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FORMATION, MONDE PROFESSIONNEL

Dominique Bessières

Le prix du meilleur mémoire de communication publique : modalités, enjeux, portée

Article

Texte intégral

Introduction

1L’association Communication publique (www.communication-publique.fr) est de loin la plus importante dans le champ professionnel1 spécifique. Constituée en 1989, elle regroupe les catégories d’institutions publiques ou parapubliques. À l’instar de la plupart des autres associations professionnelles, elle constitue un lieu d’échanges, d’apprentissage, d’études et de lobbying.

2Pour Communication publique, l’association pour la communication des institutions publiques, au travers du prix du meilleur mémoire, il s’agit de se tourner vers les futurs professionnels de la communication et d’aider les primés à intégrer ou à conforter leur ancrage professionnel dans le champ de la communication publique.

3Les objectifs et enjeux de ce prix sont pluriels. Le jury est composé au départ et encore aujourd’hui majoritairement de professionnels de la communication publique, de membres de l’association, parfois d’anciens primés par le prix, d’universitaires. C’est l’occasion de réfléchir à des problématiques portées par des jeunes impétrants dans le champ professionnel d’expertise de l’association. Le concours du prix est ouvert à candidatures depuis 2006, soit 17 ans après la création de l’association. Il distingue un mémoire d’un étudiant de niveau bac + 5 (master, écoles de service public) en France ou d’un pays francophone.

4Comment y participer ? Quels ont été les évolutions et les résultats ? Quels enjeux recouvrent ce prix ? Voici quelques questions que nous aborderons dans notre texte afin de pouvoir porter un regard plus global et plus analytique sur le sens heuristique de ce type de manifestation pour le groupe professionnel des communicateurs publics.

Le développement d’un prix spécifique

5C’est en 2005 que naît l’idée d’un prix qui pourrait être décerné par l’association Communication publique et qui aurait vocation à récompenser un travail de réflexion de haut niveau dans le cadre d’un mémoire de master 2. Initialement, le projet est porté et piloté par deux membres de l’association ayant développé une carrière de haut niveau dans la communication publique : Jean-Emmanuel Paillon (ENA, DESS Communication politique et sociale – Paris I, Sciences Po service public) et Yves Bomati (Docteur és Lettres et Sciences Humaines, École pratique des hautes études). Forts de leurs expériences de l’enseignement dans des institutions de formation, en particulier universitaires, ils ont suivi et évalué des mémoires d’étudiants. Aujourd’hui, le prix est placé sous la responsabilité conjointe d’Yves Bomati et de Dominique Bessières Maître de Conférences en sciences de l’Information et de la Communication de l’Université de Rennes 2.

6Depuis 2014 l’ARCES (www.arces.com) et la SFSIC (www.sfsic.org) sont partenaires de ce prix. L’intérêt est d’élargir et de renforcer le vivier des membres du jury avec en principe quatre représentants de ces deux associations auxquels s’ajoutent des membres de communication publique. Ceci accentue et renforce la double vocation professionnelle et universitaire qui s’attache à ce type de travail. Les jurys se composent généralement de plus de dix personnes, dont trois universitaires, ce qui autorise à limiter le nombre des rapporteurs sur chaque mémoire à deux ou à trois maximum.

7Originairement, les candidatures étaient acceptées jusqu’en début d’année, vers à la mi- février. Ceci occasionnait une remise des prix au cours du deuxième trimestre. Cette organisation avait deux inconvénients. D’une part, le prix était décerné un peu tardivement par rapport aux périodes de terminaison concrète des diplômes, même si les diplômations officielles peuvent aller jusqu’au mois de décembre. D’autre part, la plupart des autres prix de mémoire interviennent avant.

8Dans l’intention de mieux prendre en compte le calendrier universitaire, un nouveau rythme temporel du prix est instauré afin de primer un mémoire de l’année en cours. Il y a donc deux prix pour 2014 à titre transitoire : un premier remis en mai dernier pour l’année universitaire 2012-2013 et un autre remis le 5 décembre pour l’année universitaire 2013-2014.

