FORMATION, MONDE PROFESSIONNEL
Consortium entrepreneuriat : le pilotage de six actions de recherche en Nord-Pas-de-Calais
Table des matières
Texte intégral
1Dès le début des années 2000, le Conseil Régional NPDC a initié une politique de développement de la recherche en entrepreneuriat. Sa volonté actuelle est de la renouveler et de l’amplifier. Ainsi en 2013 la région Nord-Pas-de-Calais est la première région française récompensée par le label « Région européenne entrepreneuriale ». Ce label, instauré en partenariat avec la Commission européenne, est attribué aux régions de l’Union Européenne qui, « quelles que soient leur taille, leur richesse ou leurs compétences, se distinguent par des visions entrepreneuriales d’exception ». Dans ce contexte, plusieurs équipes régionales de chercheurs en entrepreneuriat se sont constituées en un consortium placé sous l’égide de l’IAE Lille. Le consortium rassemble une trentaine de chercheurs de neuf établissements de la région autour de six actions de recherche.
Pourquoi faire de la recherche en Entrepreneuriat ?
Avec le développement des entreprises existantes et l’implantation d’entreprises extérieures, la création est la troisième grande source d’emplois. La recherche en entrepreneuriat se doit donc de questionner les modalités économiques du développement de notre région, ainsi que les politiques publiques qui y sont déployées. Les résultats attendus sont susceptibles d’avoir de nombreuses répercussions pratiques et d’orienter à ce titre les stratégies de politique économique, notamment dans le cadre de la Stratégie Régionale Initiatives et Entrepreneuriat (SRIE). Bien plus qu’un observatoire compilant données et statistiques, le Consortium Entrepreneuriat a pour ambition de produire une recherche multidisciplinaire, en grande partie qualitative et longitudinale, sur des terrains régionaux variés, et tournée vers les acteurs impliqués. Les problématiques qui animent le champ de l’entrepreneuriat sont nombreuses et sans cesse enrichies. Elles portent sur la personne de l’entrepreneur, son accompagnement, le processus entrepreneurial, la sensibilité à l’esprit d’entreprise, les politiques publiques, etc. La pluralité des thématiques atteste l’importance des enjeux pour une société en mouvement.
Au sein de l’université de Lille 1, l’IAE Lille est un pôle majeur de recherche et de formation au management. Espace de compétences et de projets, vivier des futurs acteurs de l’économie, l’IAE est également un centre de ressources pour les cadres, les entreprises et la cité. À Lille, il accueille plus de 2 000 étudiants en formations initiale, continue ou en alternance. Il leur propose plus de trente parcours pédagogiques, avec pour dessein de former des experts dans les différentes disciplines de gestion (marketing, finance, audit, gestion des ressources humaines, management par projets, entrepreneuriat). La recherche en entrepreneuriat y est soutenue, en lien notamment avec le laboratoire Lille Économie et Management (UMR CNRS). Les initiatives entrepreneuriales font l’objet d’accompagnement dans le cadre de cursus diplômants dédiés, de type licence professionnelle ou master, ainsi que dans l’antenne du HubHouse présente au sein de l’Institut.
Coordonner l’action de l’ensemble des partenaires autour de six programmes de recherche
2Le Consortium Entrepreneuriat regroupe des chercheurs de Lille 1, Lille 2, Lille 3, de l’UVHC, l’ULCO, la FUPL, de l’École centrale de Lille, HEI et Skema, rattachés aux laboratoires régionaux, LEM, CLERSE, CEL.LAB, CIREL, GERIICO, C3E en collaboration avec des partenaires tels que l’Université de Louvain la Neuve, l’Université Laval de Québec, l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne…
3Les six programmes de recherche sont présentés ci-dessous.
