution en lien avec les changements de la discipline et plus spécifiquement des sciences de l’information. Ainsi, le traitement automatique de la langue n’était plus pour nous un thème de recherche indépendant mais devenait un domaine d’application. Nous avons par ailleurs identifié une utilisation d’outils de traitement de la langue dans le cadre de la représentation des connaissances ou de la recherche d’information, particulièrement de l’information spécialisée. Il nous a alors paru essentiel de faire également évoluer la dénomination de l’axe afin qu’elle reste représentative de nos nouvelles thématiques de recherche et contribue à une meilleure visibilité de nos travaux. C’est ainsi que nous avons fait le choix de nommer notre axe « Connaissances Information Documents ».

4Nous avons décidé d’appuyer le développement scientifique de cet axe sur la mise en œuvre de trois programmes de recherche, orientations de recherches en lien avec notre domaine de réflexion.

5Le premier programme de recherche s’intitule « recherche d’information : modélisation et usages ». L’activité de recherche d’information est étudiée ici du point de vue des usages et des traitements de l’information. Nous nous basons sur le constat que les pratiques informationnelles et les attentes des individus en matière d’accès à l’information sont influencées notamment par le contexte professionnel et l’expertise de l’individu, qu’il s’agit d’identifier et de formaliser. La modélisation des « besoins » d’information et des comportements permet d’envisager une adaptation des outils et des dispositifs de recherche d’information à des contextes, objectifs… spécifiques.

6Le deuxième programme de recherche porte sur l’« information spécialisée : médiatisation et pratiques professionnelles ». Le développement des technologies numériques accompagne des mutations importantes de l’information spécialisée : les circuits de production, de validation et de diffusion sont reconfigurés ; l’élargissement des formes de médiatisation va de pair avec une évolution de la forme et du contenu de ces informations ; l’ancrage dans les pratiques professionnelles (en termes de production et d’usages) est également à repenser. L’approche de ces questions sous l’angle de la médiatisation permet d’observer des mutations émergentes et de dégager des récurrences au-delà des spécificités d’un champ professionnel ou d’un autre.

7Enfin, le troisième programme de recherche concerne la « représentation des connaissances en contexte professionnel ». La représentation des connaissances constitue un enjeu important pour la mise en œuvre de dispositifs informatisés de gestion des connaissances, en particulier dans le milieu professionnel. La modélisation des connaissances véhiculées par le discours est ainsi essentielle pour la description et la production automatiques de documents, mais également pour d’autres formes de communication médiatisées (forums, messageries, wikis, etc.). La réflexion sur ces sujets permet d’affiner les traitements possibles, de s’interroger sur les difficultés de modélisation de la notion de sens, et de comprendre l’ancrage des connaissances dans les pratiques et les dispositifs organisationnels.

8Nous avons choisi d’inscrire (entièrement ou en partie) l’intégralité de nos travaux et actions de recherche actuels dans le champ de l’information spécialisée, domaine dans lequel nous travaillons depuis de nombreuses années et dans lequel nous avons construit une expertise scientifique. Nous distinguons les notions d’« information spécialisée » et d’« information professionnelle » (destinée à des usagers, dans un contexte de travail), en considérant une information qui dépasse le cadre de la seule diffusion professionnelle et se retrouve dans de nouveaux dispositifs informationnels, donnant naissance à de nouvelles pratiques informationnelles avec des acteurs dont le niveau d’expertise se révèle variable. Pour étudier cette information spécialisée, nous avons en particulier identifié le rôle du contexte professionnel, au sein duquel des tâches sont à accomplir, dans un objectif d’accès à une information spécialisée et mesuré les enjeux inhérents à cet accès (enjeux sociaux, économiques, stratégiques…). Avec le développement des sources d’information, en particulier numériques, ce domaine scientifique développe de nouveaux enjeux stratégiques dans un environnement professionnel, social… enjeux auxquels il convient de s’intéresser pour apporter des éléments de réflexion aux questions de production, de traitement, de diffusion, de réception et d’accès à cette information.

9Ce positionnement scientifique nous amène à associer différentes méthodologies scientifiques (analyse de corpus, analyse de contenu, analyse de pratiques informationnelles, analyse de contextes), qui se révèlent complémentaires.

10Nous avons au cours de nos recherches fait le choix de ne pas adopter une posture que nous pourrions qualifier de « technique » pour privilégier le questionnement lié à l’accès à l’information, les conditions d’utilisation du dispositif informationnel…

11Le détail des recherches au sein de l’axe Connaissances, Information, Documents, peut être fait au travers de la présentation de réflexions menées et résultats obtenus.

12En premier lieu, la question des usages et des pratiques informationnelles constitue une réflexion clé dans le contexte scientifique de l’information. Nous avons voulu la placer au cœur des recherches menées au sein de notre axe. Cet aspect a été abordé sous l’angle des contraintes ou des facteurs qui influencent les activités informationnelles, afin de les analyser, les comprendre et favoriser l’accès à l’information voire l’utilisation de dispositifs informationnels. Il convenait pour cela de trouver des domaines d’application porteurs ou significatifs. Dans cet objectif, les études conduites ont été appliquées dans différents domaines comme ceux de la santé, de la littérature (en étudiant des documents anciens comme des manuscrits littéraires ou des articles de presse illustrée), ou de la littérature scientifique, en particulier. Ces différents contextes ou domaines d’application nous ont permis de constater à la fois l’existence et la multiplicité de pratiques informationnelles, que nous voulons comprendre et analyser. Au-delà de résultats d’études spécifiques à des contextes professionnels variés (auprès de médecins, de littéraires, d’historiens ou de chercheurs…), nous avons mis en perspective ces résultats en vue de construire une vision plus globale des pratiques informationnelles liées à une information spécialisée.

