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Le « musée Angkor » : une délectation culturelle entre mythe colonial et réalité touristique
Table des matières
Texte intégral
L’auteure a séjourné 12 mois au Cambodge/Autorité Nationale APSARA sous l’égide de l’UNESCO et Ambassade de France à Phnom Penh.
1Angkor ! À cette simple évocation littérale c’est tout l’imaginaire de l’Indochine coloniale qui n’a cessé de fasciner explorateurs, scientifiques, administrateurs coloniaux et touristes dès le milieu du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui (Demay, 2011). « Redécouverts » par Henri Mouhot (1826-1861), les temples khmers construits entre le IXe et le XIVe siècle sont étudiés, conservés, dessinés puis mis en scène par l’État impérial allant jusqu’à reproduire à échelle réelle (moulages) le gigantisme de l’art angkorien. Témoins architecturaux de la « Perle de l’Asie », ils sont présentés et exposés aux visiteurs lors des Expositions universelles et coloniales (Marseille en 1906, puis Vincennes en 1931) comme vitrine de l’Empire. L’Indochine française est considérée comme la plus riche des colonies (Farrère, 1924) et les temples d’Angkor sont utilisés par l’administration coloniale comme outil de propagande « […] légitimant, sur place et en dehors de l’Hexagone, la présence et la « mission civilisatrice » de la métropole impériale » (Klein, 2013, 27).
2Ce gigantisme fascine spécialistes et néophytes qui s’empressent de venir admirer l’exotisme monumental à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1931. Près de huit millions de visiteurs viennent y admirer temples, apsara et art khmer. Cet engouement va perdurer jusqu’à nos jours par l’inscription (1992) du site archéologique d’Angkor sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO avec près de six millions de visiteurs internationaux attendus en 2020.
3Ainsi, notre propos est de nous interroger sur l’intérêt suscité par le « musée Angkor » (site patrimonial) auprès de touristes-visiteurs dans l’histoire contemporaine du Cambodge (XIXe-XXIe siècles). Une délectation culturelle ancrée dans l’imaginaire colonial de visiteurs éclairés pour les uns, aux touristes de masse pour les autres, induit par l’inscription des temples d’Angkor sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les premières structures muséales d’art khmer à Paris
4C’est au Château de Compiègne que Louis Delaporte (1842-1925) ouvre en 18741 le premier musée français d’art khmer suite au refus du Musée du Louvre d’accueillir les nombreuses caisses expédiées d’Asie, non sans difficultés techniques et administratives. L’art khmer est inexistant en Europe à cette époque comme le souligne Louis Delaporte dans son rapport (1873) au ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts : « […] la vue de ces restes imposants [ruines d’Angkor] m’avait fait concevoir dès lors le désir d’enrichir notre musée national de quelques-unes de ces richesses artistiques dont il n’existe encore aucun spécimen en Europe […] » (Baptiste, 2013, 115). Pourtant ce nouvel espace muséal ne répond pas à toutes les attentes que Louis Delaporte ambitionne pour ses collections d’un genre nouveau dont il souhaite un dessein plus grand, à Paris. En effet, « le château de Compiègne […] n’a rien de ce qu’il faut pour devenir un musée. […] » (Baptiste, 2013, 117), car les vitrines et l’ameublement « jurent » selon lui.
5Il lui faudra attendre l’Exposition universelle de 1878, puis celle de 1889 afin d’entrevoir un projet muséal à part entière, constamment fragilisé par des incompréhensions esthétiques, des enjeux politiques ou encore un manque crucial d’espaces d’exposition. Pourtant, les collections d’art khmer du musée de Compiègne s’installent dans l’aile de Passy au Trocadéro. Mal reçues par les hommes des arts, elles connaissent néanmoins un intérêt et une curiosité de la part de la presse et du grand public. Malgré les tourments, le Palais du Trocadéro résiste à son destin « d’édifice provisoire » dont la destruction était prévue dès 1878. Le bâtiment est réutilisé et voit naître en son sein le musée d’Ethnologie du Trocadéro dans lequel un espace est réservé aux collections khmères. En sous-sol dans un premier temps, suscitant ainsi l’indignation de la presse évoquant des « Bouddhas accroupis dans la contemplation du néant », puis au musée des Antiquités cambodgiennes du Trocadéro2 mieux connu sous l’appellation du Musée indochinois.
