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QUESTIONS DE RECHERCHE

Henri Hudrisier et Ghislaine Azémard

La TEI : un collège mondial et un outil commun pour la recherche en littérature

Article

Texte intégral

1Force est de constater que l’édition littéraire devient pour partie numérique, certes moins vite que l’édition scientifique ou technique, mais très inexorablement. Partir en voyage ou même en week-end en décidant de lire uniquement sur sa tablette numérique, lire plus commodément dans les transports en commun, préférer la lecture électronique parce qu’elle permet d’adapter le format à un handicap (même léger), redécouvrir des textes anciens facilement accessibles en numérique, nombreuses sont les raisons de bouleverser nos habitus de lecture. L’impact tant technique que socio-économique de l’accroissement de la part de l’édition numérique sur toutes les professions du livre (auteurs, éditeurs, libraires, imprimeurs ou distributeur numérique), est un sujet d’étude passionnant pour le chercheur en SIC, mais ce n’est pas le sujet de notre texte1.

2Nous nous focaliserons sur la question de la médiation de l’information et de la communication pour ce qui est de la recherche littéraire ou même plus largement de l’enseignement de la littérature ou de son appréhension patrimoniale et bibliothéconomique.

3En effet, les fonds anciens des grands patrimoines de littérature (poésie, théâtre, roman et autres) sont désormais l’objet de campagnes systématiques de numérisation (publique, associative ou industrielle). D’autre part, depuis plus de 25 ans, un collège mondial de chercheurs en Humanités digitales (associant en synergie des chercheurs en informatique, en littérature et des bibliothéconomes2), s’est organisé en réseaux de recherche, d’échange et d’intelligence collective de la textualité numérique et de son appréhension académique : c’est le TEI Consortium3. Leurs premières rencontres qui avait pour objectif de définir un format commun de description et d’analyse des textes a effectivement abouti à l’issue de la réunion au Vassar Collège (en novembre 1987) à la publication des « principes de Ploughkeepsie4 », puis à des éditions successives des Recommandations de la TEI5. Ce qui est fondamental à comprendre, c’est que la TEI, en sus d’être un collège solidaire de chercheurs sur la textualité est aussi un « langage » (ou plutôt un format d’échange) qui fonctionne sur une collection de plus de 300 balises conformes aux « recommandations » qui permettent6 sectoriellement de répondre aux besoins d’analyse, de traitement et d’échanges pour la recherche en poétique, en études théâtrales, en étude de la prose, en étude des manuscrits, des dictionnaires, des apparats critiques… Cette communauté TEI devient d’année en année plus visible et plus incontournable. Il importe d’en comprendre la démarche, d’en décrire ses fonctions d’usage et de souligner les transformations épistémologiques que cela induit dans toutes les recherches en sciences sociales mais particulièrement en littérature.

L’extrême diversité du fait littéraire et le très large éventail de ses facettes d’analyse

4Le fait ou l’œuvre littéraire peut-être en effet observé selon quantité de facettes de médiation :

  • son élaboration (sa génétique en quelque sorte, du manuscrit à l’œuvre avec les questions historiques et d’analyse littéraire que cela pose)

  • son édition (sur quel support, sur quel média) selon éventuellement plusieurs états d’édition, versions, traductions ou éditions bi(multi)lingues, illustrations, voire adaptations pour différents médias papier ou numérique mais aussi supports sonores, adaptations radiophoniques ou cinématographiques,

  • son interprétation par le lecteur qui selon la thèse chère à Eco7 en devient un nouvel auteur.

  • sa reconstitution savante à partir de fragments (c’est le cas notamment de l’étude des littératures antiques).

  • son étude proprement littéraire et stylistique ; l’étude de sa logique narrative ou de son évolution dramatique ; des études de concordance (et renvois) à l’intérieur d’une œuvre, d’une école, d’une époque bref l’histoire littéraire.

5Le fait littéraire peut-être aussi pris en compte sous sa facette patrimoniale, en termes de corpus plus ou moins vastes par exemple : le théâtre de Claudel, l’œuvre de Claudel, le théâtre français du xxe siècle, la littérature française, telle ou telle thématique de la poétique européenne, etc8.

