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QUESTIONS DE RECHERCHE

Marlène Loicq

L’éducation aux médias dans un monde cosmopolite. Penser une citoyenneté interculturelle

Article

Texte intégral

1Les médias sont des médiations entre les individus et le monde. À la fois outil de leur rencontre, mais aussi créateurs de sens, ils peuvent, à bien des égards, être appréhendés comme des partenaires de l’interaction de chacun avec le monde extérieur. Largement internationalisés, ils mettent leurs usagers en contact avec des univers de sens très variés. Le travail autour de la question du sens ouvre des pistes pour une éducation aux médias inclusive, tournée vers des préoccupations sociales et culturelles de l’usage des médias, de leur place dans la vie sociale à l’ère de la globalisation, et du potentiel éducatif interculturel dont ils sont porteurs. L’éducation aux médias naît de deux constats majeurs : une appétence pour les médias qui offrent des expériences culturelles et communicatives diverses, et le rôle devenu structurant de ces médias dans les démocraties modernes et par conséquent, dans les citoyennetés. Or, bien souvent en France, les dimensions culturelles et citoyennes sont abordées distinctement. Mais l’éducation aux médias, de par ses fondements épistémologiques, mais aussi grâce à son ancrage éducatif transversal et transdisciplinaire, incite à penser conjointement culture et citoyenneté. Dans le contexte actuel où les productions et les consommations culturelles sont largement internationalisées, et où les expériences individuelles et collectives sont portées par la diversité, l’éducation aux médias se présente comme un terrain propice pour appréhender la communication interculturelle comme citoyenneté active.

2Dans le cadre de cet article, nous présenterons les outils conceptuels de l’interculturel comme rencontre (réelle ou symbolique) d’univers de sens distinct. Travailler l’interculturalité, ce n’est pas simplement ouvrir un dialogue international ou mettre en place des rencontres entre individus de nationalités différentes. L’interculturalité se vit dans l’interaction, dans la communication à partir d’univers symboliques distincts. C’est parce que notre regard posé sur le monde est fondamentalement culturel, et parce que les codes que nous employons pour communiquer sont signifiants et porteurs de valeurs, que la communication n’est pas une évidence. Ces codes, ces valeurs, ces univers de sens peuvent rencontrer des degrés plus ou moins forts de divergence, allant de l’incompréhension à la confrontation. L’interculturalité n’est donc pas non plus une attitude spontanée et évidente. Communication et interculturalité sont pourtant des faits avec lesquels l’humain est amené à composer. Toutes deux font ainsi appel à la fois à des apprentissages adaptatifs, implicites et spontanés, et à des démarches plus formalisées et explicites. Dans un deuxième temps, nous rappellerons les modalités d’inscription de l’éducation aux médias dans un projet d’éducation à la citoyenneté à partir notamment de l’inscription de l’ÉMI dans le parcours citoyen. Cette orientation propre à la France permet de questionner l’éthique citoyenne du XXIe siècle. Elle appelle à inventer une éducation à la communication qui soit à la fois médiatique et interculturelle. Nous aborderons alors les éléments clés à mettre en place pour mener une éducation interculturelle aux médias.

Penser les médias à partir de l’interculturalité

3Si l’École, après le cadre familial, reste l’instance socialisante privilégiée pour prendre en charge la transmission des valeurs et des normes culturelles, elle ne peut plus croire en sa position exclusive, dominante voire homogénéisante dans le cadre social des enfants. Comme le soulignait déjà Martine Abdallah-Pretceille il y a 20 ans : « socialisation, enculturation, scolarisation, éducation se déclinent désormais au pluriel. L’« étrangéité » d’autrui fait désormais partie du quotidien, soit directement par contact, soit indirectement par les médias. Les enjeux futurs de l’éducation, formelle et informelle, sont donc à définir par rapport à cette complexification et à cette diversification croissante du tissu social et de l’expérience » (1997 : 123). Or cette expérience de la diversité est constitutive de nos capacités à forger et actualiser nos identités.

