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Communication et Cinéma

Alfonso Pinto

Représentation et imaginaire un état des lieux du cinéma dans la géographie

Article

Texte intégral

1Dans ce texte on essayera de retracer brièvement le parcours que l’objet « cinéma » a effectué au sein des études géographiques à partir des années 1970. Le but est celui d’offrir un portrait théorique et épistémologique à propos d’une relation qui continue de faire débat. Comme on le verra la question n’est pas facile, puisque le cinéma ne fait pas l’unanimité ni pour son statut d’objet géographique, ni à propos des modalités de son insertion dans la géographie. La première grande difficulté est facile à imaginer. Le film n’est pas conçu pour constituer matière géographique et plus généralement scientifique. Produit culturel à grand public, médium à la diffusion planétaire, objet artistique et esthétique, le cinéma se caractérise entre autres par sa capacité de tromper le spectateur, en raison notamment du profond mimétisme de l’image sonore en mouvement. Ensuite, au-delà d’un constat ontologique, le film est profondément dépendant de son usage. En véhiculant un large éventail de significations culturelles, sociales, politiques, historiques et géographiques, le septième art se caractérise par des fortes instances idéologiques qui ont fait surgir des questionnements dépassant les simples réflexions esthétiques et artistiques.

2Pour ce qui concerne la géographie, les dernières années ont vu grandir l’intérêt pour le cinéma de manière exponentielle. Des grands noms de la discipline tels que Michel Lussault (2007 et 2013) ou Jacques Lévy (2014) ont récemment abordé la question à travers des angles et des perspectives divergentes. Également, la revue Annales de Géographie a dédié en 2014 un numéro spécial intitulé « Cinéma et géographie », dirigé par Jean-François Staszak. À cela s’ajoutent les travaux de jeunes chercheurs comme Bertrand Pléven (2014 et 2015), Alfonso Pinto (2014, 2016 et 2018), Nashidil Rouiai (2016) et bien d’autres, qui alimentent la vitalité du débat. Nonobstant cet intérêt grandissant certains doutes persistent, non tant à propos du rôle du cinéma dans les processus de médiation de l’espace, mais plutôt pour ce qui concerne l’épistémologie même de la géographie dont la fluidité peut en même temps constituer un atout et un défaut.

3Dans ce texte nous essayerons d’offrir d’abord une histoire synthétique du cinéma dans la géographie. Ensuite, de manière autant synthétique, nous nous efforcerons de proposer un usage double et interdisciplinaire du cinéma, considéré d’un côté comme une représentation de l’espace, et de l’autre comme un puissant fabriquant d’imaginaires spatiaux. Notre conclusion cherchera en revanche de mettre en exergue certaines problématiques épistémologiques que l’insertion du cinéma dans la géographie est susceptible de révéler.

Un rendez-vous manqué ?

