QUESTIONS DE RECHERCHE
La translittératie : un regard renouvelé sur l’éducation à l’information
Table des matières
Texte intégral
1Cette contribution émane d’une recherche ANR menée de 2013 à 2016 intitulée Translit (Translittératie informationnelle), centrée sur l’observation et l’analyse des pratiques de nature translittéracique (tâche scientifique n° 2, coordonnée par Vincent Liquète). Notre propos est de rendre compte de la démarche de construction de la recherche et de quelques résultats saillants que nous avons obtenus. La translittératie a été initialement définie par Sue Thomas (2007) comme « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télévision, la radio et le cinéma jusqu’aux réseaux sociaux ». L’approche translittéracique que nous avons retenue est plus complexe que celle de cette définition initiale, dans le sens où elle s’inscrit dans le périmètre des cultures de l’information en contexte, par le repérage de situations de transferts d’une littératie à une autre, d’un média à un autre, d’un dispositif à un autre. Nous avons analysé les processus de recherche d’information, sous l’angle translittéracique, tout en prenant en compte la dimension sociale, les interactions entre individus, car il s’agit d’observer les attitudes entre prescriptions fortes et absence de prescriptions. Enfin, les chercheurs impliqués (de Rouen, de Bordeaux et de Poitiers) ont cherché à mettre en lumière de nouvelles formes de grammaire de l’information au sens de Chervel (1981) permettant l’intégration de savoirs socialement fragmentés face auxquels l’institution scolaire, par ses enseignants, tente de se réorganiser. Nous faisons l’hypothèse qu’il y aurait ainsi distribution des littératies dans les séquences d’enseignement-apprentissage observées. Pour cette contribution, nous faisons le choix de nous centrer sur les résultats recueillis sur les terrains scolaires investigués dans le cadre de ce projet.
Cadrage théorique et méthodologique
2Notre volonté de prendre en compte « l’épaisseur sociale de la pratique en construction » (Souchier, Jeanneret, Le Marec, 2003) pour intégrer la question des contextes a exigé de notre part un protocole combinant plusieurs méthodes de recueil de données. C’est ainsi que nous avons fait appel à un ensemble de techniques d’enquêtes qualitatives pour mener à bien notre investigation : l’observation distanciée, l’entretien individuel, le focus group, l’entretien d’explicitation, également individuel ou collectif. Pour considérer les pratiques informationnelles des élèves, nous avons adopté une approche écologique mettant l’accent sur le rôle de l’environnement dans lequel le sujet instaure sa relation à la recherche d’information, et plus largement à l’activité informationnelle. Nous avons porté une attention particulière aux modes d’interactions complexes entre acteurs en considérant que la translittératie s’élabore forcément dans des collectifs humains. Nous avons également adopté une approche de « cognition située » (Conein, Jacopin, 1994), qui permet d’apprécier et de mesurer l’incidence des environnements techniques, médiatiques, documentaires, et des dispositifs socio-techniques sur la manière de construire des parcours translittéraciques par les acteurs eux-mêmes ou par les médiateurs (enseignants de discipline/documentalistes, animateurs, etc.). Nous avons enfin considéré les processus de « cognition distribuée » (Conein, 2004) et de ce fait, les modes de distribution sociale d’activités et de démarches de nature translittéracique, à travers les formes de collaboration notamment, ainsi que les échanges à visée cognitive.