6En élargissant encore le débat il est clair qu’on pourra aussi s’intéresser à des corpus de littérature orale. Dans ce cas les recueils linguistiques (corpus oraux) constitueront le matériau de base, à charge pour l’ethnolinguiste d’en assurer une première analyse et travail d’interprétation comparé (si possible en faisant appel à plusieurs informateurs et si possible en diachronie), puis en synergie avec le linguiste, le spécialiste de littérature orale pourra ajouter ses couches d’analyse plus proprement littéraire.

7Autres catégories de corpus littéraires, les littératures anciennes qui comme la littérature romaine ont pu être « éditées en multiple » 9 bien qu’étant cependant manuscrites. Ces œuvres littéraires retransmises à travers des manuscrits (de première, seconde, troisième mains ou plus), relèvent-elles, en amont de leur étude littéraire conventionnelle, d’une approche surtout fondée sur la construction « d’apparats critiques », qui permettent la mise en œuvre d’une étude comparée des versions, variantes, lacunes, analyse des « mains manuscrites », datations comparées, interprétation des sources, suivi des pages éventuellement dispersées en divers lieux de conservation, comparaison des traductions, censures, édulcoration, erreurs de recopie, etc. L’ensemble de ces tâches de recherche relevant d’une discipline elle aussi classique : l’étude des manuscrits anciens10.

L’indispensable mise en place grâce à la TEI d’une interopérabilité des approches de recherches

8En brossant ce rapide panorama des facettes dont peuvent relever l’analyse littéraire nous avons seulement voulu faire entrevoir l’extrême diversité de ces approches et des méthodologies afférentes que l’on connaît ou que l’on peut imaginer. Et pourtant, comme toute discipline scientifique (et la recherche littéraire est une science humaine) il est indispensable que tous ces travaux de recherches littéraires puissent être cumulatifs au-delà de la constatation triviale que toutes les publications savantes qui en rendent compte peuvent être désormais globalement repérables, sinon accessibles sur Internet (soit directement en mode caractères, soit moins directement en mode « images11 » ou plus indirectement encore sous forme de papiers imprimés). En soulignant qu’il importe que les recherches littéraires soient cumulables, nous ne nions pas que l’étape bibliographique de rassemblement de la littérature savante sur tel ou tel fait ou œuvre littéraire soit une exigence princeps (cela est vrai pour toute science). Ce sur quoi nous insistons, c’est que les différentes recherches réalisées en numérique puissent être partiellement ou totalement échangeables, cumulatives, recalculables, potentiellement reprises et prolongées grâce à leur potentiel de normalisation et d’interopérabilité. Tel est le projet central des Humanités digitales et tel fut dès le début de la première réunion du Vassar College, l’hypothèse primordiale des membres de la Text Encoding Initiative. Soulignons ce que dit Lou Burnard, professeur à Oxford et fondateur historique de la TEI : « un texte est quelque chose d’abstrait : la construction d’une communauté de lecteur. L’encodage explicite cette abstraction afin de mieux la gérer. ».

9Commençons par rappeler le dessein global des Humanités digitale et de la TEI, qui constitue sa composante collégiale majeure et son outil princeps d’instrumentation normalisée et interopérable. Nées prioritairement en Amérique du Nord et dans le monde anglophone à la fin des années 80, les Humanités digitales et la TEI constituent une innovation majeure dans le champ épistémologique des recherches littéraires et des SHS en général. On peut pronostiquer en effet, que lorsque leur appropriation par la communauté savante des SHS, des recherches littéraires et des recherches en Art sera complète, il est certain que ces sciences « dites molles » accèderont de plein droit au statut de sciences humaines expérimentales : elles cesseront de fonctionner avec comme outil presqu’unique le partage d’argumentations textuelles pour devenir des sciences qui partageront des véritables « paillasses numériques de laboratoire ». C’est en effet le cahier des charges que les grandes institutions fondatrices de la TEI ont donné : baliser des documents (au début essentiellement des textes) tant sur le plan référentiel que structurel et sémantique pour que des corpus relevant des Humanités puissent non seulement être digitalisés de façon cohérente, mais pouvoir être échangés, cumulés, traités de façon sémantique dans un environnement SGML puis désormais XML. C’est en effet sur ce substrat XML auquel est associé le vaste métamodèle que constitue les Guidelines de la TEI-P5 que peuvent s’éditer de façon totalement interopérable et normalisée l’ensemble des travaux se réclamant du label Humanités digitales.