4Le début de l’intérêt des géographes pour le cinéma a une date précise. C’est en 1976 que la revue d’études géopolitiques Hérodote (fondée la même année) publie un article signé par Yves Lacoste qui porte le titre de « Cinéma-géographie ». Le géographe se concentre sur les aspects politiques et idéologiques du médium cinématographique qui seraient capables de produire une nouvelle spatialité en dialectique ouverte avec la réalité. « On relève ainsi la substitution à l’espace réel, structuré par des rapports politiques, économiques, militaires d’un espace imaginaire, naturalisé, dépolitisé. L’espace spéculaire, en premier lieu le paysage, est la médiation essentielle de cette conversion de l’espace réel en espace idéologique » (1976, p. 154). L’insertion du film dans les réflexions géographiques débute donc en faisant référence à une des notions clés de la discipline : le paysage. Le résultat de Lacoste est toutefois pessimiste. Le cinéma dans la géographie ne peut aller plus loin d’un projet heuristique axé uniquement sur une démarche qualitative. Cette double attitude de méfiance et de fascination persistera longuement. L’année suivante, le numéro 7 d’Hérodote présente un deuxième essai, signé cette fois par Michel Foucher. Le titre de la contribution est « Du désert, paysages du Western » dans laquelle l’auteur s’efforce d’argumenter un profond décalage entre la géographie d’un moment historique précis (la conquête de l’Ouest américain) et sa mise en fiction au sein d’un genre majeur du cinéma. Le décalage est purement géographique : « Les lieux où se sont déroulés les événements qui sont les arguments du western et qui sont ceux qui ont marqué la formation de l’histoire américaine ne sont pas situés là et ne correspondent pas à ceux qui ont été utilisés comme décor naturel » (1977, p. 131). Et encore : « Le paysage type, devenu modèle de référence sans cesse repris et imité, en somme la convention, correspond à des lieux et à des paysages qui ne furent pas le théâtre des événements de la conquête de l’Ouest » (p. 132). Selon lui ce décalage se motive par la nécessité de représenter un espace sans loi. En ce sens l’auteur souligne l’exigence du désert, lieu « abstrait », qui non seulement renforce un biais idéologique (représentation d’un espace sans loi, sans état, etc., pour justifier sa mise en place), mais qui répond aussi à des exigences pratiques de tournage. Ces deux prémisses se concentrent donc sur la dialectique entre réalité et représentation. En ce sens l’enjeu scientifique résiderait dans un processus de démystification visant à décrire et à expliquer la nature même de cette dialectique. Quoi qu’il en soit, les deux tentatives de Lacoste et Foucher resteront sans suite pour environ une quinzaine d’années. En 1990 le géographe anglais David Harvey publie The Condition of Postmodernity. An Enquiry into the Origins of the Present, un ouvrage capital dans lequel l’auteur se livre à une analyse multidisciplinaire du postmodernisme et de la postmodernité. Non traduit en français, l’essai offre un chapitre dédié aux notions de temps et espaces dans le cinéma postmoderne. En se servant des films Blade Runner (R. Scott, 1982) et Der Himmel Uber Berlin (Les Ailes du Désir, W. Wenders, 1987), Harvey met en exergue la manière à travers laquelle des produits à grand public sont susceptibles de reproduire, selon les modalités propres du langage cinématographique, les relations à l’espace et au temps que le même auteur a décrit auparavant. La démarche est pionnière. Par rapport à Lacoste et Foucher, la question idéologique du cinéma ne se situe plus dans la dialectique réalité/représentation, mais plutôt dans la capacité du médium de mettre en fiction des questions cruciales pour saisir un air du temps qui se définit à travers les relations aux notions d’espace et de temps. En revanche, tout comme Lacoste et Foucher, David Harvey, malgré des prémisses encourageantes, ne donnera pas suite à cette approche.