4L’individu construit et performe son identité en interaction avec son environnement. À l’heure de la globalisation, les éléments de connaissance de l’environnement mobilisables pour se définir offrent des références étendues et diversifiées. Les imaginaires transnationaux sont des facteurs à prendre en compte dans la construction identitaire. Ces éléments sont issus d’expériences culturelles diverses, qu’elles soient vécues sensoriellement ou symboliquement. Les médias, en tant qu’industrie du symbolique, participent grandement à ce phénomène en offrant des possibilités accrues d’entrer en contact et d’accéder à des contenus portés par des univers signifiants pluriels qui dépassent largement les frontières des environnements immédiats des individus. Comme le rappelle Tristan Mattelart (2008 : 20), « l’élargissement de l’horizon expérientiel de l’individu est largement le produit de la circulation démultipliée des biens de consommation et des médias dans le cadre du système capitaliste global ». L’univers des possibles est immensifié et la globalisation sert alors la multiplication des identités culturelles. Qu’il soit question de « créolisation » (Hannerz, 1997), d’« indigénisation » (Appadurai, 1990) ou de « cosmopolitisme » (Beck, 2006), il est maintenant indispensable de prendre en compte cet horizon expérientiel agencé par les médias pour penser l’individu et sa « diversité complexe de choix » (Giddens, 1991). Il est également nécessaire de prendre en compte cette pluralité comme constitutive de la construction sociale de la réalité. Les identités culturelles doivent alors être appréhendées à partir de leurs inscriptions dans des environnements médiatiques mondialisés (médiacultures).

5Face à cet état de fait, des chercheurs rappellent que face à cette multiplication de contenus culturels internationaux, le cosmopolitisme n’est pas un acquis, mais est une posture à choisir. Dans leurs travaux récents sur les pratiques médiatiques des jeunes, Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre (2017) mobilisent le concept de cosmopolitisme esthético-culturel pour analyser les conséquences de cette internationalisation des répertoires de consommation sur les goûts, savoirs et imaginaires des jeunes. Postulant que ces mutations ont un impact sur l’appréhension de l’altérité ethno-nationale, ce cosmopolitisme esthético-culturel se présente alors comme « une disposition culturelle impliquant une posture intellectuelle d’« ouverture » à l’égard d’individus, de lieux et d’expériences de cultures différentes, particulièrement de « nations » différentes » (Szerszynski et Urry, cité par Cicchelli et Octobre, 2017 : 13). Or, en cohérence avec les travaux socio-anthropologiques sur les postures identitaires face à la différence culturelle (Camilleri, Cohen-Emerique, 1989), il apparaît que, malgré un répertoire de consommations culturelles juvéniles largement internationalisé, « aimer une production culturelle ne signifie ni aimer la culture d’un pays d’où elle provient ni souhaiter avoir une forme de solidarité ou d’hospitalité à l’égard des populations qui la produisent » (Cicchelli et Octobre, 2017 : 282). C’est donc bien l’intention qui fonde la posture cosmopolite et c’est donc bien un engagement non plus seulement esthétique et culturel, mais bien politique et éthique dans les pratiques médiatiques qui sous-tend la capacité à s’engager positivement dans des communications saines et égalitaires avec son environnement socio-culturel élargi.

