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Participer, coopérer et collaborer en milieu scientifique…
Texte intégral
1L’évolution de l’écosystème de la communication scientifique est marquée par la vague participative du web, la croissance des données interrogeables, l’interopérabilité des références scientifiques et la modification du paysage éditorial par l’accès libre aux résultats des recherches. Ces tendances qui perdurent façonnent trois types de modification dans la communication scientifique : la première est liée à la diversification des modalités de citation – cheville ouvrière de l’évaluation, la deuxième concerne la production scientifique en tant qu’activité publique d’écrilecture et la troisième concerne les conditions collaboratives de la production scientifique1.
2Il nous semble indispensable de distinguer tout d’abord les trois modes de contribution dans la communication scientifique : participer, coopérer et collaborer.
3Participer signifie « prendre part à… ». La participation est la condition minimale pour qu’une contribution puisse se produire. Participer consiste à prendre part à une initiative en acceptant les règles proposées et en se conformant à des attendus. Par exemple, poser un commentaire critique dans un blog c’est participer au dispositif éditorial.
4La vague participative du web et ses multiples réceptacles de conversations écrites et orales, sous forme de textes, d’images et vidéos entraîne des changements sociétaux importants : le public dans son ensemble, ou plus exactement, les consommateurs de médias numériques, publient leurs productions originales, copies, plagiats, émotions et réflexions dans des univers contrôlés capteurs d’attention (réseaux sociaux, plateformes vidéos, etc.). Leurs consultations y sont enregistrées et leurs profils sont générés à partir du tamisage de plus en plus fin des croyances, idéologies, opinions, goûts, etc.
5Un exemple de « participation sociale » dans la communication scientifique est le retentissement enregistré sur le web de la publication publiée à ses différents états (preprint, print, postprint, billet de blog, etc.). Bookmarkées (dans des gestionnaires de référence en ligne), sauvegardées (téléchargées), discutées (sous forme de commentaires) et diffusées (blogging, microblogging, like et autres…), les publications ont donc un usage sur le web qui peut être littéralement être tracé. Cette participation enregistrée de traces de consultation et de lecture par des internautes intéresse les éditeurs scientifiques (CiteUlike est sponsorisé par Springer, Mendeley a été racheté en juin 2013 par Elsevier).
6La notion d’altmetrics fondée par Priem et al. en 20122 est basée sur ce principe qui a pour objectif d’établir une mesure de la participation est le signe d’une diversification de la notion de citation.
7La coopération qui signifie « prendre part, contribuer à une œuvre commune » concerne tous les projets fédérant des équipes qui travaillent à un objectif commun, comme par exemple la rédaction d’un projet de recherche européen distribué entre plusieurs équipes (ex : domaine de l’aéronautique).
8Dans une activité de coopération, les activités à réaliser sont partagées selon le but commun à atteindre. Chacun réalise une partie du travail indépendamment de la partie accomplie par les autres membres de l’équipe. Les tâches sont réalisées en parallèle et l’objet à réaliser est éclaté pendant son élaboration. Il s’agit souvent de cas de reproduction du schéma classique de division du travail : les sous-tâches indépendantes sont réparties entre les contributeurs et sont réalisées dans le même temps.
9Un exemple de « coopération » est à prendre dans les plateformes créées par les acteurs institutionnels de la recherche identifiées par E. Bester3 dans l’objectif de fédérer des recherches, de procurer les outils nécessaires à l’exploitation des données dans un cadre collaboratif :
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les infrastructures numériques pour l’e-science ou Virtual Research Environments (VREs)4 visent à interconnecter les outils, les ressources et les chercheurs. L’attention est davantage portée sur l’architecture (distribuée) et les normes (d’interopérabilité) que sur une/des application/s spécifiques. Ils doivent permettre la connexion entre un grand nombre d’institutions, et doivent pouvoir s’adapter à toutes les disciplines5 ;
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les architectures logicielles de type Collaborative Information Frameworks (CFI) sont des boites à outils regroupant plusieurs applications (espace de stockage/travail personnel/partagé, publication, annotation, conférences en ligne, etc), des services avancés (thesaurus, textmining), s’interconnectant avec des bases de données.
10Collaborer suppose une responsabilité accrue dans la gestion et l’accomplissement des tâches. Alors que la coopération est conditionnée par une hiérarchie dans les activités et la non remise en cause des objectifs communs, l’activité de collaboration suppose la possibilité de discuter des règles. Évidemment, des phases collaboratives peuvent se retrouver dans un projet coopératif et des phases coopératives peuvent se retrouver dans des phases collaboratives, comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent. Ces deux activités ne s’excluent pas l’une l’autre. Cependant, une différence notoire se tient dans la façon de réaliser des accords qui doit passer par un consensus entre les acteurs impliqués dans le cas de la collaboration alors que celui-ci n’est pas nécessaire dans le cas de la coopération6.
11Wikipédia par exemple est l’exemple type d’un modèle de la collaboration évoluant vers la coopération. Si, à ses débuts, participer à l’encyclopédie supposait partager les responsabilités éditoriales et discuter des décisions collectives, l’évolution vers des tâches hiérarchisées et des rôles prédéfinis affectés à des procédures et chargés de faire respecter des règles a conduit à maintes situations où le rédacteur d’une entrée wikipédia voyait « sa » page détruite car ne correspondant plus aux canons éditoriaux de l’encyclopédie.
12Un exemple réussi de collaboration dans la communication scientifique est la « simple » tenue d’un blog à plusieurs avec partage des responsabilités éditoriales que l’on trouve fréquemment sur la plateforme Hypothèses7. De nombreuses initiatives tentent aussi de faire évoluer les modalités d’évaluation classique des publications scientifiques en surmontant les résistances qui s’opposent au nivellement hiérarchique opéré par le processus collaboratif. Ainsi, l’ouverture annoncée de la plateforme en développement Hypothes.is8 pour l’évaluation collaborative des connaissances à travers une couche d’écriture annotative pourrait donner au peer-reviewing un nouvel élan.
Notes
1 Broudoux E., L’écosystème scientifique à l’heure de la participation sur le web. Communication acceptée à H2PTM, octobre 2013.
2 Priem J., Piwowar H., Hemminger B. Altmetrics in the Wild (2012) Using Social Media to Explore Scholarly Impact. http://arxiv.org/abs/1203.4745
3 Bester E. « Les réseaux numériques scientifiques : état des lieux et analyse » in Colloque Médias011, 2011. http://www.medias011.univ-cezanne.fr/index.php?id=7218
4 http://www.jisc.ac.uk/programme_vre.html
5 http://www.jisc.ac.uk/whatwedo/programmes/vre1/bvreh.aspx
6 Panitz T. A Definition of Collaborative vs Cooperative Learning, 1996. URL : http://home.capecod.net/~tpanitz/tedsarticles/coopdefinition.htm
7 Exemple : Les têtes chercheuses. URL : http://teteschercheuses.hypotheses.org
8 URL : http://hypothes.is/
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Évelyne Broudoux
CNAM, DICEN