9Le principe est de décerner un prix. Toutefois, il arrive que le jury se détermine en faveur de deux prix ex æquo comme en 2010, une mention particulière comme en 2007 avec deux accessits, ou en 2014 avec un prix spécial : c’est alors le reflet de la reconnaissance de grandes qualités de plusieurs mémoires lors du concours.

Récapitulatif des prix du meilleur mémoire de communication publique

Prix 2014 – 2e édition

« Communication numérique, urbanisme et aménagements territoriaux – Le web au service de la concertation dans les collectivités locales françaises ». EL AHMADHI Myriam, Sciences Po Aix – ISCPA

– Prix spécial du jury : « Quelle stratégie de communication digitale mettre en place dans les services publics sociaux en France d’ici 2020 pour assurer l’équité de traitement entre les citoyens ». Pascal MARTIN – Sciences Po Formation continue

– Prix 2014 – 1re édition

« Le label grande cause nationale ». Marine LEROY – Master Communication politique et sociale Paris 1.

– Prix 2013

« Communication(s) : la Commission européenne face au défi de la cohérence ». Cécile SPEICH – Celsa.

– Prix 2012

« Une communication publique locale et participative pour réduire les inégalités en santé. Le cas de l’incitation au dépistage organisé du cancer du sein à Bondy et en Seine-Saint-Denis ». François SILVAN – Celsa

– Prix 2011

« Débat public : entre opportunités et risques pour le maître d’ouvrage. L’exemple du débat public de RTE relatif à la ligne à très haute tension Cotentin Maine ». Maud BOUTHEMY – Celsa

– Prix 2010

« Peut-il y avoir une communication publique commerciale ? L’exemple de Bleu Ciel d’EDF ». Isabelle-Marie FAYOLLE – Master Communication publique et politique - Sciences Po Lille & « Chers agents, votez pour moi ! » Communication interne, bien-être et réelection au conseil général du Cher ». Aurélie MARTIN – Celsa. 

– Prix 2009

« De l’usage de la concertation publique dans la gestion et la politique locales ». Laure MONDET – Celsa.

– Prix 2008

« La campagne d’information 2006 de la Halde : la communication, clé de l’existence publique d’une institution nouvelle ». Judith COSCAS – Paris I.

– Prix 2007

« Le positionnement de la communication intercommunale : entre dépendance et cohabitation avec les communications communales ». Catherine ROYAL – Celsa.

Accessits :

– « La place de la communication des armées dans une opération multinationale d’imposition de la paix sous mandat ONU : l’exemple de la Force Licorne et de l’Onuci en Côte d’Ivoire ». Florent HIVERT – Celsa.

– « La communication des universités : développer des stratégies et des moyens de communication de qualité en dépit de moyens faibles ? ». Claire GRAVOUEILLE – Paris XIII.

– Prix 2006

« La communication gouvernementale publique sur le développement durable : un hiatus handicapant entre le « dire » et le « faire ». Cas des éditions 2003-2004 de la semaine du développement durable ». Camille LAMOUCHE – Celsa.

L’intérêt de candidater

10Le mémoire est l’objet d’un important travail en fin de master, de réflexion, d’organisation et bien souvent de stress… Mais il est aussi porteur d’un espoir de légitime reconnaissance au moment d’entrer dans la vie active et de choisir son destin professionnel.

11L’idéal est bien entendu de remporter le prix lui-même. Mais dans la compétition pour le prix, il peut être le support d’une réelle opportunité de visibilité. En effet, le mémoire sera lu et débattu au cours d’un processus de sélection organisé par un jury composé d’experts, d’enseignants-chercheurs et de professionnels de la communication publique. Au total, le lauréat bénéficiera d’une importante distinction dans un champ professionnel et universitaire spécialisé. Le gagnant a vocation à recevoir son prix au cours d’une cérémonie publique en présence de nombreux professionnels et de personnalités. À cette occasion, il verra son travail évoqué et valorisé auprès de la profession.

12Il pourra publier un article dans la revue Parole Publique – La revue de la communication publique – rendant compte de sa recherche. Il sera invité à participer aux initiatives et manifestations de l’association Communication publique pendant un an et aura ainsi l’opportunité de rencontres et d’échanges avec les directeurs de la communication publique. Enfin, le prix est une distinction rare qui a vocation à faciliter ou à renforcer une intégration professionnelle. En ce sens, c’est un réel atout qui irradie sur un début de carrière et qui dépasse de la sorte la seule « côte » du diplôme d’origine. Pour autant, cette gratification personnelle est également de nature à profiter globalement à la formation d’origine, dont elle atteste intrinsèquement la qualité.