10Dès lors, la mutation du statut de sciences dites molles à expérimentales s’impose, comme s’imposera à terme, l’obligation, pour les chercheurs en SHS et notamment en littérature, de se comporter pour gérer leurs données comme en sciences expérimentales et exactes, donc de revoir (ou plutôt d’adapter numériquement et collégialement) leurs méthodes. En effet, les chercheurs (même en littérature) devront aussi à terme, définir en consensus des fondements descriptifs et des cadres de raisonnements communs normalisés. Cela ne signifie aucunement qu’ils aliéneront leur liberté d’hypothèses, ni qu’ils devront restreindre leurs diversités de desseins de recherches et d’écoles de pensées. De façon logique et obligatoire (comme condition sine qua non d’appartenance à la communauté scientifique), chaque chercheur devra prendre en compte le fait « grands corpus numériques » et l’obligation de contribuer à leur mise en ligne, augmentation en valeur ajoutée et structuration collective. Chaque chercheur devra de plus considérer comme indispensable s’accorder en consensus pour ce qui est de ses formats d’échange, ses modalités de structuration et de traitement commun des corpus et ce, dans toutes les sous disciplines, écoles de pensée, voire en granularité plus fine dans chaque laboratoire. Dès lors, les travaux de chaque chercheur peuvent se cumuler à d’autres. Les résultats des travaux effectués peuvent être facilement recalculés, vérifiés, bref répondre à des exigences normales dans les sciences expérimentales et exactes. Ces exigences ne sont pas exorbitantes, mais il est patent qu’une proportion non négligeable de chercheurs en littérature, en SHS ou en Art s’exonère encore aujourd’hui de ces nouvelles règles qui sont la conséquence inéluctable de la numérisation structurée et balisée des corpus de SHS. Pour certains, tout se passe encore comme si l’introduction du numérique, des réseaux et des langages balisés ne devait en rien bouleverser leurs méthodologies, leurs règles d’échange des résultats, leurs modalités d’édition et surtout leurs modes d’accumulation de corpus.

11En sommes, nous dirions que pour réussir complètement la mutation du monde des Humanités, les Humanités digitales doivent non seulement être connues, mais il faut aussi que toutes les communautés savantes (notamment en littérature) se les approprient, pour qu’enfin la mutation soit complète au point d’invalider a priori toute recherche ne s’inscrivant pas dans une démarche ne tenant pas compte des nouvelles règles. C’est d’ailleurs ce qui devient obligatoire dans le continent américain et dans les grands pays d’Europe du nord : les conservateurs de bibliothèques présents à Rome à l’Université la Sapienza pour le colloque TEI en octobre 2013 l’ont souligné unanimement : « désormais, un projet de financement de bibliothèque numérique qui ne se fonde pas sur la TEI est systématiquement refusé ». Souhaitons-nous (au prétexte que la Francophonie est moins avancée en la matière que monde anglophone) refuser de nous inscrire dans le progrès du traitement numérique de la recherche littéraire ? D’ailleurs ce risque devient d’année en année de moins en moins vrai : l’École des Chartes, l’ENS, le CNRS sont particulièrement en pointe sur ces sujets même si une communauté agissante de chercheurs traditionnels refuse obstinément de s’inscrire dans cette modernité : querelle des sorbonnardes contre les Humanistes !

12Bref, de multiples facteurs transforment aujourd’hui très en profondeur non seulement les habitus du chercheur, mais les habitus collectifs des chercheurs qui se trouvent confrontés à une contradiction majeure : être écartelés entre l’exigence grandissante de « jouer en équipe » alors que la plupart des systèmes d’évaluation des chercheurs sont encore conçus pour privilégier l’originalité individuelle et la concurrence avec ses partenaires directs. Il est en effet indéniable que la mise en commun des ressources, les ressources ouvertes, les Humanités digitales tendent à gommer la propriété individuelle des travaux au bénéfice d’une méta-propriété des objets de sciences devenant « Biens communs » même s’ils doivent être travaillés avec assiduité et détermination par des individus rassemblés en collège mondiaux qui tendraient de plus en plus à renouer avec les civilités de bonne compagnie qui avaient cours à l’Académie des Lynx, au tout début du 17e en Italie.

Les enjeux SIC de la recherche littéraire

13N’oublions pas la position du chercheur en SIC dont les enjeux sont évidemment distincts des enjeux du chercheur en littérature. Il se doit particulièrement d’étudier les processus d’innovation, d’appropriation et d’usage de la TEI.

