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HOMMAGES
Hommage à Dominique Cotte
Texte intégral
1Il est toujours triste d’apprendre la mort d’un membre de notre communauté des SIC, mais lorsque Dominique Cotte nous a quittés, beaucoup d’entre nous ont perdu bien plus qu’un collègue. Ce sont les mêmes qualités d’écoute, le même intérêt pour les personnes qu’il croisait, la même modestie qui en ont fait un ami pour beaucoup et un chercheur de grande valeur pour notre discipline.
2La finesse de ses analyses doit une grande part de sa pertinence à cet intérêt constant qu’il a porté aux situations concrètes vécues par les personnes qu’il observait et avec lesquelles il s’entretenait, en prenant soin de les rencontrer dans leurs « ergotopes1 ». Ainsi, ce n’est que parce qu’il a perçu et partagé la perplexité des journalistes, qu’il formait alors à la recherche d’information en ligne, qu’il a pu décrire et analyser avec autant de finesse les ruses de la « metis2 » à l’écran. Il fallait avoir perçu l’inquiétude et compris ce qu’était pour ceux qui les découvraient la complexité sémiotique des pages web, pour pouvoir écrire un article intitulé « Mais où je clique là ? »3
3Après avoir passé plus de vingt ans à l’université de Lille 3, d’abord en tant que PAST (alors qu’il était encore Directeur de l’information et de la documentation au journal l’Express), puis comme Maître de Conférences et enfin comme Professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la communication, Dominique a été nommé au CELSA et menait ses recherches au GRIPIC depuis 2016.
4Tout au long de sa carrière universitaire, il a conservé une activité de consultant en gestion de l’information et des connaissances au sein du cabinet Ourouk, dont il était l’un des membres fondateurs. Pour lui, loin de constituer deux sphères professionnelles distinctes, chacune de ces activités informait l’autre et lui était même nécessaire. Pas de recherche sans appui sur des situations professionnelles concrètes. Pas de conseil sans une mise à distance réflexive qui permette de penser ces situations avec le recul théorique nécessaire et échapper ainsi aux effets de mode pour saisir les moments de vraies ruptures.
5Spécialiste de la gestion de l’information documentaire, Dominique s’est très tôt intéressé aux évolutions technologiques dans ce domaine, en les abordant toujours en contexte professionnel et du point de vue des usages4. Aussi bien ses missions d’expertise récentes que ses travaux de recherche portaient sur les liens entre mutations des outils et des pratiques liées au numérique et transformation des métiers, des environnements professionnels et des modes et méthodes d’organisation5.
6J’ai eu la chance d’être son amie. Nous avons ri ensemble de la matérialité documentaire qui envahissait le bureau que nous avons partagé pendant plus d’une dizaine d’années. Nous nous sommes penchés sur les mêmes écrans, avons mené plusieurs projets de recherche et publié de nombreux articles ensemble. Sa mort est pour moi une perte immense car nos approches scientifiques, nos carrières, nos préoccupations scientifiques mais également personnelles ont toujours été très proches.
7Je sais qu’elle l’est aussi pour tous ceux qui l’ont connu et qui ont pu bénéficier de sa gentillesse, de son humour, de sa générosité, de sa curiosité insatiable et de son admirable ouverture d’esprit. Mais nous avons la chance de pouvoir compter sur la puissance de l’archive pour continuer à converser avec lui, qui s’amuserait sans doute des formes de la « trace » qu’il nous laisse et des usages que nous en ferons.
Notes
1 Notion que Dominique Cotte avait empruntée à Fischler et Lalhou et qui montre l’importance de la distribution spatiale des documents dans l’espace du bureau (Fischler Claude & Lalhou Saadi. « Dossiers, piles d’attente et corbeilles – La digestion quotidienne de l’information au bureau », Rapport EDF R&D. 1995)
2 Cotte Dominique. Leurres, ruses et désorientation dans les écrits de réseau. La métis à l’écran. In : Communication et langages, n° 139, 1er trimestre 2004. Dossier : Le « constructivisme », une nouvelle vulgate pour la communication ? pp. 63-74.
3 Cotte, Dominique. « L’approche néophyte de la page web. Ou ‘Mais où je clique là ?’ », Les Cahiers du numérique, vol. vol. 3, no. 3, 2002, pp. 17-32.
4 Cotte Dominique (dir.). La mise en visibilité du travail numérique, EME Éditions. 2012.
5 Cotte Dominique. Emergence et transformation des formes médiatiques, Paris : Hermès-Lavoisier. 2011
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Marie Després-Lonnet
Université Lyon 2, ELICO