Renseignements pratiques

13Les candidats au prix doivent adresser un formulaire de participation (fourni sur demande) et le mémoire en deux exemplaires papier ainsi qu’une version électronique par courriel à l’association Communication publique.

Contacts :

Courriel : secrétariat.communication-publique.fr

Tel : 01 40 20 92 00

Administration : Communication publique, 65 boulevard de Sébastopol, 75001 Paris.

14Le mémoire présenté pour le prix doit avoir été soutenu au titre de l’année universitaire en cours et porter sur un des trois domaines suivants :

  • Communication institutionnelle d’une collectivité publique (Gouvernement, État, collectivités territoriales, établissements publics…)

  • Promotion d’une cause d’intérêt général

  • Démarche de débat public

15Le mémoire a vocation à présenter le thème étudié et la problématique adoptée. Il représente une étude méthodologique qui permet de développer une réflexion personnelle pour approfondir l’analyse de la communication publique sur un plan professionnel et/ou de recherche scientifique. Il s’agit de mobiliser des sources bibliographiques et théoriques pertinentes au regard du sujet abordé, avec des éléments rendant compte des visions des acteurs (enquêtes et documentations des organisations, entretiens…) justifiant la démonstration et fondant des recommandations éventuelles ou des conclusions. Un haut niveau est attendu dans le cadre d’une compétition nationale et internationale francophone visant notamment à apprécier bien évidemment, outre la qualité et la précision d’écriture ou la présentation, l’originalité du sujet traité ou bien de ses modalités d’étude, la pertinence de l’ensemble de la démonstration.

16D’une façon générale, le jury est appelé à suivre une méthodologie spécifique dans ses activités de notation et de sélection. Les points abordés veillent à mesurer en particulier l’affinité du thème traité avec celui du concours, la progression de la démonstration et la qualité des sources et références mobilisées, l’argumentation déployée, la réflexion personnelle, les qualités d’expression… À cette fin, ils reçoivent une note de consignes visant à cadrer les modes d’évaluation accompagnée d’un modèle de fiche de rapport pour chaque mémoire qu’ils ont à expertiser. Dans cette optique, les membres du jury peuvent ainsi veiller à soutenir leur évaluation sur des éléments précis, dans des modalités partagées par tous, afin de garantir une recherche d’harmonisation et donc une égalité de traitement entre tous les compétiteurs. Ensuite, le jury se réunit afin de déterminer collégialement un classement des mémoires qui seront amenés à poursuivre le concours. Entre ces derniers, la comptabilisation des voix permet de déterminer le choix final du jury.

La représentation d’un champ professionnel ?

17Nous avons pu montrer (Bessières, 2009) que les prix professionnels contribuent à̀ forger une représentation de l’actualité de la communication publique au travers d’exemplarités récompensées par un prix. Ils mettent en scène des modèles professionnels dans leur variété. Plus largement, depuis les années 90, des membres de l’association Communication publique sont sollicités pour de nombreux prix professionnels de communication publique (campagnes, audiovisuels, communicants publics…). Ces manifestations sont des véhicules d’objectivation et d’officialisation parce qu’elles rendent visibles la nomination publique du groupe des communicateurs publics vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis d’autres groupes sociaux. Le prix du meilleur mémoire de master de communication publique à l’évidence s’inscrit directement dans cette logique notamment envers les milieux universitaires.

18L’effet de réalité de telles opérations symboliques a été bien décrit par Luc Boltanski (1982) : « Pour qu’un groupe apparaisse sur le tissu des relations sociales, il faut que soit forgé son concept et que soit institué son nom ». L’affirmation de ses caractéristiques vis-à-vis de lui-même et des autres doit « donner des accentuations dramaturgiques de ses traits pertinents, sorte de stylisation qui contribue à la formation de la croyance collective sans laquelle le groupe n’a pas droit à la reconnaissance sociale ». Les prix jouent un rôle indéniable à cet égard.