G2R2H. Les HubHouses des universités du Nord-Pas-de-Calais : Publics, dispositifs d’appui, effets induits
4Équipe de recherche : LEM – UMR 8179 (sciences de gestion), CIREL – EA 4354 (sciences de l’éducation), GERIICO – EA 4073 (sciences de l’information et de la communication)
5En matière de développement de l’entrepreneuriat auprès des jeunes et plus particulièrement des étudiants, les HubHouses sont des espaces d’initiatives et de projets portés par le Conseil Régional et les établissements universitaires régionaux. Ils ont un rôle de catalyseur et de développement d’idées pour les étudiants : que s’y joue-t-il alors en termes d’accompagnement, d’effets sur les étudiants et sur leur trajectoire personnelle et professionnelle ? La recherche poursuit plusieurs objectifs. Elle vise à :
6Mieux connaître les publics des Hubhouses, i.e. comprendre les enjeux professionnels des étudiants qui les intègrent, avec quelles attentes et dans quelles perspectives professionnelles.
7Cartographier l’offre d’accompagnement dispensée par chacun des Hubhouses en région et identifier l’influence de l’environnement institutionnel et des dispositifs d’accompagnement existants.
8Concevoir et expérimenter des outils et des méthodes adaptées au fonctionnement des Hubhouses, tout en développant des interfaces avec l’ensemble des actions engagées au titre de l’entrepreneuriat et de l’insertion professionnelle.
9Évaluer les effets induits par l’existence des Hubhouses, en étudiant la transformation des perceptions, des postures, des apprentissages réalisés jusqu’à l’entrée dans la vie professionnelle.
10De manière transversale, cette étude doit contribuer à construire un lien entre les pratiques pédagogiques des enseignants et enseignants-chercheurs, notamment dans le cadre de cursus diplômants, et les prises d’initiative économique des étudiants.
AIECA : Acteurs de l’Initiative Économique et de la Création d’Activités. Comprendre la dynamique de l’entrepreneuriat solidaire, alternatif, contributif.
11Équipe de recherche : LEM – UMR 8179, CLERSE – UMR 8019, Université Catholique de Louvain, CoRoutine et Imagination For People
12Le dessein de cette recherche est de comprendre la prise d’initiative économique dans le contexte de l’économie solidaire et contributive, les processus sociaux qui contribuent à ces prises d’initiatives, ainsi que les formes d’organisation collective, les lieux et dispositifs qui les facilitent.
13Les dispositifs d’aide et d’accompagnement actuellement les plus connus et soutenus par les pouvoirs publics focalisent leurs actions et en évaluent l’impact en relation avec des grandes catégories sociales (les jeunes, les femmes, les territoires). Ils privilégient des démarches individuelles et laissent dans l’ombre des acteurs collectifs et des formes d’action intermédiaires qui correspondent à des communautés réelles, professionnelles ou relationnelles, plus ou moins identifiées et organisées en tant que telles. Ces acteurs collectifs constituent pourtant des milieux potentiellement créateurs d’activités. Ils organisent en effet des actions, des « événements » qui correspondent de fait à des démarches spécifiques d’appui et d’accompagnement de la création d’activités qui méritent d’être analysés. Ces collectifs émergents et les événements qu’ils organisent font la plupart du temps référence à l’économie sociale, solidaire, à l’économie dite collaborative ou contributive qui vient ici relayer et enrichir l’action publique tout en s’insérant de façon dynamique dans l’économie de marché.