Le concept d’interculturalité pour penser la posture cosmopolite dans les pratiques médiatiques des jeunes

6La culture est un phénomène holistique dont on sait qu’il n’est ni immuable, ni permanent, et dont l’existence même dépend de la possibilité des individus de la mettre en action. Les individus sont des acteurs sociaux inscrits dans des logiques individuelles et collectives de communication au sein desquelles ils performent des systèmes de signification en fonction des situations (environnement, contexte, identités et enjeux de l’interaction). Ils participent alors à des processus sociaux de construction intersubjective de sens qui affectent l’individu dans sa constitution identitaire, et le collectif dans ses dimensions symboliques. C’est-à-dire que l’individu met en action, actualise des cultures dont il articule les ancrages identitaires au sein de sa propre culturalité. Il convient de penser le phénomène interculturel selon la même dynamique performative et d’appréhender ainsi l’interculturalité comme l’interaction entre ces culturalités. Autrement dit, l’interculturel est un phénomène profondément communicationnel. Il est le contexte fondamental de toute communication, et non pas l’accident. La communication va ainsi être plus ou moins interculturelle dépendamment du degré de similarité des éléments culturels activés par les identités en présence, et bien sûr du contexte et des enjeux de la situation1. Cette interculturalité se présente alors à deux niveaux. Elle est d’abord interne et intime puisqu’elle concerne la capacité de chacun à mobiliser ses différentes ressources culturelles et à articuler entre eux des univers de sens distinct (de par l’histoire personnelle, mais aussi l’expérience faite du monde, l’ouverture à la diversité, etc.). Nous la nommons « interculturalité intra-subjective » puisqu’elle concerne la capacité de chacun à composer son identité à partir d’éléments multiples. Ensuite, elle est externe et portée par les enjeux sociaux culturels de la rencontre de l’altérité, de la co-construction de sens, s’agissant ici d’une « interculturalité inter-subjective ». Dans la communication avec l’autre, les univers de sens partagés sont utilisés comme terrain commun d’échange. Les systèmes symboliques différents mobilisés sont quant à eux à la fois source de tension (incompréhension) et d’enrichissement (voir le concept d’interculturation - Clanet, 1990 et Demorgon, 1999).

Apprendre l’interculturalité par les médias

7Si l’impulsion de communication est naturelle et spontanée dès le plus jeune âge, communiquer de manière éthique est une compétence à développer et à affiner au fil de la socialisation. Selon Martine Abdallah-Pretceille (1997 : 124), la communication aurait même perdu son caractère d’évidence, nécessitant alors un « apprentissage systématique et objectivé selon un axe fonctionnel mais aussi et surtout éthique ». L’environnement médiatique rend l’acte même de communiquer d’une complexité croissante. Par définition, les médias établissent le contact avec l’altérité, mobilisent et mettent en tension les systèmes de signification et ainsi, interpellent directement l’interculturalité de chacun de ses acteurs (a fortiori les récepteurs). Ils offrent des possibilités inégalées de connaissance d’univers éloignés (dans le temps et l’espace), de communications multimodales et d’expériences uniques du monde qui nous entoure. En même temps, ces médias se font l’arène de figures figées et stéréotypées, les vecteurs de positionnements inégalitaires et dominants, ils produisent et relayent des discours identitaires asservissants et sont instrumentalisés au service des luttes de pouvoir. Les technologies de la communication sont ainsi présentées comme réalisant et détruisant dans une même dynamique l’espace public numérique et les espoirs de citoyenneté engagée et égalitaire qu’elles suscitent. En comprendre le fonctionnement est alors indispensable pour penser l’environnement socio-culturel.

8Or il serait risqué d’imaginer que parce que les jeunes ont massivement accès aux médias, ils en auraient des usages diversifiés et/ou experts et une égale pratique citoyenne. Accéder à la parole médiatique (l’entendre et la produire) appelle d’abord à une volonté2, puis à des compétences. Une partie d’entre elles sont la résultante d’apprentissages implicites qui s’effectuent au travers de pratiques informelles, et sur lesquelles il faut bâtir les autres compétences appelant à un investissement éducatif formel et explicite. Les compétences communicationnelles en lien avec l’esprit critique et l’interculturalité en font partie.