6Dans ce contexte, de nombreux objets sont présentés au public tant des pièces uniques d’art khmer collectées lors des expéditions de Louis Delaporte au Cambodge que des moulages en plâtre qui vont participer à une instrumentalisation par la mise en scène d’Angkor comme « traduction » du point de vue. Selon Falser (2013) cette utilisation coloniale d’éléments décoratifs peut être critiquable, car « il s’agit d’une appropriation esthétique de l’architecture « orientale » à destination de musées et de projets d’exposition élitistes « occidentaux » [et] il s’agit de l’annexion, pour des motifs politiques, de l’héritage architectural asiatique aux canons du patrimoine culturel des colonisateurs […] » (Falser, 2013, 125-126). Des surmoulages sont produits pour les différents pavillons d’Angkor lors des Expositions universelles et coloniales bien que l’exposition de moulages au milieu d’originaux ait déjà été utilisée par Louis Delaporte à Compiègne.
7Si certains auteurs (Falser, Baptiste) y voient une instrumentalisation sans équivoque par l’État colonial dont l’acmé sera donnée par les architectes Alexandre Marcel (1860-1928) et Auguste Delaval (1875-1962) en la reconstitution à l’identique (forme et taille) de temples spectaculaires, c’est le visiteur qui expérimente les premières scénographies d’immersion. En effet, « le visiteur, une fois gravies les marches qui montaient à la pagode, pouvait profiter du formidable panorama sur la tour Eiffel nouvellement ériger […]. Il pouvait aussi pénétrer dans la structure, descendre l’escalier intérieur décoré d’une suite des mêmes décors, pour arriver dans une grotte étonnante […] » (Falser, 2013, 129).
Une mise en scène au service du pouvoir colonial
8En cette fin de XIXe siècle, la France coloniale met en scène les temples d’Angkor pour assoir sa puissance politique, idéologique et économique au vu d’une Europe fragilisée par des relations franco-allemandes tendues, suite de la guerre de 1870, et des rivalités stratégiques et politiques entre impérialismes européens (France, Angleterre, Pays-Bas). C’est une véritable démonstration de pouvoir et de conquête qui est présentée aux visiteurs et hôtes diplomatiques lors de ces grandes expositions. La fabrication et les projets de moulages à échelle 1 soulignent la démesure des efforts déployés par les nations pour « impressionner » leurs voisins. Ainsi, dans son ouvrage (1881) Les Arts méconnus. Les nouveaux musées du Trocadéro, Émile Soldi (1846-1906) mentionne la maquette en plâtre exposée à Compiègne comme élément pédagogique à la meilleure compréhension de l’architecture khmère. Falser considère que cet outil muséal « devait jouer […] un rôle essentiel dans la propagande coloniale française concernant l’Indochine : selon Soldi, le ministère de l’Instruction publique avait envisagé la réalisation d’une maquette à échelle 1 […] pour faire contrepoids à l’immense pavillon indien voisin dans la section britannico-indienne de l’Exposition universelle de 1878 […] » (Falser, 2013, 128). Citons également la « pagode d’Angkor » de 1889 qui reproduit à l’identique l’imposante tour centrale du temple d’Angkor Vat aux dimensions monumentales. Rien n’est trop grand afin de saisir les visiteurs et justifier ainsi les bienfaits et les missions de l’État impérial.