3Un protocole multidimensionnel a donc été mis en place à partir d’une observation de type ethnographique impliquant des méthodologies croisées : application d’une grille d’observation commune à tous les terrains d’investigation, capture audio des séances observées, photos, collecte de documents significatifs de l’activité informationnelle et organisationnelle des élèves et de la régulation enseignante (productions des élèves, brouillons et documents organisationnels, feuilles de route fournies par les enseignants, discussions sur Facebook, documents collaboratifs en ligne, etc.), recueil de la parole des acteurs. Concernant les éléments d’observation, chaque chercheur s’est essentiellement focalisé sur les contextes d’action (temps de travail dédié, prolongements en dehors de la situation observée), sur la distribution du travail au sein du groupe, la recherche d’informations individuelle et collective, les interactions entre élèves, élèves et enseignants et entre enseignants, la mobilisation des différents médias et outils et les moments de passage de l’un à l’autre, les critères d’évaluation des productions et des démarches. Au cours des observations, chacun s’est régulièrement déplacé d’une perspective large à une perspective étroite, en se concentrant sur un seul groupe, activité ou interaction pour revenir ensuite à une vue d’ensemble de la situation (Grosjean, 2013).
4Concrètement, plusieurs terrains scolaires ont été investis, dans les académies de Lille, de Bordeaux et de Poitiers, dans des lycées d’enseignement général et professionnel, sur 3 années et durant plusieurs semaines1, sans niveau précis visé, autour de dispositifs permettant l’observation de situations translittéraciques, des activités info-communicationnelles réalisées majoritairement « in situ », avec comme impératif que soit demandée, dans la séquence d’enseignement observée, une production de type numérique. Nous avons observé des dispositifs d’enseignement tels que les TPE (Travaux Personnels Encadrés) pour les lycées généraux, le CCF (Contrôle en Cours de Formation) pour les lycées professionnels), les MID (Modules Interdisciplinaires en seconde) dans le cas précis d’un lycée-pilote, ainsi que des projets divers (voyage scolaire, projets de recherche interdisciplinaires…). Ces situations accordent une grande place au travail de groupe et à la production de contenus par les élèves, entre autres par le moyen des technologies de l’information et de la communication.
Principales tendances recueillies pour comprendre et analyser la translittératie informationnelle
5L’application stricte d’un protocole identique sur ces terrains différenciés permet véritablement de mettre en lumière des lignes de force propres à comprendre et analyser la translittératie informationnelle.
Contextes d’interaction : les espaces comme cadre des interactions
6Selon nos contextes, des lieux différents ont été investis pour mener les projets pédagogiques. Le CDI du lycée apparaît comme un espace particulièrement légitimé et légitimant d’une nouvelle forme d’interaction, lieu de l’interdisciplinarité revendiquée, les acteurs – enseignants comme élèves – faisant part du sentiment de pouvoir, au sein de ce lieu d’enseignement-apprentissage, nouer d’autres relations entre eux et travailler dans des conditions et selon des postures différentes. L’on aurait pu supposer que la salle informatique était également plébiscitée par les acteurs dans le cadre de projets engageant le numérique ; en réalité, les interactions y apparaissent contrariées, la disposition rigide de la salle ne favorisant par les multi-agencements et les travaux de groupe, et accentuant la division du travail. Lors d’une observation menée à l’occasion d’une sortie scolaire, nous avons pu mesurer la nécessité de prendre en compte les porosités entre les contextes dans les situations informationnelles : ainsi, l’espace scolaire se prolonge dans l’espace social, faisant émerger des interactions nouvelles au service de la translittératie, comme dans le cas de cette situation où le professeur documentaliste invite les élèves à prélever des informations dans la ville, supposant le recours aux objets personnels de recueil tels que le téléphone portable ou la tablette. Sont ainsi favorables au déploiement des pratiques translittéraciques ces « espaces intermédiaires » entre vie scolaire et vie personnelle, entre présentiel et distance (Cottier, Burban, 2014). En outre, nous avons pu, sans surprise, observer une forte externalisation des interactions, à travers l’exploitation des réseaux sociaux et socio-numériques, notamment, qui viennent pleinement soutenir la régulation du travail de groupe et la coordination des tâches.
