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DANS L'ACTUALITÉ

Mélanie Bourdaa et Laetitia Biscarra

Les études médiatiques au prisme du genre

Éditorial

1Dans le champ des Sciences de l’Information et de la Communication, l’année 2009 a été marquée par la parution de deux numéros thématiques de revues consacrés respectivement aux femmes et aux études de genre en communication. D’une part, Claire Blandin et Cécile Méadel coordonnaient le dossier « La cause des femmes » publié dans Le temps des médias (n° 12). Partant de l’hypothèse que les médias sont à la fois prescripteurs d’une doxa et un espace d’expression de revendications, le dossier effectuait un retour historique sur le rôle des médias dans l’émancipation des femmes. D’autre part, la revue Questions de communication (n° 15) publiait un dossier intitulé « Penser le genre en Sciences de l’Information et de la Communication et au-delà » sous la direction de Béatrice Fleury et Jacques Walter. Les contributions interrogeaient la discrétion des Sciences de l’Information et de la Communication face aux études de genre au regard de la discipline, de l’ancrage universitaire et sociopolitique mais aussi des objets de recherche, notamment dans le champ des études médiatiques. Quatre ans plus tard, ce dossier thématique des Cahiers de la SFSIC participe de la reconnaissance scientifique et institutionnelle de la problématique « Genre et Médias » en Sciences de l’Information et de la Communication. Il s’inscrit en regard de deux productions centrales : d’une part, le dossier « Genre et médias : vers un état des lieux », dirigé par Marlène Coulomb-Gully dans Sciences de la société (2011) ; d’autre part le dossier « Le genre dans la communication et les médias », coordonné par Virginie Julliard et Nelly Quemener pour la Revue française des Sciences de l’Information et de la Communication (2013).

2Autour des contributrices réunies dans ce dossier, Les Cahiers de la SFSIC se proposent de participer de l’état des lieux de la recherche française à l’articulation des études médiatiques et des études de genre. Dans un premier temps, Marlène Coulomb-Gully revient sur les différentes étapes qui ont jalonné l’introduction puis l’appropriation de l’opérateur Genre par le champ des Études Médiatiques. Elle procède à une cartographie du champ scientifique et pose une série de préconisations. Parce que le terme générique « Médias » renvoie à une multiplicité de réalités, nous nous attachons ici à prendre en compte les différentes étapes du processus de communication médiatique. Aussi Cégolène Frisque s’intéresse-t-elle aux instances de production. Elle interroge la place des femmes dans les organisations médiatiques en lien avec les politiques d’égalité professionnelle. L’enjeu est central, tant du point de vue de l’égalité entre femmes et hommes dans la sphère professionnelle que des catégorisations genrées véhiculées par les représentations.

3Claire Blandin et Bibia Pavard partagent ce constat. Leur contribution s’attache à un objet de presse trop souvent perçu comme « illégitime » et propice aux analyses genrées, la presse féminine. Les auteures dressent une archéologie des recherches menées sur cet objet. Elles soulignent la pertinence de la catégorie d’analyse genre, tant du point de vue des représentations que de la réception et de la production. Sur ce point, elles soulignent la nécessité d’une sociohistoire des journalistes de presse féminine dans l’analyse de la fabrique médiatique du genre. Sandy Montañola met quant à elle en exergue les enjeux scientifiques d’un autre objet de recherche qui fut également longtemps désigné comme « illégitime », le sport. L’articulation entre sport, genre et médias est en effet centrale, tant du point de vue de la socialisation des pratiques sportives que de la construction des identités. L’auteure effectue un état des lieux des travaux sur la médiatisation du sport sous l’angle du genre : ceux-ci portent sur les logiques éditoriales, les représentations et des lectorats.

4La transversalité du genre fait de cet opérateur une ressource précieuse pour les multiples terrains et objets de recherche du champ communicationnel et médiatique. L’article de Nelly Quemener est à ce titre éclairant. Elle stipule que la construction des savoirs au prisme du genre dans le champ des Sciences de l’Information et de la Communication prend toute sa pertinence dès lors qu’on appréhende la dimension performative des médias en termes de genre. Afin d’analyser au plus près la polyphonie des dispositifs énonciatifs, Nelly Quemener plaide pour une approche du genre comme performativité et performance : s’ils sont porteurs d’un sexisme systémique et hétéronormé, les dispositifs médiatiques véhiculent également, dans leurs interstices, des reformulations - potentiellement - subversives des modèles hégémoniques. Marion Dalibert insiste également sur la nécessité de dépasser le binarisme de genre afin d’analyser au plus près l’accès à la visibilité des groupes sociaux minoritaires. Elle revendique une approche intersectionnelle qui prenne en compte les différents attributs catégoriels qui concourent à la construction discursive de ces identités dans la sphère publique et médiatique. Enfin, Virginie Julliard se saisit également de cette piste intersectionnelle. L’analyse des pratiques culturelles numériques des usagers de sites de rencontres amicales et amoureuses met au jour les différentes négociations des normes de genre qui opèrent, à l’intersection des logiques éditoriales et des pratiques des internautes. Les résultats soulignent par ailleurs l’étroite articulation entre les normes de genre et les autres rapports de pouvoir (âge, classe sociale, catégorie ethnoraciale).

5La diversité des approches et objets de recherche présentés dans ces articles témoigne de la richesse et la fécondité des approches genrées dans le champ des Études médiatiques. L’inscription de la notion de genre à l’agenda des Sciences de l’Information et de la Communication, démarche dans laquelle s’inscrit ce dossier, est ainsi caractéristique des enjeux scientifiques de notre interdiscipline. L’usage du genre comme catégorie d’analyse transversale incite en effet à repenser les implicites qui sous-tendent nos pratiques de recherche. Cette démarche s’inscrit pleinement et légitimement au cœur d’un champ disciplinaire qui ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur les dispositifs et discours qui le structurent.

Bibliographie

BLANDIN C. et MEADEL C. (coord.), « La cause des femmes », Le Temps des Médias, n° 12, 2009.

COULOMB-GULLY M. (dir.), « Genre et médias : vers un état des lieux », Sciences de la Société, n° 83, 2011.

FLEURY B. et WALTER J. (dir.), « Penser le genre en sciences de l’information et de la communication et au-delà », Questions de communication, rubrique Échanges, n° 15, 2009.

JULLIARD V. et QUEMENER N. (coord.), « Le genre dans la communication et les médias », Revue française des Sciences de l’Information et de la Communication, rubrique Émergences, n° 4, 2013 (à paraître).

Pour citer ce document

Mélanie Bourdaa et Laetitia Biscarra, «Les études médiatiques au prisme du genre», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 9-Varia, DANS L'ACTUALITÉ,mis à jour le : 22/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=697.

Quelques mots à propos de : Mélanie Bourdaa

Université de Bordeaux 3, MICA. Courriel : melaniebourdaa@yahoo.fr

Quelques mots à propos de : Laetitia Biscarra

Université Jean Monnet- St Étienne, MICA. Courriel : laetitiabiscarra@hotmail.com