9Si les démonstrations monumentales font foi en métropole, il en va de même concernant l’archéologie in situ à Angkor par la création en cette fin de XIXe siècle de l’École française d’Extrême-Orient3 (EFEO). Comme le souligne Lorin (2012), les puissances coloniales européennes rivalisent aussi par l’exploration et la recherche scientifique in situ qui vont servir de prétexte à la mise en récit par l’exposition tant par les collections que la photographie. Témoin des nouvelles techniques de restauration (anastylose) et d’avancées de chantiers de fouilles (Poujol, 2010), la photographie comme l’illustration (Flon, 2015) vont nourrir l’imaginaire collectif vu depuis la métropole. L’archéologue est perçu comme un aventurier et témoin privilégié de la construction mémorielle du passé faite de découvertes spectaculaires relayées par la presse à un public tenu en haleine.
10Les photographies prises à Angkor par les premiers photographes comme Émile Gsell (1838-1879) ou le Britannique John Thomson4 (1837-1921), documentent les premiers inventaires scientifiques qui fournissent encore aujourd’hui des informations précieuses non seulement matérielles relatives aux structures architecturales elles-mêmes, mais aussi anthropologiques liées aux modes de vie, aux usages et à l’organisation des espaces aux abords des temples. Par ailleurs, l’EFEO est aussi un instrument scientifique au service de l’État colonial, où plutôt un « collaborateur immédiat du gouvernement » (Salaün 1903, 354) comme le souligne en 1903 Louis Salaün (1874-1914) dans L’Indochine.
11Plus récemment, la photographie est intrinsèquement liée aux pratiques communicationnelles des touristes-visiteurs à Angkor qui témoignent ainsi de leurs présences et souvenirs grâce aux réseaux sociaux comme le soulignent Conord et Jonas (2013) : « le souvenir immédiat […] via Facebook ou Flickr, révèle le désir de figer le flux du temps et de dire : “J’y étais, en voici la preuve” » (Conord et Jonas, 2013, 19).
Angkor : du musée à la Liste du patrimoine mondial de l’humanité
12En 1907, Henri Parmentier (1871-1949) architecte à l’EFEO crée la « Conservation des monuments d’Angkor » en tant que réserves archéologiques in situ à des fins scientifiques, d’études et de conservation des temples. Collections uniques qui participent également à la construction politique et coloniale française dans la région, car les deux institutions5 « sont partie intégrante du nouveau système administratif indochinois mis en place, légitimes au même titre que ses chapitres économiques, fiscaux ou politiques. […] » (Lorin, 2008, 113-114). Ainsi, l’administration coloniale décide, avec le soutien du Roi Preah Bat Sisowath (1840-1927), la création d’un musée6 national d’art khmer à Phnom Penh répondant à l’esthétique architecturale locale malgré les troubles économiques occasionnés par la Première Guerre mondiale. En ce début de XXe siècle, Angkor s’inscrit assurément comme la « vitrine » patrimoniale légitime (musée urbain vs musée de site) soulignant ainsi les efforts déployés par l’État colonial tant en métropole qu’en Asie du Sud-est à l’instar des autres « impérialismes européens rivaux par sites archéologiques interposés » (Lorin, 2008, 114).
13L’Exposition coloniale de 1931 va restituer aux visiteurs la démesure des travaux architecturaux et archéologiques mis en œuvre au Cambodge dont le seul but est d’impressionner par la reproduction (moulages) du « musée » Angkor. Dans ce contexte colonial (1893-1953) puis postcolonial, la France va néanmoins savoir préserver, non sans difficultés, ses liens diplomatiques et scientifiques tant dans l’étude in situ que le processus d’inscription du site sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (Brianso, 2016b). En effet, le Cambodge contemporain va connaître une période de bouleversements politiques majeurs (régime Khmer rouge, occupation provietnamienne) dans la seconde moitié du XXe siècle qui aura de lourdes conséquences pour les temples d’Angkor (pillage, minage, trafic illicite, destruction volontaire, etc.) et ses populations.