5Une poussée décisive à la stabilisation de l’objet cinématographique se situe toujours dans le milieu anglo-saxon et s’insère pleinement dans le contexte scientifique des tournants linguistiques et culturels. Des auteurs tels que Stuart Aitken et Leo Zonn (1994), Tim Cresswell et Deborah Dixon (2002) ou encore Christina Kennedy and Chris Lukinbeal (1997) commencent à aborder systématiquement le rôle du cinéma dans la production, la stabilisation et la circulation des significations spatiales. Le cinéma est conçu principalement comme un texte capable de véhiculer des significations idéologiques renforçant ou critiquant des idéologies dominantes, ou encore comme un instrument susceptible d’engendrer de l’attraction géographique (topophilie) ou de la répulsion (topophobie). Le problème du courant anglo-saxon n’est pas à rechercher dans les études proposées, mais plutôt dans le contexte théorique sous-jacent qui, issu des tournants linguistiques et culturels, plonge trop souvent dans un culturalisme trop radical. L’effondrement de tout questionnement ontologique engendre parfois une posture qui tend à annuler toute frontière entre la réalité et la fiction. Derrière les rhétoriques des cultural studies, il n’est pas rare d’assister à des excès de relativisme qui ont pour effet celui de réduire le questionnement à un simple jeu linguistique. À ce problème de fond s’ajoute l’absence d’une véritable démarche d’interprétation sémiotico-linguistique. En se concentrant sur le problème de la réception textuelle, cette approche risque souvent de dénaturer le médium cinématographique en le privant de sa propre épistémologie axée sur les processus d’interprétation et d’analyse filmique. C’est peut-être à partir de ces flous constitutifs que le domaine francophone, à partir des années 2000, commence à développer une approche plus équilibrée, qui semble mieux saisir la nature du médium cinématographique dans ses rapports avec les formes de connaissances sur l’espace. En 2005 le cinéaste Thierry Jousse et le philosophe de l’urbain Thierry Paquot dirigent La Ville au Cinéma, une encyclopédie multidisciplinaire qui s’efforce d’aborder la question non plus à travers le prisme d’une seule discipline, mais en faisant recours à un dialogue constant entre les différents savoirs sur les espaces urbains : urbanisme, histoire de l’art, études filmiques, géographie, philosophie, etc. Le résultat est richissime et le grand atout réside notamment dans le choix de privilégier la compréhension d’un phénomène au profit d’une exclusivité épistémologique. Pour ce qui concerne la géographie stricto sensu, une voie équilibrée d’aborder la question voit le jour chez Michel Lussault. Dans L’Homme Spatial. La construction sociale de l’espace humain (2007), - ouvrage fondamental pour la géographie contemporaine -, l’auteur soutient l’idée que le cinéma soit un moyen (important mais non exclusif) qui contribue à la fabrication des imageries de l’urbain. En se référant aux travaux de Maurice Godelier sur le rapport entre l’idéel et le matériel (1992), le géographe considère l’espace humain comme une entité hybride, et en ce sens, le film, comme on le verra dans le prochain paragraphe, est traité comme un instrument qui participe activement à la définition et à la stabilisation des imaginaires de l’espace, c’est-à-dire à une de ses composantes immatérielles. Lussault renforce son attention pour le cinéma quelques années plus tard quand, à la manière de Harvey, il se sert du film Contagion (S. Soderbergh, 2011) pour décrire une nouvelle expérience spatiale qu’il nomme hyperspatialité (2013). Les temps apparaissent donc mûrs pour qu’une revue comme les Annales de Géographie aborde directement la question à travers un numéro spécial (n° 695-696, 2014) entièrement dédié à ce sujet. À côté des noms importants de la discipline (Di Méo, Mekdijan, Staszak), beaucoup de place a été accordée à des nouveaux géographes qui ont fait du cinéma leur intérêt principal. Toutefois, malgré cet intérêt croissant, les objections et les résistances n’ont pas tardé. Particulièrement intéressante est la position de Jacques Lévy, qui dans le numéro 694 des Annales de Géographie (2013), manifeste des doutes profonds sur la place du cinéma dans la géographie. Selon lui le film, dans sa forme la plus répandue et populaire, possède un degré géographique très limité. Le cinéma contemporain, en focalisant son attention sur les exigences narratives, aurait complètement effacé toute forme de cohérence spatiale au profit de la lisibilité de l’action pour le spectateur. La solution pour lui est une sorte de révolution esthétique visant à reléguer l’emprise du cinéma populaire au deuxième plan au profit d’une nouvelle forme de production « intellectuellement sensible » à la question géographique. Si l’excès d’intérêt vers la question de la réception du public engendrait une dénaturation du médium chez les anglo-saxons, ici, l’excès opposé obtient le même résultat. L’impression est que Lévy veuille complètement effacer le cinéma au profit d’une autre forme de production audiovisuelle soumise à des exigences scientifiques. Sur le fond, l’usage de l’audiovisuel dans les pratiques de la géographie ne devrait pas poser d’objections en principe. Toutefois, le cinéma, au sens premier du terme est toute autre chose.

6Cet état de l’art est sans doute court et partiel. Cependant certains éléments intéressants émergent. Le statut du cinéma au sein de la géographie, malgré une vitalité croissante, est encore loin de faire l’unanimité. Comme on a vu, des doutes persistent, non seulement à propos de la présence de l’objet « cinéma », mais aussi - et peut-être surtout - à propos des modalités d’aborder la question. Les points de frictions se manifestent notamment en présence des positions radicales et/ou quand on a à faire à des questionnements qui risquent de ne jamais se détacher de la simple introspection épistémologique. Les exemples des courants géographiques issus des tournants linguistique et culturels, tout comme les excès élitistes de Levy, témoignent bien de ce problème.

