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HOMMAGE
Paroles libres sur Jean Devèze par un collègue qui ne l’a pas connu…
Texte intégral
1Jean Devèze m’était un nom inconnu avant que, dépouillant les Lettres d’Inforcom anciennes à la Bibliothèque nationale de France (BnF), je ne tombe sur cet article que j’ai trouvé incroyable par son ton, sa vigueur, son ardeur méthodique et systématique, « La face cachée du titre » (n° 6, 1980, pp. 11-16), au service d’une démonstration radicale. Tant de clarté m’a appelé, parlé, et je me suis demandé, « qui a écrit cela ? ».
2J’interroge des collègues pour comprendre qui était Jean Devèze. On ne me dit rien, ou presque. Puis une seule chose : « Il était franc-maçon ». Seulement cela, tout le temps. Dirait-on d’autres collègues : « Il était juif ». Ou : « Il était catholique ». Curieux. Ne peut-on dire perpétuellement que cela de lui ? Juste cela ?
3Je lis, donc, ce texte sur la communication sociale de l’Église catholique. Le passage de la notion de propagande de la foi à celle de communication sociale. Devèze y voit un réhabillage, un travestissement, opéré entre deux textes du Vatican, Miranda Prorsus (1957) et Inter Mirifica (1963). Je ne partage pas, en définitive, complètement son jugement, mais j’aime la problématique, la recherche de preuve, l’obstination libre de l’enquête. Qu’il y revienne encore, vingt ans plus tard, dans « Un regard communicationnel sur l’histoire de l’Église de Rome : la communication de l’institution ecclésiastique des origines à nos jours » (Org&Co, Castres, 2001) m’impressionne. Et son souci d’apporter des preuves, d’évoquer son enquête.
4De sa thèse on ne me parle que de son poids et du nombre de ses volumes. On me dit que quelque part, un canapé est calé avec. Et si on la lisait ? BnF, encore, microfiches, une loge à l’étage, Le Sens de la flèche. On va du profond, un souci d’éducation populaire, au plus léger, plus descriptif, revue d’images et de figures de la flèche… Ampleur de l’analyse, variété des domaines parcourus.
5Cet amour de Saint-Sébastien, des flèches. Une obstination de la recherche à les chercher. Je n’ai compris qu’à l’approche d’élections universitaires ce que Jean Devèze pouvait vouloir dire en se décrivant comme « le Saint-Sébastien des Sic ». Les collègues décochent, il est vrai.
6Le Havre, de ce parterre rassemblé en 2011 en hommage à « Jean », de ces voix, émane une autre histoire possible des Sic, quand émergent des combats, conflits, oppositions, luttes, souvenirs d’heures difficiles, défaites, à la SFSIC ou au CNU ; on comprend mal, aujourd’hui, pourquoi, mais on comprend que les choses auraient pu être autrement.
7J’échange avec un « disciple » de Jean Devèze. Que je comprends sa position, si rarement dite et vécue ! Pour avoir été moi-même « disciple », d’un philosophe, helléniste et islamologue chrétien, avant que de rejoindre les SIC, je comprends cette démarche ancienne d’apprentissage, qui pour être moquée, n’est en rien ridicule. Apprendre auprès d’une personne, d’un maître qui aide à penser, permets de (continuer à) penser, malgré les livres, qui parfois l’interdisent. Une figure de la transmission, sinon de la communication même des savoirs. Le maître n’est pas forcément mandarin. Et le mandarin n’est pas toujours un maître.
8Je sens, par les paroles d’autres, une douceur, une bonté, chez cet homme que je n’ai pas connu. Des gens qui ont connu Jean Devèze, qui se sont sentis orientés par lui, je sens la trace d’une personne, d’une vraie attention portée sur eux, un éveil donné.
9Une liberté de recherche. Curiosité, en effet, variété des sujets. Comment quelqu’un a pu écrire sur les noms des chiens, et leurs variations ? La peau comme interface ? Et en même temps, n’est-ce pas le signe d’une vraie curiosité communicationnelle ?
10La Devèze, une rivière souterraine qui circule sous la ville de Bordeaux, annonce un panneau de la ville de Montaigne. Devèze, une figure qui irrigue souterrainement les Sciences de l’information et de la communication ?