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ENQUÊTES, EXPÉRIENCES

Marion Dalibert

Les laboratoires de recherche : lieux d’accueil, de formation et de socialisation pour les doctorants

Article

Texte intégral

1Lorsque l’on s’inscrit en première année de doctorat, on ne se rend pas vraiment compte qu’on fait partie, à présent, d’un laboratoire de recherche regroupant une équipe travaillant sur des thématiques fédératrices et spécifiques à une discipline, et au sein duquel des événements valorisant la production scientifique contemporaine, ainsi que le dialogue entre chercheurs, sont organisés. Démarrer une thèse en sciences de l’information et de la communication (SIC) est généralement le résultat d’une envie personnelle d’approfondir un certain sujet, envie qui sera le moteur d’un travail passionnant, bien que long, fastidieux et souvent solitaire. L’intégration à un laboratoire de recherche est déterminante pour le parcours scientifique et professionnel d’un doctorant, et pourtant on parle peu de cet aspect de la vie d’un jeune chercheur.

2Le nom du laboratoire inscrit sur le badge porté lors des colloques ne suffit pas à faire naître un sentiment d’appartenance à cette unité scientifique, celui-ci prend forme en assistant aux séminaires ou autres journées d’étude qui y sont organisés, et il se développe par la participation à la mise en place d’événements scientifiques, ainsi que par les discussions et les liens qui se créent avec les autres membres. Or, différentes contraintes, dont la principale est reliée au financement de la thèse, peuvent empêcher la présence régulière des doctorants au laboratoire (celui-ci n’est peut-être pas doté de bureaux destinés à ces étudiants, qui eux-mêmes peuvent habiter à des centaines de kilomètres de leur université).

3La majorité des doctorants en sciences humaines et sociales ne bénéficie pas d’une allocation de recherche, d’un contrat doctoral ou d’une bourse Cifre, et est dans l’obligation de subvenir elle-même à ses besoins. Ces jeunes chercheurs étant salariés à temps plein ou à temps partiel, leur présence à l’université est souvent corrélée à une négociation avec l’employeur et à la pose de journées de congés ou de réduction du temps de travail. À titre personnel, n’ayant pas eu de bourse pendant mon doctorat, je n’ai pu assister à aucun séminaire lors de mes deux premières années de thèse — ni vraiment travailler ma thèse d’ailleurs — en raison d’un travail salarié prenant. Mes seuls liens et contacts avec mon unité de recherche se sont limités à mes rendez-vous avec mon directeur de thèse. Ce n’est qu’à partir de la troisième année, lorsque j’ai pu profiter d’un allégement et d’une certaine souplesse dans mes horaires de travail (reliés à une baisse significative de salaire), que j’ai pu assister, pour la première fois, aux actions scientifiques organisées par mon laboratoire. Ma participation s’est accrue en quatrième année, et s’est poursuivie en cinquième année, en collaborant à la mise en place d’une « Journée jeunes chercheurs », journée annuelle dont l’objectif est de valoriser les recherches effectuées par les doctorants en sciences de l’information et de la communication. Prendre part à cette organisation m’a permis d’apprécier plus précisément les activités, les objectifs et le fonctionnement d’une unité de recherche, mais aussi de nouer des liens avec ceux qui la font exister, à savoir, les enseignants-chercheurs, les responsables administratifs et les autres doctorants.

4S’investir dans un laboratoire réclame du temps. Cela peut parfois représenter une contrainte, surtout quand on a, parallèlement à la thèse, un travail salarié et/ou une charge d’enseignement. Mais ces efforts pour être actif et présent sont, au final, récompensés. Tout d’abord parce que les séminaires, colloques et journées d’étude nourrissent nos réflexions, tant par le contenu des interventions que par les discussions menées avec les chercheurs que l’on y rencontre. Ensuite parce que ces « rendez-vous » permettent aux doctorants d’échanger autour de leurs travaux, de décider de mettre en place une journée d’étude sur un sujet spécifique, de poser les jalons d’une future recherche collective et, surtout, ils donnent lieu à la naissance de liens amicaux qui participent pleinement à l’achèvement et à la réussite du doctorat : profiter du soutien de personnes connaissant les mêmes conditions de travail, sacrifices financiers et/ou temporels, moments de découragement, de doute, mais aussi de joie, et pouvoir en discuter avec elles, permet de pallier aux sentiments de solitude, de lassitude, voire de démotivation, que l’on peut ressentir parfois.