Interactions et activités : l’organisation de l’activité en questions
7Placer les élèves en situation de production numérique, faisant appel, et à des compétences personnelles issues de la sphère non formelle et à un travail de groupe socialisateur, pose avec force pour les enseignants la question de leur place dans le dispositif d’enseignement-apprentissage. Une tension de préoccupations est à l’œuvre selon les profils des enseignants, entre ceux – disciplinaires – qui effectuent un amalgame entre travail de groupe, « autonomie », et non intervention enseignante, et ceux – plutôt les professeurs documentalistes – qui voient dans ce dispositif l’opportunité de temps pour accompagner l’activité informationnelle de manière prioritaire. Tous s’accordent toutefois sur la nécessité de changer de posture en s’effaçant relativement pour favoriser les interactions entre élèves.
8Nous avons remarqué que les enseignants, très majoritairement, laissent les élèves s’organiser comme bon leur semble, et que ce laisser-faire conduit plutôt à une répartition des tâches qui se fait spontanément selon les supports et les codes de lecture-écriture. La translittératie n’est donc pas spontanée, loin de là. Un terrain nous a permis de voir un professeur – documentaliste en l’occurrence – former précisément à l’imbrication entre plusieurs codes d’expression, attirant l’attention des élèves, lors de la projection de la production numérique, sur le lien entre l’image/le son et l’information-connaissance. Le cadrage enseignant sur tous les terrains – et partant de l’activité – s’effectue par la mise en place de documents témoins, qui deviennent parfois de véritables « documents pour l’action » (Dalbin, Guyot, 2007), tels que feuille de route, carnet de bord ou encore fichiers enregistrés sous forme de tutoriels. Le cadrage effectué, les régulations de l’activité sont observables. Nous avons particulièrement pu déceler comme facteur essentiel pour réguler l’activité l’identification, par les élèves eux-mêmes, des expertises des uns et des autres : ainsi, lors d’une coordination au sein d’un groupe, un storyboard est réalisé spontanément par les membres d’un groupe pour organiser les tâches, selon l’expertise attribuée (bibliographie, maîtrise technique, organisation des connaissances, etc.). Une circulation sociale de l’expertise est ainsi observée entre les élèves, qui verbalisent constamment leurs actions, bien que le compagnonnage effectué soit essentiellement technique. Nous avons aussi pu observer des situations où une communauté se structure entre élèves et enseignants, lesquels se satisfont de cette activité qui leur permet « d’apprendre à côté de (leurs) élèves » (une professeure d’Anglais).
Interactions et connaissances : de la translittératie, vraiment ? Toujours ?
9Les productions des interactions, soit les productions numériques réalisées dans le cadre des projets observés, sont tout à fait révélatrices des expertises repérées et des tâches réparties au sein des groupes. Émane alors pour les élèves réalisateurs de ces productions une vraie fierté du travail réalisé, abouti. Il faut toutefois signaler le caractère relativement contraint de la translittératie observable à travers ces projets : en effet, l’imbrication entre les codes de lecture-écriture (image, texte, son, par exemple) était un critère d’évaluation annoncé en amont du projet pédagogique. Il n’est pas certain, dans la mesure où nous avons, lors de l’organisation de l’activité, observé des répartitions littéraciques strictes entre les membres des groupes, que les élèves auraient produit des restitutions aussi multilittéraciques si cela n’avait pas été préalablement imposé. Quoi qu’il en soit, les productions numériques témoignent une fois de plus de l’hétérogénéité des compétences détenues par les élèves, et de la place du temps extra-scolaire dans l’organisation collective qui est tout à fait prégnante. Cela pose, par conséquent, la question des inégalités engendrées ou renforcées par ces productions, dont la réalisation est souvent déléguée hors du temps scolaire, sans accompagnement enseignant, reposant alors pleinement sur la qualité de l’équipement technique des élèves en dehors de l’école, mais aussi sur les expertises déjà développées par les adolescents dans le domaine informationnel et numérique. Le « faire » et le « faire faire » donnent l’illusion pour les enseignants de « faire apprendre » ou « faire apprendre à », alors que les observations témoignent de la nécessité de temps dédiés pour formaliser et structurer les connaissances translittéraciques.