7De ce point de vue, à présent, la seule solution que nous proposons consiste dans le recours à une approche dépassant les frontières épistémologiques, et qui soit surtout capable de ne pas se détacher de la question primordiale : comment et pourquoi le cinéma est susceptible de contribuer à nos connaissances sur les espaces humains ?

Représentations et imaginaires de l’espace

8La première approche qui à notre sens demeure valable est celle qui a été élaborée par Lacoste et Foucher, et cela, malgré le pessimisme des auteurs eux-mêmes. La géographie est avant tout une étude d’image, et d’ailleurs, l’objet/instrument clé de la discipline – la carte géographique – n’est rien d’autre qu’une image douée de son propre fonctionnement, de sa propre histoire, de sa sémiotique, de son idéologie, et même de son esthétique. Contrairement aux propos de la géographie positiviste, - selon laquelle seulement ce qui peut être cartographié peut faire l’objet d’un questionnement géographique -, aujourd’hui la complexité multidimensionnelle de l’espace géographique est un acquis. De ce point de vue, le cinéma, à partir de l’ontologie réaliste d’une fenêtre ouverte sur le monde (Bazin, 1976), est susceptible d’offrir une série d’informations potentiellement pertinentes, à condition d’être en mesure de les décrypter, de les interpréter, et de les situer dans le contexte d’un objet qui, de par sa nature même, n’est pas conçu pour « subir » un questionnement géographique. De ce point de vue, la singularité de chaque film est primaire, comme le témoigne la dialectique entre réalité et fiction élaborée par Foucher et Lacoste. La question est certainement complexe, et ici on ne peut pas aller plus loin dans une une synthèse superficielle. Traiter le cinéma comme une représentation de l’espace implique néanmoins le recours à des pratiques incontournables concernant les conditions du tournage (décor naturels, reconstitutions en studio, relation entre les données fictionnelles et les territoires concernés, etc.), les études du décor, la dialectique constante entre les pratiques de mise en scène d’un territoire, d’un lieu ou d’une catégorie spatiale et les autres savoirs concernant ces mêmes entités géographiques.

9L’autre approche que nous avons développée (Pinto, 2016) consiste à considérer le cinéma, tout comme d’autres médias, un puissant fabriquant d’imaginaires de l’espace. Il s’agit d’une posture théorique qui tient en profonde considération l’ontologie du cinéma (produit artistique, culturel, et à grand public) comme l’épistémologie de la géographie dans laquelle les études sur les représentations spatiales demeurent fondamentales. Le point de départ de cette approche s’inscrit, comme on a vu, dans les travaux de Michel Lussault qui considère l’espace humain comme une entité hybride dans laquelle l’idéel coexiste avec le matériel. « L’idéalité n’est pas l’instance des idées abstraites, mais la pensée, sous toutes ses formes (y compris celles qui la fixent dans des énoncés matériels comme les cartes, les peintures, les objets ou dans des dispositifs formels comme des bâtiments, des paysages, etc.), en acte(s) dans la construction et la stabilisation des agencements sociétaux et des pratiques des êtres humains » (2007, p. 69-70). Toute représentation spatiale, pour le géographe, rentre au sein de cette hybridité et devient de l’espace-en-propre, c’est-à-dire une composante non exhaustive, mais tout de même appartenant aux dimensions immatérielles de l’espace. « Cet espace «figuré» par l’iconographie n’est donc pas «seulement» une image spatiale, un double mimétique, une réplique en réduction ; c’est aussi et surtout de l’espace-en-propre, configuré par l’image » (p. 73). L’autre contribution théorique au concept de cinéma et imaginaire provient cette fois des études filmiques, et en particulier du travail du cinéaste et écrivain nîmois André Gardies. Dans L’Espace au Cinéma (1993), l’auteur explicite magistralement le processus de construction de l’espace diégétique, c’est-à-dire l’espace fictionnel dans lequel se déroule toute l’action filmique. Cet espace se façonne à travers l’interaction entre les données fournies par le film et un travail d’interprétation du spectateur qui se réalise en mobilisant ce que Gardies définit comme « savoirs préalables ». Ces savoirs se composent d’un côté des expériences subjectives de tout spectateur (son vécu, son quotidien, sa culture, etc.), et de l’autre, de ce que le cinéaste nomme « monde culturel des savoirs encyclopédiques ». Ces derniers ne sont rien d’autre qu’un patrimoine de représentations à la nature variée, qui, agissant à niveau intersubjectif et intertextuel, façonnent notre manière de percevoir, concevoir et représenter les espaces humains. Nous avons nommé ces savoirs « imaginaire de l’espace ». Pour le dire d’une manière plus simple, cet ensemble de représentations participe activement à la définition des identités culturelles, médiatiques et visuelles de tout espace humain. En ce sens, le cinéma, en raison de sa diffusion planétaire et à grand public, est à considérer comme un vecteur parmi les plus puissants pour fabriquer et véhiculer ces imaginaires, ce patrimoine de savoirs intersubjectifs et hétérogènes qui, à tort ou à raison, rentrent au sein de dimensions immatérielles de l’espace humain.

