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HOMMAGES

Pierre Moeglin

Provoquer dit-elle…

Article

Texte intégral

1Au terme d’un long, courageux et effrayant combat contre la maladie, Geneviève Jacquinot-Delaunay vient de s’éteindre. Distances et Médiations des Savoirs perd une amie fidèle, attentive et généreuse, contributrice des premiers jours. Membre de notre comité de rédaction dès l’époque de Distances et Savoirs, elle était l’une de nos inspiratrices et une alliée précieuse au service du projet qui est à l’origine de cette revue : renforcer et mieux faire connaître et reconnaître la communauté scientifique qui, à l’échelle internationale, travaille sur les problèmes et enjeux de la formation à distance. De cette communauté elle aura d’ailleurs été une figure majeure, bien que ses centres d’intérêt aient excédé de beaucoup les questions d’accès aux savoirs à distance. Elle était aussi, en effet, une spécialiste reconnue de la sémiologie de l’image et de la technologie éducative, et ses questionnements régulièrement renouvelés jusqu’à la fin intéressaient plusieurs domaines situés hors du champ de Distances et Médiations des Savoirs. Ils portaient notamment sur l’éducation aux médias et sur les processus cognitifs et métacognitifs à l’œuvre dans l’apprentissage par les médias.

2Son audience était aussi grande à l’étranger qu’en France, aussi forte chez les praticiens que chez les chercheurs. En témoignent la diversité géographique de celles et ceux qui ont réalisé une thèse sous sa direction, le nombre et la variété de ses publications, les multiples missions qu’elle a effectuées en Afrique et en Amérique du Nord et du Sud et l’audience qui était la sienne en sciences de l’Information et de la Communication autant qu’en sciences de l’Éducation (Jacquinot-Delaunay, 2004), dans les cercles académiques comme dans les milieux de la formation permanente et auprès des professionnels de la télévision éducative. N’en témoigne pas moins ce fait opportunément rappelé par Laurent Petit (2014) dans une lecture critique rédigée pour le numéro précédent de DMS, à propos de la publication en 2012 de la version revue et augmentée d’Image et pédagogie, l’un de ses deux ou trois ouvrages emblématiques : en 1977, sa parution reçoit un accueil extraordinairement favorable, dont se font l’écho des journaux et revues aussi différents que Formation et communication, L’Éducation, Le Monde de l’Éducation, Educational Broadcasting International, Média, Trait d’union des collèges et de leurs amis, Éducation enfantine, Bulletin critique du Livre français, Le journal des instituteurs, Audiovisuels et Communication Digest, La presse du cinéma. Image et son, Sonovision et même Balaventures, revue des professeurs de français en Uruguay. Partout est souligné « le caractère novateur d’une approche méthodologique issue d’une science qualifiée alors de « nouvelle » – la sémiologie – ouvrant un nouveau champ de recherche jugé prometteur, celui de la sémiologie de la didactique ». Et Laurent Petit d’ajouter que « si la méthode sémiologique s’inscrit dans les chantiers ouverts par Christian Metz et Umberto Eco, peu de sémiologues se sont aventurés sur le terrain de la didactique que Geneviève Jacquinot prend dans une acception très large de ce qui est « propre à instruire » ». […]

3Longtemps, la voix chaleureuse, joyeuse et grave de Geneviève continuera donc de se faire entendre et de nous provoquer. « Provoquer, dit-elle » : durant la préparation de ce numéro, ce titre aux accents durassiens s’est imposé à nous. Car il est question de voix dans « provoquer », d’une voix qui inspire et stimule, jette le doute et met au défi, invite à répondre et oblige à s’engager. C’est de cette provocation-là que, militante et chercheure, observatrice et actrice, Geneviève aura été porteuse et dont nous avons souhaité rendre compte aussi vite que possible par ce numéro. […] De la fécondité du parcours de Geneviève Jacquinot chacun pourra aussi juger par lui-même. Il lui suffit pour cela de se reporter au long entretien filmé que Françoise Thibault et Jacques Wallet ont eu avec elle en octobre 2006. Telle qu’en elle-même, modeste et stimulante, elle y raconte avec des mots simples quelles circonstances lui ont valu de faire de grandes choses. Et comment elle a fait évoluer ses questionnements, de terrain en terrain, tout en conservant ses orientations et préoccupations originelles. Exceptionnelle leçon d’une vie durant laquelle, comme le dit bien ici Françoise Thibault, « recherche et engagement sont intimement liés. »

Pour citer ce document

Pierre Moeglin, «Provoquer dit-elle…», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 11-Varia, HOMMAGES,mis à jour le : 26/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=883.

Quelques mots à propos de : Pierre Moeglin

Université Paris-Nord. LABSIC.