Aller la navigation | Aller au contenu

DOSSIER

Le séminaire transversal du GRESEC : la « participation » au regard des SIC

Article

Texte intégral

1L’unité de recherche se dote d’un séminaire transversal à l’ensemble des axes qui a plusieurs objectifs : disposer d’une approche commune de ce thème, favoriser la connaissance des uns et des autres dans une période de renouvellement des chercheurs-es, être un lieu de discussion scientifique et de mutualisation d’auteurs et de concepts. Plutôt qu’une liste de résumés correspondant aux interventions successives, voici les principaux acquis du séminaire suivi d’un éclairage spécifique concernant la participation dans ses relations avec l’art et la culture.

2L’extrême variété et même la plasticité des emplois du terme de « participation » renvoient à des situations fort différentes mais dont le point commun repose sur le discours volontariste de certains types d’acteurs. Un rappel historique montre que le terme a changé progressivement de sens et recouvre maintenant des notions et des actions très diverses, qui concerne plusieurs disciplines en sciences humaines et sociales. Replacer la notion dans son contexte d’apparition souligne l’extrême perméabilité du terme : désignant une activité qui consiste à prendre part à une décision et à s’intégrer dans une action collective, elle prend dès son origine une orientation politique qui est progressivement gommée (même si elle demeure présente). La notion a changé progressivement de sens pour recouvrir des dimensions pas seulement politiques (accolée aux notions de concertation, délibération et démocratie) liées plus à la sociabilité (coopération, collaboration, co-production…). Du même coup, la notion touche aux formes de publicisation et de médiatisation, mais aussi aux formes marchandes de l’industrialisation de la communication, de l’information et de la culture, aux pratiques des réseaux sociaux numériques ainsi qu’aux dispositifs d’information.

3La dimension toujours positive de la notion met en évidence une conception du lien social mais également construit la figure d’un usager actif. Elle nécessite une approche distanciée du fait même que le terme dessine en creux une critique des structures et des institutions et tend à négliger la grande hétérogénéité des activités participatives et leur caractère le plus souvent discriminatoire, que les usages du web « collaboratif » donnent l’impression de renouveler.

4S’il existe bien des pratiques participatives, elles ne peuvent donc être étudiées sans l’analyse des stratégies de groupes (politiques, culturels, sociaux ou marchands) qui, sous couvert de discours prônant l’initiative, mettent en place des actions fines « d’enrôlement » des individus. En cela, l’étude des dispositifs est nécessaire : ils indiquent en effet la manière dont sont tout à la fois proposés des systèmes « ouverts » devant favoriser l’expression des individus qui reposent cependant sur un processus technique d’encadrement des paroles et des interventions. Il s’agit bien, pour les chercheurs, de prendre en compte avec précision les modalités mises en œuvre pour contrôler les différentes formes de participation.

5La place des « amateurs » a concentré une partie des travaux des chercheurs en sociologie ou en information-communication, comme si une figure nouvelle apparaissait. Les recherches menées au sein du Gresec et en particulier dans le domaine de la presse montrent que d’une part les amateurs tendent à s’aligner sur des modèles professionnels, d’autre part sont intégrés dans des stratégies professionnelles (les journalistes) et éditoriales (les positionnements éditoriaux mais également l’économie des journaux). Dans de nombreux secteurs, la participation pose la question de la professionnalisation. C’est en effet un nouveau secteur qui se retrouve par exemple au sein des collectivités territoriales. L’expérience dans les pratiques participatives peut ainsi se transformer en capital et donner lieu à l’accès au monde professionnel : le « bénévole » pour reprendre un terme plus classique du vocabulaire associatif dispose également de stratégies d’insertion professionnelle. La situation n’est pas nouvelle, elle a été déjà soulignée dans le cadre du journalisme ou de l’animation culturelle. Le thème de la participation favorise l’émergence de nouveaux secteurs professionnels, qui peuvent donner lieu à des stratégies de diversification d’un champ professionnel pré-existant tout comme offrir une opportunité à l’individu qui transforme son expérience en compétence reconnue. Cependant sur les relations entre amateurs et professionnels, il convient de garder une prudence selon les secteurs étudiés. Dans le domaine culturel par exemple, les artistes recherchent rarement des amateurs de bon niveau dans le domaine artistique qui est le leur, sauf s’il s’agit d’amateurs dans un domaine original, ou qui relève de la culture populaire : modélisme ferroviaire, broderie, karaoké, danse de salon, culturisme, etc. L’engouement actuel pour les dispositifs participatifs ne sert donc pas de vecteur à un rapprochement entre amateurs et professionnels, bien au contraire, et sert souvent de soubassement à un discours qui, confondant amateurs et figurants inexpérimentés, renvoie les amateurs à leur ignorance et à leur manque de talent supposés et les maintient en dehors du champ culturel.

6La participation est envisagée comme une co-production de contenus (dont l’un des exemples est Wikipédia) ou une collaboration collective. C’est aussi l’entrelacement d’échanges de type différent comme dans les forums : témoignages, informations scientifiques, informations pratiques, conseils, interpellations se succèdent ou se retrouvent sur un même forum. Ces types se trouvent également dans la presse mais ils sont identifiés et classés selon les rubriques. Le fil de discussion repose sur une absence de rubricage, et s’organise non plus à partir du classement constitué par la presse, depuis plusieurs dizaines d’années. La question est alors de savoir quel est le statut de l’auteur.

7Enfin la participation (et participation des publics à la conception de produits médiatiques) induit une interdépendance réciproque dont les acteurs ne sont pas forcément conscients ; cependant, cette dernière détermine le substrat culturel dans lequel nous vivons. Aux contraintes de fabrication, inhérentes au dispositif du journal télévisé, s’ajoutent celles du milieu culturel et des standards en vigueur à une époque et dans une société données. Ainsi, les contraintes internes à l’instance médiatique entraînent la création de produits standardisés qui nourrissent les systèmes symboliques de la société et qui, par retour, dans un mouvement systémique, influencent les imaginaires et les choix d’images lors de la réalisation d’un reportage. Les premiers et les plus soumis aux images, stéréotypées, des journaux télévisés demeurant leurs propres créateurs.

Pour citer ce document

, «Le séminaire transversal du GRESEC : la « participation » au regard des SIC», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 11-Varia, DOSSIER,mis à jour le : 17/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=541.