Quelques perspectives en matière d’éducation à l’information
10Cinq éléments composent le concept de translittératie : le rapport au groupe (facteur social), le rapport aux dispositifs sémio-techniques (facteur technique : espaces, supports, machines, démarches qui permettent de trouver et traiter l’information), le rapport à la légitimité (facteur culturel), le rapport au temps (facteur temporel) et le format des connaissances (facteur cognitif). Ces éléments constituent autant de points qui nécessitent une attention particulière dans le cadre des dispositifs d’éducation à l’information.
Les conditions d’une littératie distribuée
11Les observations en contexte de projet ont montré que les compétences se transforment largement dans le cadre du groupe. Ce dernier permet qu’émerge une complémentarité relative entre les individus, soit sur le mode de la distribution des tâches selon les compétences et les capacités supposées de chacun, avec des effets de leadership, soit sur le mode des transferts d’expertise d’un individu à l’autre ou au groupe. Les processus de validation de l’information sont sociaux et multimédias, sans référence à un modèle unique. Cela ne garantit pas nécessairement la construction d’apprentissages individuels, puisque les élèves peuvent rester confinés dans leurs domaines d’expertise ou en dehors, même s’ils ont pris conscience de l’importance du travail en groupe. La distribution des compétences et de la connaissance s’observe autour de trois axes : la collecte de l’information, l’écriture et la synthèse, la communication. Dans les situations de création, des pratiques de tutorat des élèves par quelques experts dans la classe se mettent en place. La lecture et l’écriture connaissent des combinaisons variées et des agencements multimédiatiques : lecture sur écran et écriture (prise de notes) sur papier, lecture et écriture sur écran ou sur papier, lecture sur papier et écriture sur écran voire sur téléphone. Dans ces configurations stratégiques et cognitives, les outils occupent une place importante.
12Des formes de cognition distribuée existent lorsque l’interaction entre des technologies cognitives liées à un environnement particulier (un espace de travail par exemple) et des espaces d’échanges liées aux agencements sociaux (dans un type de tâche requis) créent des modalités collaboratives d’apprentissage (Conein 2004). Les espaces, supports, machines, méthodes qui permettent de trouver et traiter l’information peuvent être considérés comme un outillage informationnel. Les lycéens utilisent une gamme très large d’outils qui leur permet de varier les modalités d’accès à l’information, quand ces outils sont à leur disposition. A priori, le choix des outils dépend au départ de ce que l’environnement familial et social offre à chacun, même si les statistiques montrent en France un très fort taux d’équipement numérique des familles, les plus défavorisées comprises, surtout autour des pratiques de communication et de jeu. Le rôle de l’enseignant est essentiel pour faire connaître des outils qui n’appartiennent pas à l’univers quotidien des élèves, dans trois grandes fonctions qui recoupent les axes d’activité des élèves déjà mentionnés : la recherche et le stockage, le traitement et la communication de l’information.
13Du point de vue de la recherche d’information, une attention particulière doit être portée aux espaces. L’usage des espaces publics que sont le CDI et la bibliothèque est logiquement privilégié par ceux qui n’ont pas ou peu d’accès à l’information à la maison, à l’inverse, les élèves issus de familles informationnellement « aisées » (par leurs relations sociales, leur patrimoine culturel, etc.) ont tendance à se contenter de ce qu’ils trouvent chez eux (les amis des parents, les frères et sœurs, les abonnements, la bibliothèque familiale). La combinaison des machines et des espaces permet aux élèves d’utiliser des réseaux. Si les réseaux sociaux ne sont un avantage que dans les familles les plus favorisées (des élèves trouvent des relations des parents à interviewer dans les sphères économiques, culturelles et politiques), les réseaux socio-numériques sont susceptibles de profiter à tous pour stocker et partager l’information, mais pas pour la rechercher.