9Le potentiel interculturel inhérent aux fonctions et fonctionnements mêmes des médias renvoie in fine à la juste capacité de ses utilisateurs/usagers. Garants du sens qu’ils donneront aux contenus médiatiques et des usages qu’ils feront de leurs dispositifs, les utilisateurs doivent être en mesure de mobiliser les compétences communicationnelles que les médias interpellent. À l’heure des phénomènes de globalisation que nous connaissons, les dimensions interculturelles de celles-ci semblent être un engagement heuristique pour penser la citoyenneté active.

L’éducation interculturelle aux médias

10Structurante dans le parcours citoyen3, l’éducation aux médias et à l’information est présentée comme garante d’une capacité des élèves à « apprendre à lire, à décrypter l’information et l’image, à aiguiser leur esprit critique, à se forger une opinion ». Ces compétences se présentent comme étant « essentielles pour exercer une citoyenneté éclairée et responsable en démocratie ». Si bien avant l’intégration de l’ÉMI4 dans le parcours citoyen nous avions montré précisément que cet ancrage de l’éducation aux médias dans une idéologie des Lumières servant à valoriser les valeurs de la République est spécifique à la France (Loicq, 2011), cette nouvelle phase d’institutionnalisation du domaine ne fait qu’en réaffirmer sa dimension politique. Est-il nécessaire de rappeler que Jacques Gonnet, fondateur du Clémi et militant pour une éducation aux médias voyait en celle-ci une « éducation à la démocratie, au politique ». Alors si l’ÉMI est porteuse d’une démarche d’éducation citoyenne, formalisée en particulier mais pas seulement, par cet enseignement moral et civique, n’est-elle pas le lieu où se questionne la citoyenneté même ?

11Une citoyenneté active engage chacun dans un projet social, à partir de ses caractéristiques individuelles. S’engager dans une co-construction d’un environnement équitable et durable nécessite à la fois une connaissance des codes et règles, mais aussi une compétence communicationnelle pour apprécier le pluralisme, développer et présenter ses propres convictions dans le respect des droits et de la loi.

Mise à distance de l’évidence du regard culturel porté sur le monde

12C’est bien parce que les sociétés actuelles, mais aussi les identités individuelles, sont faites de tissages culturels multiples que la citoyenneté est complexe et appelle à une sensibilisation aux questions éthiques et communicationnelles.

13La démarche éducative pour vivre dans cet environnement globalisé et multiculturel relève d’une éducation à la communication. En effet, il ne s’agit pas d’apprendre une nomenclature d’éléments de définitions de ce que serait un pays ou les caractéristiques des individus habitant ce pays, mais d’apprendre à communiquer (y compris avec soi-même) avec plusieurs systèmes de signification, au sein d’une multitude d’éléments de référence distincts.

14L’élément fondamental pour engager une posture interculturelle est d’identifier l’existence même de ces systèmes de signification dans l’interaction des individus au monde.

15C’est alors par une prise de conscience de ses propres mécanismes cognitifs et affectifs dans le rapport au monde et au sein de cet environnement culturel étendu que la démarche interculturelle se met en place. Est visée la capacité à remettre en cause ses perceptions, ses représentations, comme le ferait un chercheur par sa démarche scientifique. L’identification des formes figées de catégorisation que sont les stéréotypes et les préjugés est une étape nécessaire mais difficile tant ils sont souvent enracinés dans l’inconscient individuel et/ou collectif. En tant qu’industries du symbolique et parce qu’ils se fondent sur des communications de masse appelant à des formes signifiantes parfois simples et pauvres, les médias se présentent comme des lieux privilégiés pour capter et étudier ces formes figées de représentation du monde. Le prisme à travers lequel les discours médiatiques construisent des figures du monde sont plus facilement identifiables et donc déconstructibles que le regard singulier de l’individu qui, de fait, lui semble toujours naturel et seul possible. Le concept de représentation est alors structurant de tout projet d’éducation interculturelle aux médias. Ce concept est central à la fois dans le champ de l’interculturel en cela qu’il détermine les attributions de sens aux éléments perçus, et dans le champ médiatique où il identifie la construction d’un discours situé et porteur de sens. À outils spécifiques, le concept de représentation renvoie à des démarches communes d’identification de la dimension signifiante et construite de tout acte de communication.