14On peut comprendre à la rigueur que le spécialiste de littérature qui a consacré trente ans de sa vie à approfondir l’œuvre de tel ou tel poète, répugne à voir la totalité de ses recherches, numériquement instrumentalisées, pour devenir ipso facto un bien commun mondialement partageable et cumulable avec d’autres recherches recoupant les siennes. De fait cette crainte peut être largement compensée par d’autres satisfactions et mêmes des positions de pouvoir que peut lui apporter sa compétence s’il sait s’adapter ad minimum aux règles de l’édition des corpus numériques et aux nouveaux enjeux de la recherche collégiale. Il trouvera aussi dans la recherche collaborative mondiale en réseaux des satisfactions scientifiques d’une échelle beaucoup plus vaste que ce que pouvait lui apporter ses pratiques des rencontres présentielles et le long et patient travail toujours recommencé de la consultation des fonds des réserves des bibliothèques dont il avait l’intuition qu’elles devaient contenir quelques « pépites ou faits littéraires jusqu’ici inconnu ». Ces découvertes, ces nouvelles hypothèses étaient ensuite transmises à la communauté des chercheurs du domaine sous la forme exclusive de publications ou de communications, ce qui faisait certes avancer la recherche littéraire, mais uniquement par l’ajout d’un métadiscours sur la littérature.

15Dans les vastes pans de la littérature ancienne et moderne qui deviennent numériques12, les corpus TEI grandissent d’année en année. Pour les jeunes générations de chercheurs en littérature la question ne se pose plus désormais : c’est dans la recherche en Humanités digitales et notamment en TEI qu’il faut s’inscrire. Ils sont des « digital natives » et s’ils se plient quelquefois au conformisme sorbonnard, c’est uniquement par crainte, mais à terme d’une génération les « mandarins non digital natives » auront tous disparus.

16Dès lors il est urgent, pour nous chercheurs en SIC, de bien comprendre les enjeux émergents et de ne pas épouser de vieilles querelles. Le survol des différentes facettes de recherche littéraire est pour nous essentiel parce qu’il nous permet de comprendre comment se nouent les questions d’information et de communication. La première distinction qui nous paraît fondamentale, c’est de comprendre que tous les objets de scientifiques (et la littérature n’y échappe pas) sont l’objet de deux niveaux schématiques de formalisme : un premier niveau du formalisation consensuelle des concepts généralement admis par toute la communauté de la discipline et un second niveau de formalisation des hypothèses innovantes d’une école de pensée, ou mieux, d’un ou plusieurs chercheurs isolés posant des hypothèses ou communiquant des résultats. C’est grâce à l’interaction entre ces deux niveaux de formalisation que la recherche scientifique avance. Sur un état de l’art dans un consensus partagé par la communauté de la recherche littéraire (il existe des manuels de métrique française, anglaise, arabe, latine, etc. les figures de style sont décrites, tous les auteurs de littérature mondiales, leurs œuvres, leurs héros, les genres littéraires, sont décrits, analysés et globalement admis par tous), le chercheur véritablement innovant devra invalider des positions « classiquement admises », augmenter, spécifier, raffiner des modes de structuration ou d’analyse qui fonctionnent bien dans la communauté des chercheurs : par exemple découvrir et décrire un poète toscan très peu connu, le rattacher à une école plus large, montrer qu’il fut le premier inventeur « primitif » d’une forme de métrique jusqu’ici inconnue, mais bien connue dans sa période d’émergence première. La TEI donne à tout chercheur innovant des outils et des modes de balisage pour spécifier des attributs voire proposer de nouvelles balises. Sur le premier niveau des modalités de descriptions consensuelles largement partagées (celui par exemple de la description des vers en ligne, de leur association en groupe de vers (tercet, quatrain, sonnet, etc.) de leur nombre de pieds, de leur scansion et de leur arrangement tonal, de leur structure interne (hémistiche), de leur types de rime (riche ou pauvre, embrassées ou alternée, masculine ou féminines), il pourra proposer de décrire une structure connue de façon jusqu’ici inédite. Ainsi, dans la plupart des cas un texte sera qualifié structurellement, référentiellement et sémantiquement par des balises : par exemple en théâtre, les trois balises fondamentales <speaker> (intervenant du dialogue) ; <speech> (fragment de dialogue) ; <stage> (didascalie), permettent de répondre en volume relatif, à 80 % des besoins de balisage. Sur ce niveau princeps évidemment consensuel, mais fondamental pour l’échange, l’originalité du chercheur consistera13 à articuler un deuxième niveau permettant qualifier ce premier niveau. Certains attributs (ou structures de 2e niveau) peuvent être triviaux (spécifier un speaker en le liant à un membre d’une liste des personnages), établir des typologies de didascalies (déplacement, postures, décor, costumes…) ; mais d’autres permettent de décrire ce qui est au cœur de l’originalité de la recherche littéraire par exemple une interprétation stylistique, une description originale de la narrativité, de gérer les personnes, les lieux de façon très documentée, interactive et inter-œuvre ou autre exemple plus technique, proposer un ordre (paginer), des feuilles de manuscrit dont l’ordre est inconnu ou dont la pagination actuellement reconnue est supposée fausse par le chercheur.

