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Carte blanche aux jeunes chercheurs

Marjorie Constantin et Cécile Marie Dupin

Regards croisés sur la formation des jeunes chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication : conclusions et perspectives d’une table ronde de rencontres doctorales

Article

Texte intégral

01 janvier 2023

131-136

Contexte de la table ronde

1Les Doctoriales 2022 du Laboratoire d’Études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales (LERASS) ont été consacrées à la thématique de l’engagement. Une table ronde a clôturé la journée. Cet article présente les échanges entre doctorants, jeunes chercheurs et encadrants, invités à porter des regards croisés sur la formation et l’encadrement de jeunes chercheurs. Nous proposons de revenir sur les discussions et interactions entre les invités et le public présent dans la salle.

Une approche participative pour les regards croisés

2Afin de faciliter le processus participatif de la table ronde, le logiciel interactif Wooclap a été proposé comme dispositif de support à la discussion au public et aux invités. Il s’agit d’un logiciel numérique connecté à Internet qui permet aux animateurs de poser visuellement des questions prédéfinies au public, de collecter simultanément les réponses, puis de les afficher sur l’écran de la salle de conférence. Pour répondre, chaque participant se connecte au logiciel via son smartphone, et répond de façon anonyme. Les résultats collectés s’affichent instantanément sous forme de graphiques ou de nuages de mots. Ils sont ensuite discutés, sous l’impulsion des animateurs de la table ronde (deux doctorantes auteures de cet article), par les invités, et en dialogue avec le public.

Le panel et le public

3Les caractéristiques du panel de participants ont été identifiées en début d’animation grâce à une première question via Wooclap. Sur vingt-sept personnes connectées, neuf étaient des doctorants, et huit enseignants-chercheurs. Les derniers participants ne se sont pas prononcés sur leur profil. Les répondants connus représentent donc deux groupes quasi-équivalents de doctorants et d’enseignants-chercheurs.

Les trois questions de discussion

4Trois questions ont été suivies d’échanges. Elles avaient été préparées en amont de la table ronde par un groupe de doctorants et d’enseignants-chercheurs du comité d’organisation. Deux questions étaient ouvertes (questions n° 1 & 3) et une critériée (question n° 2). Les résultats des deux questions ouvertes sont apparus sous la forme de nuages de mots à l’écran, et ceux de la question critériée sous la forme de curseurs de réponses. Nous présentons ici les principaux résultats, puis les conclusions de ces débats basés sur les trois questions suivantes :

  1.  « Selon vous l’engagement de l’étudiant passe par (en un mot) ? »

  2. « Quels sont les facteurs qui favorisent l’engagement du jeune chercheur dans sa recherche ? »

  3. « La relation entre un jeune chercheur et son encadrant doit nécessairement passer par… »

Résultats et faits saillants des échanges

5La première question posée au public et au panel explorait, selon leurs perspectives, les motivations à l’engagement pour l’étudiant (en “un mot”).

6Trente-cinq réponses ont été saisies au total par les répondants (Figure 1). Une modalité de réponse pouvait être donnée par plusieurs personnes. Ainsi, la modalité la plus fréquente de réponse est la « passion », citée cinq fois. Ensuite cinq modalités sont représentées : « curiosité », « confiance », puis « travail », « persévérance », et « motivation », toutes citées trois fois par les répondants. Les quinze modalités suivantes de réponses n’ont été citées qu’une fois (Figure 1).

Figure 1. Question n° 1, Motivations à l’engagement en SIC, question ouverte

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7En ouverture des échanges, un invité de la table ronde, enseignant-chercheur titulaire d’une habilitation à diriger des recherches, a souhaité réagir au terme de « passion » qui prenait la place centrale de l’écran, et le taux le plus important de réponses. Il a précisé : « Être chercheur est un métier, ce n’est pas une passion », insistant ainsi sur la professionnalisation et les perspectives d’emplois liées à la recherche. La formation doctorale intègre une démarche non seulement disciplinaire, mais aussi critique, méthodologique et construite scientifiquement (Commission formation SFSIC, Livret de Compétences des Docteurs en SIC, Projets formations SIC, 2022). Ces compétences professionnelles en communication et information, pour ce directeur de thèses, se distinguent de l’engagement pour le sujet de recherche, qui peut, lui, être motivé par la passion. Il s’agira de valoriser la discipline afin qu’elle entre dans les grands enjeux théoriques et politiques du xxie siècle (Wolton, 2018).