13Les activités informationnelles recouvrent plusieurs tâches comme l’interrogation de ressources, la consultation de documents, l’annotation ou la production d’information. Nous posons plus spécifiquement la question des usages et des pratiques dans l’interaction avec l’organisation des connaissances, leur représentation et les techniques associées (indexation, construction de thesaurus, ontologie…). L’organisation des connaissances fait depuis de nombreuses années l’objet de multiples recherches dans notre discipline, parmi lesquelles certains travaux ont comme enjeu l’élaboration de formalismes particuliers, ou l’identification et la description de connaissances au sein de ces formalismes. Notre démarche est positionnée dans une perspective d’identification des connaissances formalisées, de leur analyse, de l’étude des conséquences des choix stratégiques de formalisation des connaissances lors de l’appropriation de ces éléments par les usagers.

14Ce positionnement scientifique nous permet donc d’aborder la question de l’organisation des connaissances en la liant à la thématique centrale de notre axe que constitue la réflexion sur les usages et les pratiques informationnelles.

15En second lieu, nous avons valorisé les réflexions menées sur l’information et les résultats obtenus, en ciblant l’information professionnelle. Un ouvrage collectif co-dirigé par Céline Paganelli et Viviane Clavier et rassemblant des contributions originales sur l’information professionnelle, abordée dans ses diverses dimensions, afin d’en cerner les contours et les enjeux scientifiques pour notre discipline est paru en 20131.

16Les apports théoriques et méthodologiques des travaux de l’axe sont principalement :

  • Une réflexion épistémologique et conceptuelle sur des notions ou des processus socio-techniques : information professionnelle, organisation des connaissances, activités informationnelles ou ancrage des TIC ;

  • La mise en œuvre de différentes méthodes (collecte de données, observation de pratiques et recueil d’entretiens) destinées à appréhender les usages et les pratiques dans un contexte social et technique large.

17Les travaux menés au sein de l’axe se sont notamment appuyés sur différentes recherches commanditées telles que Métilde (Manuscrits, Éditions, Technologies de l’Information, Linguistique et Document Électronique), structure fédérative université Stendhal ; CaNu19 (les canards numériques du XIXe), Cluster 13 « Culture, patrimoine et création », ANR Scientext « un corpus et des outils pour étudier le positionnement et le raisonnement de l’auteur dans les écrits scientifiques » ; l’étude de la médiatisation de l’information de santé, Cluster 14. Ils ont donné lieu à l’organisation de différentes manifestations : un colloque (« Changements technologiques, mutations organisationnelles et information professionnelle : pratiques, acteurs, documents », les 10 et 11 décembre 2009 à l’Université Stendhal Grenoble3) et deux journées d’études(« Formes de mise en visibilité des manuscrits littéraires. Questionnements professionnels et scientifiques », organisée par le Gresec en partenariat avec le Lidilem, Traverses 19-21 et la bibliothèque d’étude et du patrimoine de Grenoble, le 3 avril 2014 à l’Université Stendhal ; « Regards croisés sur la mise en ligne et la valorisation de la presse XIX-XXI organisée les 6 et 7 mai 2010 par le Gresec (Grenoble 3), Elico (Lyon1) et la Bibliothèque Municipale de Lyon dans le cadre du cluster 13 « Culture Patrimoine et création », projet « corpus numérique » à la bibliothèque municipale de Lyon).

18Le projet scientifique actuel développé au sein de l’axe « Connaissances, Information et Documents » réaffirme notre volonté de rester centrés sur l’étude de l’information spécialisée, son accès, ses usagers. Plusieurs objets d’étude sont présents dans les recherches de l’axe, parmi lesquels le rôle du contexte dans l’accès à l’information, les pratiques informationnelles existantes, le rôle et la place des différents acteurs dans les processus d’accès à l’information, leur représentation des dispositifs… Dans un environnement technologique en constante évolution, l’objectif principal de nos recherches est de comprendre et d’analyser plus particulièrement les enjeux sociaux, économiques, stratégiques ainsi que les politiques publiques qui émergent dans la conception et l’utilisation de dispositifs d’accès à l’information spécialisée.

19Cette perspective permet de développer une approche critique de ces innovations techniques. Mais nous souhaitons aussi poursuivre notre inscription dans une dynamique disciplinaire au travers du questionnement d’objets scientifiques tels que l’information spécialisée ou le document. L’enjeu de nos travaux est la détermination des contours de l’information spécialisée et de l’influence du contexte et du dispositif d’accès à l’information sur l’usage et la représentation de celle-ci.

20Dans la continuité des recherches menées depuis des années au sein de cet axe thématique et afin de nourrir les réflexions et avancées scientifiques dans l’axe, nous appuierons nos travaux futurs sur deux actions de recherches. La première de ces actions a comme objectif d’interroger l’organisation et l’accessibilité des dispositifs numériques et leur interaction avec l’usager. La seconde action poursuivra les études déjà menées sur l’information professionnelle et ses contextes de production, utilisation, diffusion.

21Ces actions convergent vers des problématiques liées à notre positionnement scientifique et traitant entre autres de l’organisation de connaissances dynamiques, de pratiques et usages informationnels et d’évolution du rôle des acteurs impliqués dans les processus de conception, traitement, accès, diffusion… de l’information spécialisée

22http://rfsic.revues.org/1012

Notes

1 Clavier Viviane, Paganelli Céline (sous la dir. de), L’information professionnelle, Paris, Lavoisier Hermès Sciences Publications, 2013, 243 p. (Systèmes d’information et organisations documentaires).

Pour citer ce document

Laurence Balicco, «Connaissances, information, documents», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 11-Varia, DOSSIER, > Axe 4,mis à jour le : 17/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=536.