XY : L’étude des nouvelles générations d’entrepreneurs X (35-44 ans) et Y (18-34 ans) en Nord-Pas De Calais. Enjeux et défis
14Équipe de recherche : CEL-LAB de l’ULCO et le Laboratoire d’entrepreneuriat et d’innovation – Chaire d’Entrepreneuriat et d’Innovation, Université Laval, Québec
15L’intérêt mitigé des jeunes pour une carrière entrepreneuriale est susceptible d’être le fruit d’un changement de mentalité, perceptible au travers des valeurs épousées par les nouvelles générations X et Y. À la lumière de ce qui est généralement véhiculé, on peut s’étonner que les membres de ces deux générations délaissent l’entrepreneuriat. Ils présentent en effet plusieurs traits généralement associés aux entrepreneurs, tels que le désir d’autonomie, la créativité, l’estime de soi et la débrouillardise. Par contre, ils ne valorisent pas autant le travail et la réussite financière que la famille et les loisirs, ce qui peut expliquer leur hésitation à s’embarquer dans un projet d’entreprise, du moins selon le modèle d’affaires traditionnel. Ils ne voient vraisemblablement pas d’attrait à travailler sans relâche pour acquérir une entreprise, sacrifiant au passage loisirs et vie de famille. En effet, même au-delà de la période de démarrage, l’entrepreneur « traditionnel » continue à investir des heures incalculables dans son entreprise, qui devient pour ainsi dire son « bébé ». Est-ce que ce modèle traditionnel d’entrepreneuriat rebute effectivement les nouvelles générations et les détourne de cette voie ? Ont-ils développé d’autres façons de mettre sur pied et faire croître une entreprise, d’autres modèles d’affaires ? Ont-ils trouvé d’autres formes d’expression de leur esprit entrepreneurial ? Vu l’importance qu’ils accordent à l’action collective, il est permis de croire que l’entrepreneuriat social puisse aussi les attirer. On peut alors se demander comment sont accueillis les projets entrepreneuriaux non fidèles au modèle traditionnel par les différents intervenants et parties prenantes. Ainsi, un projet dont l’objectif principal n’est pas la maximisation des profits réussira-t-il à trouver du financement ? Recevra-t-il l’aide et le support nécessaire à sa réalisation ? Et est-ce que son porteur aura été formé adéquatement pour mener à bien son projet ? Quels sont les missions et les rôles des leaders territoriaux à leur égard ? Voilà autant de questions que cette recherche a l’ambition de traiter. Les résultats devraient permettre de faciliter la prise d’initiative, le démarrage et la réussite entrepreneuriaux des générations X et Y.
Entrepreneuriat féminin : Outils et politiques de promotion de l’entrepreneuriat féminin au regard de la diversité des femmes entrepreneures
16Équipe de recherche : IAE Lille et SKEMA Business School
17Cette étude cherche à comprendre la diversité des publics au sein de la population des femmes entrepreneures. Une précédente étude a été conduite auprès de 41 femmes créatrices dans la région Nord-Pas de Calais, souvent très diplômées et ayant un passé professionnel riche d’expériences et formateur en compétences pour la création. Ces femmes créatrices sont à la tête d’entreprises tout à fait pérennes. Toutefois, elles ne représentent pas toute la population des femmes créatrices. Il s’agit aujourd’hui d’étudier des populations de femmes ne bénéficiant pas d’un capital culturel, social et/ou économique favorable à un engagement dans un projet entrepreneurial ou encore des femmes en situation de précarité et qui créent par nécessité. L’intérêt de cette approche est de mettre au jour les multiples situations et réalités des femmes entrepreneures, dont la démarche entrepreneuriale peut se lire soit comme une transition biographique, soit comme une bifurcation biographique. Comprendre cette diversité des situations est un préalable nécessaire à la mise en œuvre efficiente de politiques et d’outils de promotion et d’accompagnement de l’entrepreneuriat. Cette compréhension des problématiques spécifiques des différentes populations de femmes entrepreneures doit également permettre des comparaisons intergroupes. Ces connaissances existent et sont maitrisées par les acteurs du terrain (institutions, associations, réseaux etc.). Or pour l’instant, elles n’ont pas été retranscrites, ni analysées dans une perspective scientifique et académique.
18Sont visés les pratiques et outils couvrant l’ensemble du processus entrepreneurial, c’est-à-dire de la sensibilisation des jeunes filles, à l’accompagnement dans la création puis le suivi dans le développement de l’entreprise créée. L’ambition de cette recherche consiste à couvrir l’ensemble des pratiques et politiques mises en œuvre durant tout le processus entrepreneurial et à repérer ce qui se passe pour les différentes populations de femmes.
Entreprises et dirigeants issus des incubateurs liés à la recherche et à l’innovation
19Équipe de recherche : LEM-UMR 8179, IAE Lille, IUT A, UVHC Valenciennes
20Les incubateurs sont apparus dans les années 80 avec comme objectif de favoriser l’émergence de projets et donc la création d’entreprises. Trente ans après leur apparition, ces structures, hétérogènes par nature, restent un moteur important de l’innovation et contribuent au développement économique d’une région et plus globalement d’un pays. Cependant, leurs résultats sont contrastés. Il apparaît que les entreprises issues des incubateurs rencontrent deux problèmes limitant leur développement : premièrement, le cap de la post-incubation et la capacité à devenir autonome, et secondement, leur petite taille et leur faible développement économique. Par ailleurs, d’autres formes d’impact sont rarement mises en avant dans les études, notamment leur influence sur le développement de réseau d’entreprises, de liens avec des entreprises en place, avec les universités, avec les étudiants, avec d’autres entrepreneurs, avec ce qui globalement contribue au développement de la culture entrepreneuriale.