Conclusions

10Cette synthèse approximative est bien loin d’offrir une exhaustivité théorique, et encore moins méthodologique. Toutefois les processus de construction de l’imaginaire possèdent l’avantage de ne pas forcer la main, ni sur la géographie, ni sur le cinéma. Nous plongeons bien évidemment dans un contexte purement qualitatif, dans lequel le recours à des savoirs hétérogènes est indispensable. Somme toute, les doutes de Lacoste sur la nature heuristique du projet « cinéma-géographie » ne sont pas sans fondements. Le problème réside à notre sens dans l’exclusivité – au sein des savoirs concernés – de l’approche géographique. De ce point de vue, le futur est incertain. Si les contributions et les rencontres scientifiques se multiplient, en revanche, les inquiétudes théoriques sont loin d’être apaisées et les approches interdisciplinaires peinent à trouver une reconnaissance légitime. En tant qu’objet a priori hétérodoxe, le cinéma est susceptible de révéler des dysfonctionnements jusqu’ici réprimés. Paradoxalement le risque majeur n’est pas celui de refuser au cinéma le statut d’objet géographique, mais plutôt de s’en approprier de manière « illicite », c’est-à-dire en dénaturant complètement sa nature et en reléguant à l’arrière-plan ses savoirs. Le cinéma dans les sciences humaines et sociales peut sans doute trouver une place majeure, à condition d’accepter sa complexité, son statut d’objet à la fois artistique, social, historique, culturel, politique, philosophique, et seulement aussi géographique. En ce sens, la seule solution qui nous paraît raisonnable consiste dans le fait de conjuguer les savoirs propres du médium avec les disciplines concernées. Si la capacité du film à produire des espaces immatériels, capables d’élargir nos savoirs, n’est pas en discussion, en revanche l’entente entre les pratiques de la géographie, de l’esthétique, de la sociologie, des études filmiques etc., est encore in fieri, et rencontre des résistances pas tout à fait rassurantes.

11C’est à partir de ce constat que l’émergence du cinéma dans la géographie a permis un questionnement bien plus large sur la « santé » scientifique de la discipline. Crise d’un savoir qui voit de l’espace partout et toujours ? Dysfonctionnements académiques ? Ou bien, savoir fluide (au sens positif du terme) ? Capacité intrinsèque de dialoguer au nom de l’envie de saisir la complexité du monde ? Ouverture interdisciplinaire ? La réponse est difficile, en raison, avant tout, de la grande hétérogénéité non seulement des approches géographiques au cinéma, mais aussi et surtout des différents courants qui parfois peinent à trouver un dialogue productif. De notre point de vue, nous ne pouvons que souligner la grande occasion offerte par le cinéma, par un médium dont les capacités et les caractères intrinsèques peuvent sans doute nous aider à mieux saisir les espaces et les temporalités du monde dans lequel vivons. À nous de savoir relever le défi.

Bibliographie

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Pour citer ce document

Alfonso Pinto, «Représentation et imaginaire un état des lieux du cinéma dans la géographie», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 15-Varia, DANS L'ACTUALITÉ, Communication et Cinéma,mis à jour le : 01/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=118.

Quelques mots à propos de : Alfonso Pinto

École Normale Supérieure de Lyon, alfonso.pinto@ens-lyon.fr