Les conditions d’une transculturalité
14Les modalités de travail observées montrent que la fracture culturelle la plus large est celle qui sépare la culture scolaire des pratiques culturelles individuelles, particulièrement dans les modes de représentation et de légitimation de l’information. Du côté des enseignants, les capacités techniques des élèves sont souvent surestimées, sans que cela soit spécifique aux situations en jeu puisque le décalage entre les compétences numériques attendues et réelles est un phénomène qui a été observé depuis longtemps dans les recherches (Dioni, 2008). Cette surestimation a pour effet la négligence par rapport à des besoins de formation réels, même du côté des techniques. Pour les élèves, les enseignants sont vus comme peu experts techniquement mais incontournables pour valider les contenus de l’information par rapport aux exigences scolaires. Ils sont donc souvent appelés pour cette validation, alors que l’on rencontre une injonction paradoxale d’autonomie puisque les élèves sont sommés d’être experts et critiques sans disposer nécessairement de tous les outils cognitifs nécessaires. Ces décalages dans les représentations du régime de vérité peuvent ralentir la dynamique des groupes ou la créativité. Les compétences en matière d’évaluation fine de l’information sont encore très lacunaires au lycée, et paradoxalement, les enseignants jouent un rôle de retardateurs de la construction de ces compétences, la recommandation par l’enseignant remplaçant toute recherche autonome sur la valeur de l’information, la mécanisation de pratiques d’évaluation (varier les sources, utiliser plusieurs moteurs de recherche) la vidant de son sens. Il existe donc un décalage entre les processus cognitifs réels et la représentation du savoir légitime. Le pont est à construire entre l’univers informationnel du web, mouvant et flou, et l’univers scolaire qui structure la communication, les formats et les légitimités.
15La capacité à savoir gérer le temps libre et à s’organiser pour travailler en autonomie en dehors de l’école (Le Douarin, 2014) est très diverse selon les élèves. Les modalités de travail à distance exigent de l’élève un savoir-faire (au sens de Coulon, 1997) qui ne dépend pas d’un apprentissage technique ou de la maîtrise des outils numériques mais bien d’un allant-de-soi consistant à s’approprier des méthodes de travail pour faire la démarche de se connecter à l’ENT, consulter des documents et de prendre le temps de s’informer, dans un processus d’affiliation au groupe de la classe et à ses activités. Les élèves sont sensibles à la maîtrise du temps dans les interstices que sont les moments de partage qui peuvent s’étirer au détriment de l’efficacité cognitive. Cette dilution peut être compensée par les échanges sociaux entre pairs, et l’émergence d’expertises distribuées dans les groupes de travail autour de certaines formes comme le blog. L’accessibilité d’internet à la maison et l’usage des outils numériques usuels peuvent faciliter le travail en dehors de l’établissement, à la maison, à la bibliothèque, pendant les vacances.
Les formats de la translittératie
16Les outils numériques du quotidien permettent de s’appuyer sur des formats de connaissance et de communication familiers et partagés (la liste, la collection, l’index, sur les réseaux sociaux, les blogs par exemple) pour un usage personnel comme pour un usage scolaire. Ils offrent ainsi des opportunités pour créer leurs propres espaces-temps de socialisation, d’apprentissage et s’évader des contraintes spatiales et temporelles imposées par l’école. Ces moments peuvent perturber la maîtrise du temps par l’enseignant. Ils sont liés, le plus souvent, à des pratiques itératives de lecture/écriture. Les adolescents écoutent de la musique et travaillent en même temps sur leur téléphone, superposant des activités variées. Le format de connaissance reste un repère qui permet de distinguer ce qui relève du contenu des connaissances inclus dans une forme spécifique et imposée, et ce qui relève du contexte de l’apprentissage. La proposition de formats de connaissances variés permet la mise en place de conditions communicationnelles et fournit un cadre facilitant l’émergence de compétences translittéraciques. C’est le cas du carnet de bord, obligatoire dans les TPE mais souvent réduit à une exigence formelle et inutile. Quand il existe, le carnet peut devenir un véritable outil cognitif et didactique de formation, un outil de stockage, de partage et de documentarisation de l’information trouvée. Enfin, un format de communication spécifique permet de faire réfléchir les élèves à des modalités alternatives de restitution d’une recherche et de réduire les contradictions qu’ils perçoivent entre des agencements multimédias familiers et des formats scolaires contraints (l’écrit, le papier, l’exposé). Des formats ouverts sur le design de l’information à travers la production de contenus peuvent également être des pistes de réflexion sur des modes de grammatisation des usages qui sollicitent non plus des procédures mais la réflexion critique, non plus seulement la résolution de problèmes mais aussi la découverte de questions.