14À l’aube des années quatre-vingt-dix, le sauvetage des temples d’Angkor par l’UNESCO après plus de vingt ans de conflit armé se traduit par une fabrique géopolitique de reconstruction menée par la communauté internationale (UNESCO, France et Japon) sur un vaste périmètre archéologique (401 km²) meurtri par la guerre. Le site inscrit au patrimoine de l’humanité7 se compose de paysages naturels, des monuments et des villages s’étendant sur un territoire agricole dont les perspectives de développement socio-économiques vont s’avérer très ambitieuses. Ainsi, cet « écosystème patrimonial » fragile va connaître de profonds déséquilibres générés par un tourisme international de masse qui s’installe dès le début des années 2000 dans la ville de Siem Reap et sa périphérie, car seuls six kilomètres la séparent des temples. Si l’effet de levier escompté est atteint en un temps record (2000 à 2010) pour la région de Siem Reap/Angkor grâce aux bénéfices du tourisme, les indicateurs de développement pointent néanmoins des menaces majeures tant écologiques que spéculatives (fonciers) sur ce site patrimonial sujet à des tensions plurielles (acteurs, gouvernance, etc.).
15En plus d’un siècle, les visiteurs à Angkor ont évolué au fil des missions d’exploration, des modes, des guerres et des publicités. S’il est difficile de dresser le portrait type du visiteur flânant à Angkor, on peut néanmoins en retracer les évolutions.
De l’habitant aux touristes-visiteurs : une réception plurielle et complexe
16Les récents travaux d’archéologie urbaine à Angkor ont montré le tracé de plans parfaitement dessinés dans la forêt comme le souligne Jacques Gaucher (2004) à Angkor Thom, ancienne capitale des rois khmers dont « […] le plan reconstitue [ra] la complexité d’une ville qu’il conviendra, à l’avenir, de rendre à la mémoire de ses habitants […] » (Gaucher, 2004, 58). En effet, les premiers visiteurs à Angkor sont ses habitants qui, depuis les périodes archaïques, sont installés en Pays khmer ou « Royaume du Funan » (Ier siècle de notre ère) en tant qu’espace commercial, politique, culturel, religieux et éducatif. Notons que le site a connu des dynamiques démographiques d’occupation de l’espace qui ont fluctué au cours de son histoire, suite au déclin de l’Empire (XVe siècle) puis aux grands bouleversements idéologiques des années 1970 (régime khmer rouge). De même, l’inscription des temples d’Angkor sur la Liste du patrimoine mondial a accéléré le processus de migrations internes, notamment à Siem Reap et dans les villages épars du périmètre archéologique.
17Les villageois d’Angkor entrent et sortent à leur guise dans les zones8 protégées bien que le site soit réglementé (horaires, tarification) pour les touristes et les étrangers de passage. Ainsi, le nombre d’habitants implantés dans le parc archéologique a connu une hausse très significative entre 2009 et 2013 avec un taux de croissance de 9,5 % pour cette période (Khun-Neay, 2013, 27), soit une estimation de 120 000 habitants9 (2010) selon l’ANA10 correspondant à quelque 21 500 familles. Ce pic démographique résulte principalement du développement touristique de la région de Siem Reap/Angkor générant un flux massif migratoire de la part des populations locales issues des provinces voisines dont les revenus mensuels ne dépassent pas les 30 dollars américains. Tout au long de l’histoire angkorienne, les villageois ont entretenu des relations privilégiées à la terre et aux temples (Thibault, 1998 et 2004), bâtis entre le IXe et le XVe siècle, dans un environnement végétal (forêt) ancré dans l’immatérialité du territoire.