21La recherche est centrée sur le développement de l’entreprise issue d’un incubateur au cours de ses premières années de vie (1 à 10 ans) et son rôle dans le développement de la culture entrepreneuriale. Après s’être longtemps consacrées aux conditions qui favorisent la création, les recherches s’orientent aujourd’hui vers les difficultés que rencontrent ces entreprises dans leur phase de développement. Le travail proposé a pour dessein de mieux comprendre quels sont les déterminants de la croissance, les obstacles au développement et les systèmes d’accompagnement dont elles bénéficient, en clarifiant la question des seuils de développement et des types d’obstacles qu’elles peuvent rencontrer.
ESS : Le dynamisme des valeurs dans le monde de l’Économie Sociale et Solidaire. Un dialogue entre valeurs collectives et valeurs individuelles est-il possible ?
22Programme intégré dans une co-direction de thèse entre l’université catholique de Lille (C3E, département d’Éthique) et Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Phico – EA 3562) et articulé autour d’un travail de recherche avec des membres du LEM – UMR 8179
23Dans un contexte où de nouvelles entreprises se réclament de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), il s’agit d’analyser la place des valeurs dans l’ESS et les relations entre valeurs individuelles et valeurs organisationnelles. Toute organisation fonctionne sur la base de principes, de normes, mais également de valeurs. Les valeurs de solidarité, sociabilité, démocratie, proximité ou encore l’altruisme – parfois même appelées « désintéressement », ne sont pas tout à fait étrangères aux valeurs traditionnellement rattachées à la culture entrepreneuriale : créativité, autonomie, sens des responsabilités, leadership et solidarité.
24L’émergence de l’Entrepreneuriat Social depuis quelques années en France (qui se fonde sur les principes d’« objectif social » et de « lucrativité limitée ») semble porteuse d’un nouvel idéal économique et suscite beaucoup d’intérêt. Certains déclarent par ailleurs que l’Entrepreneuriat Social ne cherche pas à concurrencer l’Économie Sociale mais au contraire à l’enrichir. Il semble pertinent de se demander s’il n’existe pas une véritable concurrence silencieuse entre ces deux secteurs. Tandis que certaines valeurs propres à l’Entrepreneuriat Social semblent rejetées par l’Économie Solidaire (comme l’autonomie), d’autres semblent partagées (l’innovation, la performance, etc.). C’est en essayant d’identifier les points de friction et les points de rattachements sous-jacents entre ces différents types d’entrepreneuriat que l’on pourra sans doute extraire les valeurs qui caractérisent les organisations de l’ESS et comprendre en quoi ces dernières peuvent entrer en opposition avec les valeurs des individus qui les composent.
25La recherche entend mettre au jour et étudier les raisons qui peuvent être au fondement des conflits entre valeurs individuelles et collectives dans l’ESS, puisqu’ils ont un impact certain sur la politique managériale des entreprises.
26Les thématiques de ces six programmes de recherche illustrent la grande variété des questions que l’entrepreneuriat contient en lui-même. Les objectifs poursuivis sont identiques : mieux comprendre des phénomènes bien réels, en analyser les différentes expressions et ainsi proposer des pistes de réflexion pour l’action. La richesse des questionnements, la qualité des apports attendus doivent permettre à l’élu, considéré en l’espèce comme un entrepreneur en matière d’actions publiques, de mettre en perspective les apports des politiques initiées en faveur de l’entrepreneuriat, sujet politique s’il en est, puisqu’il est l’un des moteurs qui anime dorénavant la Cité.
27Ce projet bénéficie du soutien financier de la direction de l’action économique (DAE) du Conseil Régional NPDC- SRIE- Région européenne entreprenante- lasuitedanslesidees.fr