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DOSSIER

Benoît Lafon

Sciences de l’information et de la communication et interdisciplinarités radicale : le projet cogis, communication, géosciences, inondations, séismes.

Article

Texte intégral

1Le projet financé CoGIS (acronyme de Communication, Géosciences, Inondations, Séismes), obtenu auprès du CNRS en 2013, s’est intéressé à l’évolution de la construction sociale de catastrophes par des méthodologies pluridisciplinaires (sciences de l’information et de la communication – Gresec, sismologie – ISTerre et hydrométéorologie – LTHE). Empiriquement, il s’est agi de réaliser une étude comparée de séismes et d’inondations au cours des 50 dernières années, à travers une approche croisant différentes échelles spatio-temporelles, avec une focalisation sur deux terrains actuels (séisme de L’Aquila ; crues du Gard). Là résidait l’intérêt d’un tel projet, dans une perspective parfois qualifiée d’« interdisciplinarité radicale », qui consiste à croiser et à coordonner des approches disciplinaires fortement distinctes dans une méthodologie commune afin d’étudier un objet commun.

2L’objectif premier du projet CoGIS a été ainsi de définir une approche et une méthodologie interdisciplinaires, au croisement des géosciences (sismologie, hydrométéorologie) et des SIC (sciences de l’information et de la communication). Le parti pris a été de considérer que les événements médiatiques (caractérisés par des productions), comme les événements géophysiques, peuvent être pensés en fonction de leur étendue, de leur temporalité. Ceci a amené l’équipe du projet, constituée de sismologues, hydrométéorologues et chercheurs en SIC, à constituer une approche fondée sur des échelles spatio-temporelles.

3Pour les SIC, 3 niveaux partiellement superposés de productions médiatiques ont été identifiés : à une échelle spatio-temporelle réduite (niveau local-synchronique) se trouvent les productions journalistiques immédiates du quotidien, à une échelle intermédiaire des productions principalement journalistiques intégrant une dimension mémorielle ou d’analyse a posteriori (mix de productions journalistiques et médiatiques avec recul sur l’événement, de type magazine et documentaire) et enfin à une échelle supérieure, des productions médiatisées macro-culturelles (productions essentiellement artistiques et industrielles de type documentaire ou fictionnel).

4Parallèlement à ces échelles en SIC, des échelles comparables ont été identifiées en hydrométéorologie (de la crue rapide aux événements saisonniers puis au climat) et en sismologie (du séisme aux récurrences sismiques puis à la tectonique). Cette recherche d’approches croisées d’objets communs, à savoir l’événement catastrophique, s’est déroulée en deux temps, correspondant au double objectif du projet CoGIS :

  • définition de concepts communs aux géosciences et aux SHS : mise en parallèle et établissement de liens entre les échelles spatio-temporelles des événements géophysiques et socio-discursifs ;

  • production et croisement d’indicateurs en géosciences et en SIC, afin de penser les dynamiques d’échanges entre les occurrences géophysiques et les occurrences sociales, et entre les diverses échelles.

5Au terme de cette démarche exploratoire, trois diagrammes ont été construits de manière coordonnée : un diagramme des dynamiques géophysiques (sismologie et hydrométéorologie en l’occurrence) ; un diagramme regroupant des dynamiques sociales (étudiées par l’hydrométéorologie concernant les crues par exemple, ou les SIC concernant les problématiques de communication publique) ; un diagramme des dynamiques médiatico-culturelles, regroupant les productions médiatiques « grand public » destinées aux populations (concept des géosciences), qui sont aussi des publics (concept des SIC). En définitive, deux grandes catégories de productions médiatiques ont été considérées, dans leur croisement avec les événements géophysiques : les productions in vivo (reportages de journaux télévisés relatifs à certains événements catastrophiques, crues et séismes, vidéos postées sur YouTube) et les productions a posteriori (magazine et documentaire télévisé traitant a posteriori de certains événements catastrophiques, productions documentaires spécifiques analysées, telles que les films de Haroun Tazieff). Les éléments analysés furent les suivants :

  • productions journalistiques immédiates : analyse quantitative sur les jours suivants une catastrophe de sa médiatisation par les journaux télévisés, par youtube et par les publications de Web journalisme. Plusieurs tableaux croisés dynamiques ont ainsi été construits afin de dégager des indicateurs quantitatifs de couverture médiatique. Ces indicateurs ont été ensuite croisés avec des données géophysiques (exemple de données croisées : nombre de reportages / pluviométrie). Ceci a permis de caractériser la résonance médiatique à la suite des événements géophysiques, et donc de mieux comprendre la dynamique des événements sociaux.

  • productions médiatiques a posteriori : construction de deux corpus relativement fermés pour saisir comment une mémoire sur les catastrophes se met en place, à la télévision et sur les sites de vidéo en ligne. Pour la télévision, établissement d’un corpus sur la base des archives de l’Ina regroupant les magazines et documentaires diffusés depuis les années 1950, abordant la question des séismes et des inondations. Un second corpus, centré sur le temps long et la production artistique, a été construit autour des documentaires réalisés par Haroun Tazieff, ce qui a permis de mettre à jour des questions importantes sur la conservation et la mise en valeur de ce fonds documentaire patrimonial, largement inexploité jusqu’à ce jour.

6Au final, un tel projet interdisciplinaire permet de développer la compréhension des intermédiations entre l’événement géophysique et ses traductions info-communicationnelles, et de mieux relier la question du social à son infrastructure physique (géophysique en l’occurrence). Il s’agira dans une phase ultérieure du projet d’identifier les dynamiques sociales multiples à l’œuvre lors d’un événement catastrophes. Il s’agira notamment d’identifier un certain nombre d’intermédiaires entre l’occurrence géophysique et les occurrences médiatiques qui en découlent. Ce faisant, on pourra mieux caractériser la construction sociale des « catastrophes ».

Pour citer ce document

Benoît Lafon, «Sciences de l’information et de la communication et interdisciplinarités radicale : le projet cogis, communication, géosciences, inondations, séismes.», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 11-Varia, DOSSIER,mis à jour le : 17/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=549.