17Dans tous les cas le chercheur en littérature (et plus largement le chercheur en SHS), partagera son temps, comme en sciences expérimentales, en période de dépouillement, de rassemblement, de structuration numériques des corpus (qui peuvent être pour parties plus ou moins automatisées) et des périodes plus créatives. C’est en effet en confrontant les données de ses propres corpus, en les liants (grâce à l’interopérabilité) à d’autres corpus, en comparant ses méthodes et ses modes de structuration à ceux d’autres chercheurs d’un sous-collège TEI mondial, en calculant ces différentes dimensions structurelles, sémantiques et référentielles qu’il innovera véritablement tout en reversant ses travaux pour donner de la valeur scientifique ajoutée à la totalité des patrimoines littéraires codés en TEI.

18Nous aimerions conclure en balayant rapidement quelques niveaux d’usages qui nous intéressent particulièrement.

19La Chaire ITEN–Unesco nous paraît être évidemment destinée à cibler de la recherche littéraire comparée avec des territoires linguistiques aujourd’hui peu impliqués par la TEI : c’est ce que nous avons commencé à mettre en œuvre en Chine14 et au Maghreb (HumanitéDigitMagreb, BNBF, MEI&TEIeuromed15).

20Un autre point qui nous paraît fondamental consisterait à lier (dès le lycée) la pédagogie de la littérature à l’élaboration consensuelle de grand corpus littéraires, voire de corpus de littérature étrangères16 ou comparées (étude des langues). Cette dernière hypothèse permettant la constitution de patrimoines numérique balisés dans leur dimension triviale par des lycéens ou des étudiants de 1e cycle, nous paraît être très fructueuse dans la mesure où elle permettra à bas coût de constituer des vastes corpus littéraires exhaustivement numériques mais aussi interopérativement balisés ce qui multipliera exponentiellement les potentiels de recherche littéraire17. Cela permettra aussi d’impliquer très tôt les littéraires aux niveaux véritablement intéressants de la recherche littéraire.

21Autre enjeu qui n’est pas celui-là l’axe d’étude direct des deux auteurs, l’intelligence sémantique des textes et la traductique d’il y a 20 ans dépendait surtout de l’investissement des industriels du domaine pour établir et associer un contexte. Désormais l’ISO s’est associée avec le TEIconsortium pour produire une norme de description des traits linguistiques18. En appliquant cette norme permettant de qualifier (en grande partie avec des automates logiciels) aux patrimoines littéraires19 de telle ou telle langue, on est actuellement en passe de faire progresser la traductique et l’intelligence automatique des textes dans des domaines qui semblaient jusqu’ici impossible à résoudre, par exemple traduire la poésie et les figures de style.

Notes

1  Captation et redéfinition des activités et rôles respectifs, devenir des droits d’auteurs, des copyrights, des formats (e-book) ouverts ou verrouillés et des potentiels de leur interactivité.

2  L’Association for Computers and the Humanities, l’Association for Computational Linguistics (ACL) et l’Association for Literary and Linguistic Computing (ALLC).

