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Formation

Élise Le Moing-Maas et Laurence Corroy

Penser l’insertion professionnelle des jeunes docteures et docteurs, une nécessité

Article

Texte intégral

1La commission Formation de la SFSIC initie et conduit des projets de recherche et de valorisation des formations en Sciences de l’Information et de la Communication de la licence au doctorat. Cette commission est en lien avec les différentes parties prenantes de l’enseignement supérieur et de la recherche, les responsables de départements et d’unités de formation et de recherche, les directeurs de laboratoires et d’écoles doctorales et les commissions Recherche et Relations professionnelles de la SFSIC. Après avoir établi une cartographie des formations de masters en sciences de l’information et de la communication, la commission Formation a souhaité travailler sur le troisième cycle universitaire, la thèse de doctorat en SIC.

2Une enquête exploratoire, que nous avons menée en 2019 et présentée aux doctorales organisées par la SFSIC, portait sur le devenir professionnel de 81 docteures et docteurs en Sciences de l’Information et de la Communication, ayant obtenu leur doctorat entre 2014 et 2018. Ces résultats, bien que parcellaires, indiquaient qu’un faible pourcentage travaillait dans l’enseignement supérieur et la recherche sur des supports de postes pérennes (13,58 %) en tant que maîtres de conférences ou ingénieurs de recherches. Certes, il est loisible de penser que les contrats à durée déterminée (post-doctorats ou postes d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche) permettront à terme à de jeunes chercheuses et chercheurs de postuler avec succès à des postes de titulaires. Cependant, force est de constater qu’un nombre conséquent de jeunes diplômés ayant soutenu leur thèse de doctorat en SIC rejoindront des emplois du secteur privé, volontairement ou faute d’avoir pu obtenir un poste académique public. Rappelons qu’entre 2012 et 2018, les effectifs étudiants ont augmenté de plus de 300 000 étudiants, alors que le nombre de postes d’enseignants chercheurs a diminué drastiquement (en valeurs absolues, il s’agit de moins 1108 professeurs des universités et maîtres de conférences)1. La baisse est donc sensible, induisant une labilité plus forte des carrières.

3Dans ce contexte, le grade d’excellence que représente le doctorat est à penser dans une perspective de haute qualification professionnelle qui est à valoriser au sein du secteur privé ou public en France, en dehors des carrières académiques.

4Ce dossier a été construit avec le souci de réfléchir aux compétences transférables à publiciser auprès des entreprises. L’atelier réalisé aux doctorales 2019 où nous avions proposé aux doctorantes et aux doctorants de réfléchir aux compétences dont ils pouvaient se prévaloir grâce au travail de thèse qu’ils menaient avait montré leurs difficultés, dans un premier temps, à les citer spontanément. Le travail collaboratif s’était donc révélé particulièrement stimulant et nous avait alertées sur la nécessité de valoriser les années de thèse qui permettent d’acquérir de nombreuses compétences qui peuvent être mises à profit par les entreprises. Nous avons donc élaboré un Livret de compétences qui a été présenté lors d’une journée organisée par la commission Formation de la SFSIC et que nous souhaitons mettre à la disposition des jeunes chercheurs ainsi que des entreprises afin qu’elles connaissent davantage les hautes qualifications requises pour soutenir une thèse de doctorat.

5L’insertion professionnelle des doctorants, si elle est à penser en amont, peut aussi être facilitée par la Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE), qui entend précisément faire un pont entre la recherche académique et les départements en recherche et développement des entreprises2. Depuis 40 ans, la convention CIFRE est ouverte à tous les doctorants, sans condition de nationalité et sans condition d’âge, dans toutes les disciplines scientifiques, et concerne tous les secteurs d’activité des entreprises. Le contrat de trois ans est tripartite, entre une structure socio-économique, un laboratoire académique et un doctorant salarié. Avec une CIFRE, près de 97 % des doctorantes et des doctorants soutiennent leur thèse et plus de 90 % sont en activité dans les six mois qui suivent la soutenance de leur thèse. Les CIFRE s’avèrent donc une piste intéressante d’insertion professionnelle pour les jeunes chercheurs, qui mérite d’être davantage investiguée, la part des CIFRE réalisées en sciences humaines demeurant assez faible (moins de 10 % du total des CIFRE signées chaque année). Le dialogue entre la recherche fondamentale et les besoins des entreprises peut s’avérer particulièrement fertile, mais il ne va pas toujours de soi. Le transfert et la valorisation des recherches sont au cœur des enjeux des CIFRE, tout comme amener la recherche et le développement du secteur privé à saisir tout l’intérêt de la rigueur méthodologique acquise lors de la thèse en Sciences de l’Information et de la Communication.