5Dans la vie d’un jeune chercheur il y a un avant et un après la soutenance de thèse qui se matérialise, aussi, dans les rapports entretenus avec le laboratoire de recherche. Le doctorant devenu docteur n’a généralement plus, dès le lendemain de l’épreuve finale, d’appartenance institutionnelle. Celui-ci n’est plus membre de son unité de recherche. Il peut y être associé, à condition d’en avoir fait la demande, tout comme il pourra effectuer cette démarche auprès d’un autre laboratoire, s’il est attaché temporaire d’enseignement et de recherche ou, plus tard, post-doctorant dans une autre université. Le docteur fraîchement diplômé fait alors toujours partie d’une communauté de chercheurs, mais son statut a changé. L’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, à l’occasion du bilan quadriennal des unités de recherche, ne demande pas à connaître la production scientifique des membres associés, uniquement celle des enseignants-chercheurs et des doctorants par exemple.

6Cette phase qui s’échelonne de la soutenance de thèse à l’obtention d’un poste de maître de conférences peut être un peu « flottante » : les liens avec le laboratoire ont tendance à se distendre, en partie parce que la formation doctorale étant terminée, assister aux séminaires, communiquer à des colloques et co-organiser des événements au sein du laboratoire ne sont plus des activités requises. Pourtant, si l’objectif professionnel du docteur est de s’inscrire dans une carrière universitaire, cette période intermédiaire est capitale attendu que, pour obtenir la qualification aux fonctions de maître de conférences, il va devoir prouver ses facultés à être un futur enseignant-chercheur et utiliser cette période pour développer et valoriser ses aptitudes pédagogiques (en prenant en charge, s’il en a la possibilité, des cours à l’université), en mettant en avant ses capacités scientifiques (par la publication d’articles dans des revues qualifiantes), mais aussi organisationnelles (en mettant en place des événements scientifiques). Cette phase intermédiaire peut être plus ou moins longue, la qualification ne s’obtenant pas systématiquement la première année (en 2012, 56.12 % des docteurs en SIC qui ont déposé un dossier à la 71e section du Conseil national des universités ont été qualifiés), tout comme le jeune chercheur peut être amené à participer à plusieurs campagnes de recrutement avant d’obtenir un poste de maître de conférences.

7Continuer à assister aux séminaires, participer à des projets de recherche menés par des collègues et/ou à la mise en place d’un colloque international permet d’étoffer le dossier scientifique du docteur sans poste et aussi — voire surtout — de créer et de consolider des relations avec une équipe de chercheurs. Même si la participation à la vie d’un laboratoire est nettement plus compliquée pour un salarié à temps plein que pour un post-doctorant qui travaille en lien avec une unité scientifique, ces activités, parfois jugées « annexes », contribuent pleinement à l’épanouissement du docteur tant du point de vue de ses préoccupations de recherche que d’un point de vue relationnel. Ces liens, en plus d’alimenter les réflexions scientifiques et pédagogiques, sont autant de soutiens et de conseils en vue, par exemple, de la préparation du dossier de qualification ou des auditions pour les postes de maître de conférences. Ainsi, pour affronter cette période souvent difficile, le jeune docteur gagne à continuer, dans la mesure du possible, à être présent et à participer aux actions de l’unité scientifique à laquelle il est associé.

Pour citer ce document

Marion Dalibert, «Les laboratoires de recherche : lieux d’accueil, de formation et de socialisation pour les doctorants», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 9-Varia, ENQUÊTES, EXPÉRIENCES,mis à jour le : 22/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=794.

Quelques mots à propos de : Marion Dalibert

Laboratoire GERiiCO, Université Lille 3