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> Axe 4
Dispositif transmédia : d’une logique à un écosystème
Texte intégral
1Qu’elles soient énoncées par des acteurs éminents du marché médiatique (Koster, 2002 ; Pratten, 2010) ou se positionnent au croisement des domaines académique et fan (Hill, 2002 ; Jenkins, 2007), différentes approches du transmédia avancent deux dimensions principales : un univers fictionnel augmenté par des créations de contenus et l’expérience unifiée d’un public engagé, dimensions qui convergent vers un marché en mutation. Nous qualifions doublement la dimension « trans », qui met en jeu les dimensions relationnelles horizontales existantes entre différents acteurs et entités d’un dispositif, tout autant qu’une dimension de synthèse, de verticalité de celui-ci. Ainsi, nous attachons-nous à déterminer si une logique transmédia anime le marché du divertissement, où les financements, les formats et les codes narratifs télévisuels restent encore dominants, partant à envisager la construction d’un écosystème du marché français du transmédia, qui articule des dimensions économiques, narratives et participatives.
2Une première approche typologique laisse apparaître quatre grands types de transmédia. Les outils transmédias (SMS, blog, sites associés, outils de géolocalisation, logiciels de tracking…) interrogent la mise à disposition d’une ou de plusieurs interfaces, qui définiront les degrés d’engagement et donc d’écriture du produit transmédia, en même temps que celle du niveau d’équipement des publics. Le transmédia de connivence, héritier des formes participatives des médias (dont la télévision participative), prolonge un concept de programmes ou d’articles à travers le principe de recommandation et d’expression d’opinion. Ce type de transmédia, à écriture scénarisée, est aujourd’hui massif, et sa mise en œuvre relativement bon marché. Viennent ensuite les transmédias à écriture fictionnalisante, pour lesquels l’engagement sollicite un parcours dans et par la narration, la collaboration restant le plus souvent centrale. Nous avons, dans un premier temps, différencié le transmédia webcentré, comme certains webdocumentaires, non lié à un programme existant, conçu pour une lecture sur Internet via l’ordinateur et les écrans numériques mobiles, du transmédia massmédiatique, dont la caractéristique principale est d’accompagner la diffusion d’un programme de masse, le plus souvent afin d’en assurer une meilleure promotion. Dans un second temps, nous avons distingué le transmédia promotionnel du transmédia natif, et en particulier de la fiction totale proposée par Éric Viennot, fondateur de Lexus Numérique, (société de développement transmédia). Le transmédia promotionnel reste plus proche des pratiques actuelles de production et peut être typologisé en transmédia de transition, qui fait se succéder deux univers médiatiques narratifs clos et indépendants, avec deux temporalités, par exemple une série télévisée et le jeu qui lui est affilié sur Internet, selon les principes d’une économie de la clôture narrative et le transmédia d’accompagnement, qui sollicite des niveaux de congruences de temporalités et de fils narratifs multiples. Deux économies de production et de diffusion, au moins, en découlent : une économie récente de l’“évènementisation” narrative priée de faire se rejoindre sporadiquement le flux narratif principal autonome d’une série, par exemple et d’un MMORPG ; et une économie de la congruence narrative pour laquelle le flux narratif secondaire du jeu, souvent conçu sous la forme d’un ARG, vient enrichir l’univers narratif de la série. Poussée à son paroxysme, cette dernière laisse place à la fiction totale et à une économie croisée transmédiatique (ou de symbiose narrative), où ne subsistent plus qu’un flux narratif et une temporalité uniques, construits dans l’interdépendance des médias. Avec le transmédia massmédiatique, webdoc, webreportage, transfiction, acteurs de la télévision et de la presse, ont adopté une stratégie de reconquête de l’espace public audiovisuel sur le net.
3Une logique transmédia ludo-narrative catalyse la recomposition actuelle du marché télévisuel, dessinant un écosystème dans lequel acteurs historiques (groupes multimédias, État, producteurs…) et nouveaux entrants (FAI, sites de vidéo virale, SVOD, développeurs de sites associés, développeurs de jeux…) élaborent de nouvelles relations avec les publics traditionnels et émergents. Cette stratégie d’engagement des publics se déploie de leur participation à un univers diégétique ludique, à leur collaboration, suscitant leur enrôlement, jusqu’à leur immersion dans un monde narratif (Storyworld).
4Ces pratiques définissent un nouveau système d’organisation industrielle : une économie croisée qui s’appuie sur un ou des dispositifs autant sociaux, techniques que narratifs : utilisation de plateformes de conception dédiées, prescription d’interfaces, mise à contribution et orientation des usages des réseaux sociaux, formation et valorisation des compétences des publics, pérennisation et métissage des genres et des pratiques narratives.
Bibliographie
HILL M. (2002), Fan Cultures, London, Routledge.
JENKINS H. (2007), http://henryjenkins.org/2007/03/transmedia_storytelling_101.html consulté le 23 juillet 2011.
KOSTER R. (2002), http://www.raphkoster.com/gaming/gdc_2002_Storytelling.pdf consulté le 21 septembre 2012.
PRATTEN R. (2010), http://www.tstoryteller.com/types-of-transmedia consulté le 21 septembre 2012.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Céline Masoni Lacroix
UNSA, celilac@orange.fr
Quelques mots à propos de : Bruno Cailler
UNSA, bruno.cailler@gmail.com