Conclusion

19À l’origine, la communication publique est une pratique avant d’être un concept théorisé (Bessières, 2009 b). Le rôle des associations professionnelles s’avère central dans la réussite des opérations de professionnalisation. C’est donc en partie à une échelle microsociale (prix et salons, déontologies, associations…) que s’articulent certains ressorts du renforcement d’un groupe professionnel.

20Les prix professionnels inscrivent la profession dans un registre d’exemplarité récompensée par des pairs. Des valeurs sont ainsi proclamées et proposées pour références identitaires, à destination des membres du réseau professionnel en particulier. Avec ceux-ci, on mesure les enjeux de la professionnalisation pour le groupe des communicateurs publics. Celle-ci peut viser, entre autres, la formation de professionnels par des instances d’enseignement ou encore un processus de légitimation de la spécialisation des fonctions professionnelles de communication ; en ce sens, elle est un facteur d’identité professionnelle (Dubar, Tripier 2005).

21Une stratégie processuelle d’affirmation collective du groupe professionnel des communicateurs publics se développe depuis les années 80 (Bessières, 2009 a) pour se faire reconnaître (Dubar, Tripier, 2005). L’association professionnelle délivre un discours produit et répété dans différents écrits et réunions. Produire des représentations, un cadrage, des discours, mais également des distinctions et gratifications symboliques concourent à une dynamique sociale mettant en relation des niveaux interindividuels et collectifs dans une professionnalisation entendue de façon interactionniste (Bessières, 2012).

22En France, les communicateurs publics n’ont pas été oubliés par la régulation étatique (Dubar, Triper). On mesure l’accroissement des formations universitaires spécifiques dispensées. L’émergence de filières de formation contribue à la construction de l’identité corporatiste qui donne unité et sens à ce qui n’est au départ qu’une agrégation abstraite de rôles professionnels (Bessières 2009 a). Dans le champ de la communication publique, le capital culturel pour exercer la profession s’élève progressivement, ce que traduit l’accroissement des formations en communication orientées vers le secteur public. Luc Boltanski (1982) a montré l’importance du développement des formations qui assurent une production de nouveaux professionnels dans la constitution d’un groupe professionnel. La reconnaissance universitaire permet d’acquérir des connaissances académiques (critère de performance) qui cessent d’être empiriques (apprentissage) (Dubar, Tripier, 2005). Ce processus concourt à constituer une discipline entendue comme la conjonction des savoirs professionnels et universitaires labellisant un secteur professionnel (Bessières 2009 b). La communication publique est ainsi célébrée au travers de différentes manifestations professionnelles. Le prix du meilleur mémoire de communication publique, piloté par l’association Communication publique, s’inscrit totalement dans une telle perspective de reconnaissance sociale d’un champ professionnel.

Bibliographie

Bessières D., 2012, L’institutionnalisation des communicateurs publics : une tension longitudinale vers une légitimation de ce groupe professionnel, revue Pyramides, n° 24 (Université Libre de Bruxelles, Belgique), 2012/2, pp. 239-260.

Bessières D., 2009, La quête de professionnalisation des communicateurs publics entre difficulté et stratégie“, in dossier ”Les processus de professionnalisations, Formation Emploi, n° 108 octobre, décembre, pp. 39-52.

Bessières D., 2009, La définition de la communication publique : des enjeux disciplinaires aux changements de paradigmes organisationnels, Communication & organisation, n° 35, pp. 15-28.

Boltanski L., Les cadres, la formation d’un rôle social, Paris, les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1982.

Chapoulie J.-M., Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels, Revue Française de Sociologie, vol. XIV, n° 1, 1973

Dubar C., Tripier P., 2005, Sociologie des professions, 2e éd., Armand Colin.

Fourdin M., 1994, La professionnalisation de la communication locale : un paradoxe ?, Réseaux n° 64, mars-avril, pp. 77-89.

Notes

1 On pourrait citer également des associations pour la communication locale (Fourdin 1994).

Pour citer ce document

Dominique Bessières, «Le prix du meilleur mémoire de communication publique : modalités, enjeux, portée», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 11-Varia, FORMATION, MONDE PROFESSIONNEL,mis à jour le : 17/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=557.