16L’éducation interculturelle aux médias permet ainsi de faire comprendre que la communication permet de re-présenter le monde et est le lieu de co-construction du sens, des valeurs, des normes, à la fois individuellement et collectivement. N’est-ce pas là également la prémisse d’une éducation citoyenne ?

Reconnaître et se connaître comme éthique à la citoyenneté inclusive

17Être citoyen aujourd’hui c’est rencontrer et être amené à mobiliser différents systèmes de valeurs et prendre position non plus seulement dans un cadre national mais aussi européen et même mondial. La citoyenneté ne peut donc se construire sans conscience de l’existence des différents systèmes de valeurs et des univers symboliques variés qui composent maintenant notre environnement étendu. Comprendre la question même du sens, comment il se construit, se partage mais aussi se déforme et peut être source d’incompréhension voire de conflits c’est bien un enjeu majeur d’une citoyenneté active. Mais c’est aussi l’élément majeur d’une éducation interculturelle aux médias tant ceux-ci sont régis par les codes signifiants qui, lorsqu’ils sont pluriels, constituent les dimensions interculturelles de toute communication comme nous venons de le voir.

18La communication interculturelle est une reconnaissance et non pas simplement une connaissance de l’autre (qui se fonderait d’ailleurs sur des caractéristiques nécessairement limitatrices et désarticulées). Elle concerne alors la réciprocité des regards, incluant celui que l’on porte sur soi-même : « la découverte d’autrui ne doit pas masquer le travail sur la recherche et la maîtrise de sa propre identité, étant entendu que celle-ci se décline au pluriel et selon un paradigme de la complexité de l’hétérogénéité. Une identité unique, homogène et statique n’est plus une identité ; c’est une prison identitaire qui, justement, interdit la perception d’autrui dans sa complète diversité et étrangeté » (Abdallah-Pretceille, 1997 : 125).

19L’individu devrait être préparé à agir dans un environnement social au sein duquel il sera toujours (et simultanément) singulier et identique, dans lequel il trouvera plusieurs « eux » et plusieurs « nous ». Il sera alors amené à gérer toutes les formes de l’altérité (inter et intra-subjectives), proche ou lointaine, culturelle ou ethnique, sociale, nationale, professionnelle, sexuelles, etc. Apprendre à s’épanouir dans un environnement social étendu et avec un horizon élargi de références n’est pas seulement fonctionnel ou utilitaire, mais aussi une posture éthique puisque cette compétence interculturelle conditionne les capacités à (re)connaître autrui et soi-même.

20À l’heure où la citoyenneté se pense dans le cadre de la mondialisation, la capacité à comprendre et gérer des systèmes signifiants distincts est déterminante. Parce que les médias construisent des représentations du monde et que la communication interculturelle est précisément la rencontre de ces images distinctes, l’éducation interculturelle aux médias est un espace éducatif propice au développement de compétences communicationnelles (interculturelles et médiatiques) nécessaires à une citoyenneté active, inclusive et éthique.

21Si la volonté d’inscrire l’ÉMI dans le parcours citoyen pour porter les valeurs de la République en réaffirme les dimensions politique et culturelle, alors celles-ci ne peuvent être exclues du projet. C’est au contraire une occasion de repenser la citoyenneté plurielle et inclusive du 21è siècle. Une citoyenneté active se pense nécessairement dans un environnement globalisé qui dépasse, au moins symboliquement, les frontières nationales. Cette citoyenneté appelle à des compétences communicationnelles fondées à la fois sur les pratiques effectives des jeunes et sur les potentiels offerts par l’environnement médiatique. L’ÉMI gagnerait à se construire et à se mettre en place au cœur d’une réflexion sur les conditions actuelles d’une citoyenneté engagée et éthique, c’est-à-dire prenant en compte la diversité inhérente à nos conditions humaines collectives et individuelles. Elle appelle aussi à une investigation heuristique des formes possibles du vivre ensemble. L’interculturalité se vit collectivement et individuellement. Elle est l’actualisation de systèmes de signification toujours en tension, et se réalise par la communication. Si les technologies incitent à fantasmer une société-monde, c’est finalement aux fondements mêmes de la communication qu’elles renvoient.