3  Text Encoding Initiative Consortium, 30 Addison St., Arlington, MA 02476 USA. le « TEI Consortium » est une institution sans but lucratif financée par ses 64 membres, parmi lesquels on peut compter : *le Reachearch Technologies Service à l’Université d’Oxford (UK), *le Scholary Technology Group à l’Université Brown (Rhodes Island -USA), *l’Electronic Text Center et l’Institute for Avenced Technologies in the Humanities à l’ l’Université de Virginie (USA),et un pôle francophone à Nancy composé de l’ATILF, de l’INIST et du LORIA mais aussi l’OpenEdition (portail de publication en sciences humaines et sociales créé par le Centre pour l’édition électronique ouverte financé par le CNRS, l’EHESS, l’Université d’Aix-Marseille, l’Université d’Avignon, la Fondation Calouste Gulbenkian et Google).

4  Ploughkeepsie (NY ; USA) est la ville où est situé le Vassar Collège.

5  Première édition en 1994, la version TEI P5 la plus récente : P5: Guidelines for Electronic Text Encoding and Interchange ; by the TEI Consortium ; edited by C.M. Sperberg-McQueen and Lou Burnard for the ACH-ALLC-ACL Text Encoding Initiative Version 2.6.0. Last updated on 20th January 2014, revision 12802

6  En instrumentant ce balisage dans un environnement d’édition XML.

7  Umberto Eco, Lector in fabula Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs (traduction par Myriam Bouzaher), Editions Grasset, 1979, 315 pages

8  Hudrisier, garance & henri. Les enjeux culturels et didactiques de la lecture assistée par ordinateur, in Le français aujourd’hui, n° 129, 2000 Ordinateur et textes une nouvelle culture.

9  Selon Danielle PORTE, (Rome : l’esprit des lettres, Paris, La découverte, 1993, 193 p) au temps d’Auguste une œuvre littéraire pouvait être « éditée » jusqu’à 2000 exemplaires qui étaient lus dans les plus lointains territoires de l’Empire.

10  L’étude des manuscrits modernes (postérieurs à l’invention de l’imprimerie) relevant plutôt de la génétique textuelle. Notons au passage l’étude génétique, elle aussi passionnante, (mais selon quelles sources?), des manuscrits littéraires de l’ère numérique.

11  Pour le chercheur en littérature, les corpus « disponibles en mode image » peuvent être un avantage voire indispensable dans la mesure où ils permettent d’accéder à une mise en page (notamment les frontispices, lettrines et autres culs-de-lampe) d’édition anciennes ou bibliothèques annotées d’auteurs. Les Recommandations (Guidelines) TEI dans les chapitres « étude des manuscrits » et « documents primaires » définissent précisément des « processus standards de synergie » entre mode image et texte numérisé qui permettent aux chercheurs d’utiliser ces mécanismes et de se consacrer aux hypothèses à forte valeur ajoutée des aspects visuels du texte.

12   Surtout des langues européennes mais pas seulement, Chine, Japon, Corée, monde arabe.

13  En général avec des attributs mais aussi avec des balises plus sémantiques, voire des balises codant des variantes, des datations, etc.

14  Institut de la Communication à l’Université de Wuhan.

15  HumanitéDigitMagreb (projet financé par l’ISCC-CNRS), BNBF (Bibliothèque Numérique Franco-Berbère, projet financé par l’Organisation Internationale de la Francophonie), MEI&TEIeuromed (Music Encoding Initiative et TEI pour la musique et la poétique euro-méditerranéennes ; projet financé par la MSH Paris Nord)

16  Cette hypothèse nous paraît notamment pouvoir être très fructueuse pour des lycéens en diaspora.

17  Hudrisier, H. & Romary, L. (2003). Le balisage normalisé des concepts et documents en liaison avec les normes de l’EAD. Colloque Normes & standards pour l’apprentissage en ligne, Versailles, 19/03/03. En ligne (consulté le 16/03/04) : http://www.initiatives.refer.org/Initiatives-2003/_notes/_notes/henri.htm

18  Gestion des ressources linguistiques : les structures de traits (ISO TC 37/SC 4) et représentation des langues, Colloque de l’Association des informaticiens de langue française (AILF), sous le haut patronage de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), Paris, 2009

19  Et même aux patrimoines textuels en général.

Pour citer ce document

Henri Hudrisier et Ghislaine Azémard, «La TEI : un collège mondial et un outil commun pour la recherche en littérature», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 10-Varia, QUESTIONS DE RECHERCHE,mis à jour le : 20/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=601.

Quelques mots à propos de : Henri Hudrisier

Université de Paris 8, ITEN-Unesco

Quelques mots à propos de : Ghislaine Azémard

Paris 8, Paragraphe, LEDEN