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Annaïg Mahé et Camille Prime-Claverie

Participation, contribution de l’auteur dans les archives ouvertes : d’une position militante à la prescription institutionnelle

Article

Texte intégral

1La participation des auteurs est au cœur des problématiques du libre accès à l’information scientifique, et plus précisément de celles concernant les archives ouvertes. Le dépôt par l’auteur d’une version de l’article scientifique sur un serveur en libre accès est le principe même de l’« auto-archivage », plus connu sous les termes de « voie verte » (Green road) ou d’archives ouvertes, permettant une communication scientifique directe (CSD) sur le modèle d’ArXiv, serveur de preprints et d’articles scientifiques en physique depuis déjà deux décennies. C’est généralement ce mode de participation qui est promu et souhaité, mais, pour différentes raisons cependant, cette participation est restée encore trop limitée pour permettre à ce mode de diffusion de la littérature scientifique d’atteindre rapidement une masse critique. De fait, ce sont souvent d’autres personnes que l’auteur qui contribuent à l’alimentation des archives ouvertes, et les développements autour de ces dernières sont plutôt le résultat de cette contribution médiée et/ou prescriptive des institutions de recherche, en lien avec les acteurs de l’édition, plutôt que de la participation militante des chercheurs eux-mêmes.

2En effet, parallèlement aux initiatives pionnières de chercheurs, souvent focalisées autour d’archives thématiques ou disciplinaires, la contribution des professionnels de l’information dans les institutions universitaires et de recherche ou au sein des consortiums professionnels au développement des archives ouvertes a toujours été significative, que ce soit via la mise en place de structures d’appui comme SPARC1 ou EIFL2, le soutien de prises de position politique telle que celle de la Budapest Open Access Initiative, ou au quotidien dans la promotion du libre accès auprès des chercheurs et l’implémentation d’archives ouvertes. Outre l’accès et la diffusion, c’est aussi la visibilité de la production scientifique des institutions de recherche qui est en jeu ici : c’est pourquoi la grande majorité des serveurs de dépôt sont des serveurs institutionnels (plus des 3/4), et la multiplication des incitations et obligations de dépôt des articles cherche à pallier l’absence de motivation des chercheurs à alimenter ces serveurs : « 100 % des publications dans les Archives Ouvertes », tel était le leitmotiv des 5e journées Open Access organisées par Couperin.

3Ces efforts concertés finissent par porter leurs fruits : le niveau de connaissance des archives ouvertes par les chercheurs est en constante augmentation, tout comme le nombre de ceux qui y déposent des articles. Cependant, il existe là aussi de très fortes disparités disciplinaires qu’il est intéressant de pouvoir étudier de près : si l’auto-archivage va de soi dans certains domaines ou pour certains chercheurs, c’est loin d’être toujours le cas. Ainsi, ArXiv, généralement présentée comme l’archive ouverte « idéale » pour les physiciens, n’est un outil d’accès libre à la littérature scientifique que pour certains domaines de la physique, d’autres n’ayant jamais privilégié ce support particulier.

4En sciences de l’information, une étude menée en 2011 fait apparaître des pratiques de dépôts très limitées, en particulier pour les documents publiés dans des revues scientifiques : seuls 1,8 % des documents référencés dans la banque de données bibliographiques Francis (banque spécialisée en SHS) sont auto-archivés dans @rchiveSIC. Ces résultats sont nettement inférieurs aux pratiques d’auto-archivage observées en sciences dures ou encore dans certains domaines des sciences humaines et sociales (Baruch 2007).

5Une récente recherche sur les modalités de dépôt sur Hal dans le domaine des sciences de la vie a ainsi fait apparaître un engagement mitigé des chercheurs : si on y retrouve bien une volonté de communication scientifique directe, c’est-à-dire la volonté pour un chercheur de rendre directement accessible sa production scientifique à tous par le dépôt de son texte intégral, celle-ci ne représente à peine plus de 10 % des dépôts observés sur la période 2002-2012 ; les chercheurs déposant davantage de notices seules (15 % des dépôts). Cette étude met également en exergue, pour les sciences de la vie du moins, le rôle croissant de la médiation dans le processus de dépôt puisque près des 3/4 de ceux-ci sont effectués par des intermédiaires, généralement issus de l’institution des auteurs, déposant très majoritairement des notices sans texte intégral, et contribuant ainsi à éloigner l’archive ouverte Hal de son objectif initial, celui de la communication scientifique directe. Récemment enfin, une nouvelle forme de médiation semble se développer : des éditeurs viennent alimenter directement Hal par le dépôt d’articles scientifiques complets dans le cadre d’accords entre les institutions et les éditeurs. L’archive ouverte retrouve alors son but original (donner un accès ouvert et direct à la littérature scientifique) mais uniquement via ce biais de collaboration médiée entre institutions et éditeurs tandis que la participation de l’auteur à l’intégration des données et des documents devient inexistante et que sa présence ne se résume plus qu’à une métadonnée parmi d’autres.

Bibliographie

Mahé, Annaig, « Bibliothèques et archives ouvertes », BBF, 2011, n° 1, p. 14-18, http://bbf.enssib.fr

Baruch, Pierre. « Open Access Developments in France : The HAL Open Archive System ». Learned publishing, 2007, vol. 20, n° 4, p. 267-282, http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00176428_v1

Pouchot Stéphanie ; Prime-Claverie Camille. (2011). Quelles images bibliométriques de la recherche française en SIC ?   Documentaliste (Paris) 2011, Vol. 48, Issue 2 p. 64-73, 78-80 [13 p.]

Prime-Claverie Camille, Mahé Annaïg (2013). Sites de dépôt en libre accès et formes de médiations : quelles évolutions ? 4e conférence « Document numérique et Société » - Zagreb (Croatie)

Notes

Pour citer ce document

Annaïg Mahé et Camille Prime-Claverie, «Participation, contribution de l’auteur dans les archives ouvertes : d’une position militante à la prescription institutionnelle», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 9-Varia, DOSSIER, > Axe 2,mis à jour le : 22/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=754.

Quelques mots à propos de : Annaïg Mahé

Urfist de Paris/École nationale des chartes, DICEN. Courriel : annaig.mahe@enc.sorbonne.fr

Quelques mots à propos de : Camille Prime-Claverie

Université Paris Ouest Nanterre La Défense, DICEN. Courriel : camille.claverie@u-paris10.fr