6Ce dossier propose donc des témoignages et des analyses de directrices et directeurs de recherche qui ont expérimenté l’accompagnement spécifique d’une CIFRE ainsi que des récits de jeunes chercheuses et jeunes chercheurs qui ont bénéficié de ce dispositif.

7Michel Durampart présente son appréhension de la thèse en CIFRE entre « opportunités et contraintes fertiles » pour un directeur de thèse et un laboratoire. Il évoque d’une part la difficulté à trouver un contrat CIFRE et à convaincre l’ensemble des partenaires lors d’une CIFRE en SHS mais également l’évolution positive du nombre de thèses CIFRE en SIC ces dernières années. Il revient sur le rôle du directeur de thèse, son implication dans la démarche, du montage du dossier à un suivi spécifique et adapté aux attentes et aux enjeux de l’ensemble des parties prenantes. En conclusion, il se réjouit des perspectives dynamiques et innovantes, des opportunités d’ouverture et de valorisation de la recherche qu’offre une thèse en CIFRE au laboratoire qui l’accueille.

8Patrice de la Broise met en perspective les difficultés inhérentes à la réalisation d’une thèse en SIC et les perspectives qu’offre une convention CIFRE dans la réalisation de la thèse. Il revient sur les conditions de la recherche et en particulier la recherche-action en communication des organisations, aussi bien en termes de temporalité que d’accès au terrain. Il s’interroge sur les conditions « d’observation » mais aussi de « participation » du doctorant et révèle les avantages de la posture du doctorant en CIFRE.

9Olivier Galibert et Jocelyne Arquembourg ont accepté de se prêter à un entretien croisé. Ils reviennent dans un premier temps sur les spécificités que représente le suivi d’un doctorant ou d’une doctorante en CIFRE pour le directeur ou la directrice de recherche. Jocelyne Arquembourg évoque le choix de l’entreprise dont la stratégie de développement doit être en lien avec le projet de thèse. Elle revient sur le rôle du directeur de thèse dans la coordination entre le doctorant et son tuteur en entreprise par l’organisation de rencontres régulières. Olivier Galibert renchérit sur l’investissement nécessaire du directeur de la thèse en amont, lors de la construction du projet de thèse et de sa nécessaire compréhension des enjeux de l’organisation sollicitée. Il met également en évidence les différences de temporalité entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise et le risque que le doctorant se retrouve « happé » par les aspects opérationnels du poste. Dans un second temps, Olivier Galibert et Jocelyne Arquembourg évoquent les atouts et éventuellement les difficultés des thèses en CIFRE pour le laboratoire d’accueil et les perspectives d’avenir dans les prochaines années. Pour l’un comme pour l’autre, l’avantage primordial de la convention CIFRE est d’assurer au doctorant des revenus décents qui lui permettent de réaliser sa thèse dans des conditions acceptables. Etant donné les conditions du financement de la recherche en France, ils insistent également sur l’intérêt des financements qu’apportent les CIFRE aux laboratoires, nécessaires au développement de projets collectifs

10Ce dossier se clôt par le témoignage d’un doctorant, d’une doctorante et de deux jeunes docteurs qui bénéficient et ont bénéficié d’une convention CIFRE. Delphine de Swardt, Céline Mercier, Victor Combes et Clément Graveraux témoigneront de leur expérience de réalisation d’une thèse en CIFRE. Nous leur avons posé trois questions : Pouvez-vous présenter votre sujet et les conditions de réalisation de votre thèse ? Selon vous, quels sont les points forts et les limites de la réalisation d’une thèse en CIFRE ? Le cas échéant, faire une thèse en CIFRE a-t-il joué un rôle dans votre insertion professionnelle ?

Notes

1   Courriers à madame la Ministre en date du 25 janvier 2021 par l’intersyndicale Sgen-Cfdt, Snptes, Unsa éducation, Fage et qui n’ont pas été contestés.

2   Nous remercions vivement Pascal Giat, directeur du service des CIFRE au sein de l’Association Nationale Recherche et Technologie (ANRT).

Pour citer ce document

Élise Le Moing-Maas et Laurence Corroy, «Penser l’insertion professionnelle des jeunes docteures et docteurs, une nécessité», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 17-varia, Formation,mis à jour le : 04/04/2022,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=911.