Bibliographie

Abdallah-Pretceille Martine, « Pour une éducation à l’altérité », Revue des sciences de l’éducation, vol. 23, n° 1, 1997, pp. 123-132.

Appadurai Arjun, « Disjuncture and difference in the global cultural economy », in Featherstone M. (dir.), Global Culture. Nationalism, Globalization and Modernity, Londres, Sage, 1990, p. 295-310.

Camilleri Carmel et Cohen-Emerique Margalit (dir.), Chocs de cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, Paris : L’Harmattan, 1989.

Cicchelli Vincenzo et Octobre Sylvie, L’amateur cosmopolite. Goûts et imaginaires culturels juvéniles à l’ère de la globalisation, Paris, DEPS, Ministère de la Culture et de la Communication, coll. « Questions de culture », 2017, 424 p.

Clanet Claude, L’interculturel : introduction aux approches interculturelles en éducation et sciences sociales, Toulouse : PUM, 1990.

Demorgon Jacques, « Un modèle global dynamique des cultures et de l’interculturel » dans Demorgon Jacques et Lipiansky Edmond-Marc, Guide de l’interculturel en formation, Paris : Retz, 1999.

Giddens Antony, Modernity and Self-Identity. Self and Society in the Late Modern Age, Stanford University Press, 1991.

Hannerz Ulf, « Scenarios for peripheral cultures », in King Antony D. (dir.), Culture, Globalization and the World-System. Contemporary Conditions for the Representation of Identity, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997 (1re éd., 1991), p. 107-128.

Loicq Marlène, « Médias et interculturalité : l’éducation aux médias dans une perspective comparative internationale (Australie, Québec, France) », thèse de doctorat en cotutelle, soutenue à l’Université Paris 3 le 1er décembre 2011 et à l’Université Laval à Québec le 15 janvier 2012.

Mattelart Tristan, « Les théories de la mondialisation culturelle : des théories de la diversité », Hermès, La Revue, vol. 51, n° 2, 2008, pp. 17-22.

Notes

1 Les enjeux de pouvoir n’étant par exemple jamais totalement absents des questions interculturelles car ils sont structurants de tout processus de communication.

2 À ce propos, les études sur le pluralisme de l’information par exemple montrent que s’il existe un pluralisme « offert » dans l’environnement médiatique, en particulier numérique, c’est bien le pluralisme « consommé » qui fait défaut et conduit à une vision plutôt redondante de l’information (voir entre autre les travaux de Pritchard (2013) qui appelle à « stimuler la demande des citoyens en ce sens »).

3 Le parcours citoyen est mis en place par le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en janvier 2015 à la suite des attentats perpétrés en France, et mis en application selon les modalités définies dans le cadre de la réforme du collège.

4 L’éducation aux médias et à l’information est promue dès 2012 avec la Déclaration de Moscou (UNESCO) et fait état d’un mouvement de rapprochement de l’éducation aux médias et de l’éducation à l’information. C’est sous cette appellation qu’elle prend place dans les programmes français en 2015.

Pour citer ce document

Marlène Loicq, «L’éducation aux médias dans un monde cosmopolite. Penser une citoyenneté interculturelle», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 14-Varia, QUESTIONS DE RECHERCHE,mis à jour le : 05/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=246.

Quelques mots à propos de : Marlène Loicq

Espé-UPEC, Céditec