17Si l’on revient sur les trois facteurs mentionnés, la translittératie est facilitée par le travail en groupe et la multiplication des outils, mais plutôt freinée par les contraintes culturelles, les représentations de ce qui est légitime et qui s’expriment dans des choix de formats de connaissances classiques. C’est donc à ce niveau de la construction culturelle, de l’univers des représentations et de la construction du sens, que le rôle de l’enseignant devient essentiel pour qu’émergent des formes de translittératie.
Bibliographie
Chervel André, Histoire de la grammaire scolaire, PBP édition, 1981.
Conein Bernard, Jacopin Eric, « Action située et cognition : le savoir en place », Sociologie du Travail, vol. 36, n° 4, 1994, p. 475-500.
Conein Bernard, « Cognition distribuée, groupe social et technologie cognitive », Réseaux, n° 124, 2004/2, p. 53-79.
Cottier Philippe, Burban François (dir.). Le lycée à l’ère numérique, Toulouse, Octares, 2014.
Dalbin Sylvie, Guyot Brigitte, « Documents en action dans une organisation : des négociations à plusieurs niveaux », Études de Communication, n° 30, 2007, p. 55-70.
Dioni Chrisine, « Métier d’élève, métier d’enseignant à l’ère numérique », 2008, [en ligne] https://edutice.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/259563/filename/rapportrecherche0208.pdf
Grosjean Sylvie, « Étudier la dimension sensible des savoirs produits en contexte de travail », Études de communication [En ligne], n° 42, 2014, mis en ligne le 1er juin 2014, consulté le 26 avril 2017. URL : http://edc.revues.org/5796
Souchier Emmanuel, Jeanneret Yves et Le Marec Joëlle (dir.), Lire, écrire, récrire – objets, signes et pratiques des médias informatisés, Paris : Bibliothèque Publique d’Information, Coll. « Études et Recherches », 2003, 350p.
Thomas Sue et al. « Transliteracy : Crossing Divides », First Monday, vol. 12, n° 12. 2007. [en ligne] http://www.uic.edu/htbin/cgiwrap/bin/ojs/index.php/fm/article/view/2060/1908.
Notes
1 13 semaines à Poitiers ; l’intégralité des séances de TPE, soit 18 semaines, d’une classe à Lille une année, et 12 semaines avec un voyage scolaire l’autre année ; l’intégralité des séances de TPE à Bordeaux pour une classe sur une année et 2 classes l’autre année, 2 séances d’un lycée professionnel.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Vincent Liquète
Université de Bordeaux, IMS CNRS UMR 5218 - Équipe RUDII, vincent.liquete@u-bordeaux.fr
Quelques mots à propos de : Anne Lehmans
Université de Bordeaux, IMS CNRS UMR 5218 - Équipe RUDII, anne.lehmans@u-bordeaux.fr
Quelques mots à propos de : Anne Cordier
Normandie Université – ESPÉ de Rouen, ESO CNRS UMR 6590, anne.cordier@univ-rouen.fr