8La seconde question posée au panel et au public leur demandait : “Quels sont les facteurs qui favorisent l’engagement du jeune chercheur dans sa recherche ? Pouvez-vous noter les sept propositions par ordre d’importance, 1 étant le moins important, 10 étant le plus important ?”.

9Cette question a mobilisé dix-huit participants, issus à la fois du panel et du public. La modalité proposée « sujet de recherche » a recueilli la majorité des votes (9,1/10). Ensuite un groupe de trois modalités a recueilli de fortes réponses : « le soutien institutionnel, du laboratoire, de la direction » (8,6/10), puis « du temps et de l’accès aux ressources » (8,3/10), et enfin « le financement de la thèse » (8,1/10). Parmi les trois dernières modalités de réponses, sont venues tout d’abord « les perspectives de carrières et de développement personnel » (7,8/10), et celle de « la passion pour la recherche » (7,2/10). La modalité de l’« applicabilité directe des résultats de la recherche » est arrivée en dernière position (4,8/10).

Figure 2. Question n° 2, facteurs favorisant l’engagement dans sa recherche, question critériée de 0 à 10

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10Cette deuxième question a permis un débat participatif de quelques minutes. Certains des enseignants-chercheurs ont fait part de leur étonnement sur les résultats à fort taux (Figure 2), considérant que l’un des fondements de la recherche repose sur l’applicabilité des résultats de la recherche. Certains chercheurs titulaires ont partagé leurs expériences, en tant qu’anciens doctorants eux-mêmes. Ils ont pu exposer les difficultés rencontrées quant au financement de leurs propres thèses, ainsi que les démissions de certains doctorants qu’ils encadrent, malgré des thèses financées. La « crise de la recherche » a été évoquée parmi les participants, permettant aux doctorants et aux jeunes chercheurs de s’adresser directement aux encadrants de thèses sur les causes de ces abandons. Le contexte actuel de réalisation des thèses, avec des accès à des ressources nécessaires (bibliothèques, bases de données scientifiques, …), est facilité par les nouvelles technologies. Les financements permettent d’engager des recherches doctorales sur trois années, sans précariser la vie des étudiants. Certains encadrants se sont accordés pour dire que ce n’était pas toujours le cas lorsqu’ils étaient eux-mêmes étudiants.

11La dernière question posée lors de la table ronde explorait, de manière non directive, les modalités de la relation entre un jeune chercheur et son encadrant, formulée de la manière suivante : “Selon vous, cette relation doit nécessairement passer par… ?”

12Les réponses à cette question ouverte ont été marquées par de très fortes modalités et d’autres plus discrètes. « confiance », « bienveillance » et « communication » sont fréquentes et représentent plus de la moitié du total des réponses. Ensuite, la modalité du « soutien » est représentée. La seconde moitié des résultats est composée de neuf modalités de réponses (Figure 3).

Figure 3. Question n° 3, la relation entre jeune chercheur et encadrant

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13Un doctorant s’est alors exprimé sur le rythme des rencontres avec la direction de sa thèse. Il précise « C’est important de voir nos directeurs de thèse de façon régulière et organisée, une fois par mois ». Là aussi, plusieurs prises de paroles ont permis de constater qu’il n’y avait pas de règles définies concernant certains aspects de la direction de thèse. Alors que certains doctorants sollicitent leurs encadrants lorsqu’ils en éprouvent le besoin, d’autres préfèrent une planification des échanges qu’ils jugent structurante. Un point de convergence s’est trouvé dans la définition d’une relation doctorant-encadrant basée sur l’écoute, la confiance et le respect mutuel. Les comportements affectifs qui construisent la relation doctorant-encadrant seront aussi à l’origine d’actions ou d’interactions singulières à ce contexte (Martin-Juchat, Lépine, et Aznar 2018) ici de formation doctorale.

