Aller la navigation | Aller au contenu

> Axe 1

Isabelle Pybourdin et Lucia Granget

Engagement et réseau : une expérience de recherche-action-REVE

Article

Texte intégral

1Cette réflexion porte sur les ressources construites par les territoires dans le but de faire coopérer des acteurs professionnels complémentaires issus de milieux hétérogènes. Elle se fonde sur l’étude d’une expérience de recherche-action Réseau Enfance et Vie Éducative (REVE) menée pour une collectivité territoriale, dont l’ambition est de construire une communauté de pratiques basée sur des valeurs et des expériences partagées. L’objectif est de déterminer si une structure de médiation globale permettait de mieux prendre en compte les besoins éducatifs de l’enfant en souffrance et de proposer rapidement des solutions adaptées à sa personnalité et à ses besoins.

L’engagement par le lien : ciment du réseau

2Le projet s’intéresse à la problématique de l’engagement volontaire d’acteurs professionnels en vue d’accompagner des enfants en difficultés d’apprentissage et/ou de vie. L’autonomie des acteurs est privilégiée, en référence au paradigme de la Troisième voie (Giddens & al., 2006). La démarche s’inspire de l’éthique du développement durable par la valorisation des principes de participation, d’approche globale et équilibrée des territoires et de partenariat. L’objectif consiste à favoriser d’une part, un décloisonnement inter professionnel et inter institutionnel entre différents acteurs intégrant un réseau et d’autre part, de placer l’enfant et sa famille au cœur du dispositif. L’accompagnement de l’enfant est envisagé en tant que partie d’un système complexe, diversifié, en interaction permanente et nécessitant des interventions intersectorielles et participatives (Boutang, 2007). L’appartenance au réseau induit le partage de valeurs communes et à la mise en œuvre de pratiques professionnelles indissociablement liées. L’enfant se situe au cœur des préoccupations des membres, ni agent, ni acteur, il devient l’auteur de son projet personnel. La constitution d’un tel réseau réticulaire et distribué favorise la mise en place d’outils et de dispositifs centrés sur l’activité d’accompagnement, le travail d’organisation et l’intensification des relations entre les acteurs professionnels.

L’engagement exige une autre forme de communication

3La problématique exposée relève du champ de la communication des organisations. L’hypothèse interroge en quoi l’action collective et concertée est un facteur d’amélioration de l’accompagnement des enfants. Le réseau constitue une forme organisationnelle souple qui privilégie la coordination. Toutefois, l’apprentissage d’une nouvelle organisation du travail par les acteurs au sein de cette coordination est nécessaire car chacun est issu d’un univers professionnel différent.

4Le lien entre ces acteurs se tisse sur la base d’une nouvelle intentionnalité inter individuelle pour comprendre autrui, coordonner l’action et favoriser l’engagement. Les communautés de pratiques ainsi établies représentent des groupes d’individus partageant un même centre d’intérêt et se caractérisant par le tissage de liens forts. Ce dernier suppose un décloisonnement de l’activité de chacun : chaque intervenant devient relais pour les autres. La coopération s’effectue au cas par cas, selon un problème concret à résoudre, en fonction du domaine de compétence sollicité. La communication entre les acteurs dépasse le simple flux entre deux entités, situées dans un organigramme. Il est indispensable d’élaborer un processus de communication circulaire orientée vers l’intercompréhension et le sens selon le paradigme de la signification. Elle s’inscrit dans une problématique du lien, du sens, de l’action et de l’interaction qui valorise l’intentionnalité des acteurs locaux, contribue au développement de leur coopération et de leur mise en confiance réciproque au plan local. Les réseaux peuvent donc représenter des manières de faire du lien au sein d’un territoire.

5L’engagement dans REVE souligne le désir de lien, mais aussi un désir du “Grand Autre”. On assiste à un retour de l’idée de symbole entendu comme ce qui met ensemble, ce qui jette ensemble dans le même objet ou le même projet. L’engagement suppose, en amont, la reconnaissance d’un contrat explicite passé entre des acteurs qui décident librement de partager une même visée. La vie du réseau repose, alors, sur un symbolisme fort : un contrat de confiance, la cohabitation d’une diversité d’expériences, une mémoire collective, des valeurs morales et humaines, soit les signes de l’alchimie du lien pour que la « mayonnaise sociale » prenne (Bougnoux, 2008). Tout l’enjeu du réseau consiste à questionner les pratiques professionnelles locales, à les enrichir de points de vue diversifiés et d’expériences concrètes. Le réseau REVE se conçoit comme une clinique de l’activité qui pense le travail comme la possibilité de pouvoir agir ensemble sur le monde et sur soi-même.

Bibliographie

BOUGNOUX D. (2008), « La fonction symbolique créatrice de lien », in Batazzi, C., Masoni Lacroix, C. (Dirs), Communication, organisation, symboles, Revue MEI, n° 29, L’Harmattan, Paris, p. 7-17.

BOUTANG Y. M. (2008), La société pollen, nouvelle économie politique à l’ère du capitalisme cognitif, Paris, Hachette, coll. Pluriel.

GIDDENS A., DIAMOND P., LIDDLE R. (2006), Global europe, Social Europe, Cambridge, Polity Press.

Pour citer ce document

Isabelle Pybourdin et Lucia Granget, «Engagement et réseau : une expérience de recherche-action-REVE», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 10-Varia, DOSSIER, > Axe 1,mis à jour le : 20/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=625.

Quelques mots à propos de : Isabelle Pybourdin

Quelques mots à propos de : Lucia Granget

USTV, Mail : granget@univ-tln.fr