Discussion sur la portée des résultats

14L’usage du dispositif connecté Wooclap pour cette table ronde ouvre une perspective critique sur l’exploration des signes-traces (Galinon-Mélénec, 2015) déposés par les participants. Ces signes résultent d’un processus d’interactions dont l’interprétation prend forme sur ce que l’on peut observer et sur les hypothèses interprétatives qui en résultent. Ici, l’objet technique Wooclap a permis d’instaurer un point de départ à une analyse des processus communicationnels qui définissent la relation entre le jeune chercheur et son encadrant (Davallon, 2004).

Conclusion

15Pour conclure, ces regards croisés soulignent des conceptions vivant des variations (Marton et Booth, 1997), issues d’enjeux épistémologiques et sociaux des sciences sur la formation des jeunes chercheurs en SIC, qui peuvent vivre une fragilité académique face à leurs objets d’études (Durampart, 2015). Soulignés par cette table ronde, et en tenant compte des limites de notre dispositif participatif, les contextes micro (motivations intrinsèques individuelles), méso (relation entre doctorant et encadrant) et macro (conditions structurelles de formation) sont tous les trois nécessaires et complémentaires pour la formation aboutie d’un jeune chercheur en SIC. Une phase d’entretiens qualitatifs serait maintenant pertinente pour permettre d’approfondir les résultats de ces regards croisés sur la formation d’un jeune chercheur en SIC, et révéler les processus individuels explicatifs de ces tendances.

Bibliographie

Commission formation SFSIC. « Livret de Compétences des Docteurs en SIC » Projets formations SIC. 2022. SFSIC. Consulté le 12 novembre 2022. https://www.sfsic.org/la-sfsic/commission-formation/.

Jean Davallon. « Objet concret, objet scientifique, objet de recherche ». Hermès n° 38 (1) : 30. 2004. https://doi.org/10.4267/2042/9421.

Michel Durampart « Sur les origines et l’évolution des sciences de l’information et de la communication ». Hermès n° 71 (1) : 31. 2015 https://doi.org/10.3917/herm.071.0031.

Béatrice Galinon-Mélénec « À la recherche de la trace ». Communication et organisation, no 47 (juin 2015) : 31‑50. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.4876.

Fabienne Martin-Juchat. Valérie Lépine et Marine Aznar. « L’agir affectif dans le travail d’encadrement : un objet de recherche interdisciplinaire ». Revue française des sciences de l’information et de la communication, no 12 (janvier 2018). https://doi.org/10.4000/rfsic.3471.

Ference Marton et Shirley Booth. Learning and Awareness. 1997 Mahwah, N. J : L. Erlbaum Associates.

Dominique Wolton. « Information et communication : urgence théorique ». Hermès n° 82 (3) : 10. 2018 https://doi.org/10.3917/herm.082.0010.

Pour citer ce document

Marjorie Constantin et Cécile Marie Dupin, «Regards croisés sur la formation des jeunes chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication : conclusions et perspectives d’une table ronde de rencontres doctorales», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 18-Varia, Carte blanche aux jeunes chercheurs,mis à jour le : 13/02/2023,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=987.

Quelques mots à propos de : Marjorie Constantin

Doctorante en SIC. Laboratoire d’Études et de Recherches en Sciences Sociales (LERASS), Université Paul-Valéry Montpellier 3, marjorie.constantin@univ-montp3.fr

Quelques mots à propos de : Cécile Marie Dupin

Doctorante en SIC. Laboratoire d’Études et de Recherches en Sciences Sociales (LERASS), Université Paul-Valéry Montpellier 3, cecile.dupin@univ-montp3.fr