18Ainsi,
« Angkor Vat, isolé de la forêt par ses douves, était de tous les monuments du groupe, le mieux placé pour échapper à l’envahissement par la végétation, et par suite à la ruine. Resté de tout temps un lieu de pèlerinage pour les Khmers, il n’a cessé d’ailleurs d’abriter à l’intérieur de son enceinte, après l’instauration du Bouddhisme du Petit Véhicule, des pagodes […] » (Glaize, 2003, 76)
19Villageois et touristes se croisent à Angkor. Les uns immergés dans un quotidien millénaire ponctué de constructions et de déconstructions politiques successives, les autres appréciant la beauté esthétique du lieu, les ruines clairsemées dans la végétation qui forment un équilibre fragile, idéalisé et spectaculaire comme témoin matériel de l’histoire locale. Notre propos n’est pas d’opposer deux « points de vue » de réception du site archéologique (habitant vs touriste), mais d’en comprendre les singularités. À l’instar des populations locales, les volumes de touristes internationaux à Angkor s’accroissent d’après un modèle d’hyper-fréquentation des grands sites patrimoniaux européens (Brianso, 2017). Ainsi, Angkor devrait accueillir près de six millions de visiteurs d’ici 2020 selon les projections statistiques (2012) du Ministère cambodgien du Tourisme. D’après les données quantitatives de l’ANA, les publics étrangers (Europe, Asie, Amérique du Nord) composent l’essentiel des volumes de fréquentation, soit trois millions de visiteurs en 2014, parmi ces derniers les visiteurs asiatiques (Extrême-Orient et Asie du Sud-est) sont très majoritaires. Nous sommes donc loin des premiers voyageurs et administrateurs européens éclairés du XIXe siècle empreints d’un imaginaire artistique, littéraire et colonial. Les publics français sont ceux qui passent le plus de temps sur le site (trois jours en moyenne) avec un intérêt toujours constant pour l’histoire, l’architecture et la « redécouverte » des temples par les archéologues de l’EFEO.
Conclusion
20En deux millénaires, Angkor a su résister aux vicissitudes du pouvoir (politique, économique et religieux) et des occupations successives tout au long de son histoire. Toutefois, le site aura servi bien des desseins politiques et idéologiques, dont celui de l’État colonial (Protectorat français au Cambodge : 1863-1946) en quête d’une puissance supranationale scellant a posteriori les liens diplomatiques (franco-khmer) au service du sauvetage des temples, désormais reconnus pour leur « valeur universelle exceptionnelle ».
21L’inscription des temples (1992) sur la Liste du patrimoine mondial en péril a ainsi ouvert la voie au développement à l’ère du tourisme mondialisé en apaisant les tensions militaires dans la région après plus de vingt ans de conflit armé. Désormais, plusieurs millions de visiteurs internationaux arrivent à Siem Reap à la recherche de nouvelles expériences touristiques et culturelles que semblent promettre le site archéologique et sa région. Précisons que ce phénomène d’attraction touristique par la masse est également observé en Thaïlande et au Vietnam offrant des mises en perspectives de territoires comparés.
22Par ailleurs, la réception du site d’Angkor par les visiteurs (habitants vs touristes) est loin d’être suffisamment étudiée malgré la création d’un Observatoire permanent des publics au début des années 2000. En effet, les enquêtes qualitatives menées en sciences de l’information et de la communication (Le Marec, 1993) sont encore trop marginales pour examiner les parcours de visite des hauts lieux du patrimoine mondial dans la région11 alors qu’elles permettraient une connaissance approfondie des représentations, des motivations et des pratiques culturelles.
23La démocratisation du « musée Angkor » reste donc à nuancer, notamment par l’hyper-fréquentation du site qui génère des dynamiques de développement effrénées, fragilisant le site dans son écosystème patrimonial (nature, culture) et créant des tensions entre les acteurs du territoire. Aujourd’hui, la légitimité de l’UNESCO à Angkor, et plus largement en Asie du Sud-est, demande à être questionnée malgré les bénéfices indéniables d’une telle labélisation internationale, alors que cette quête de patrimoine a induit une nouvelle délectation culturelle (Cambodge, Vietnam, Thaïlande, Laos) ancrée dans la masse, bouleversant ainsi l’imaginaire de l’Indochine française exposée à Paris au temps des colonies.
Bibliographie
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Notes
1 Inauguration du musée le 15 août 1874.
2 Ce musée d’art khmer à Paris ferme ses portes en 1936.
3 L’EFEO est créée en 1898 par Paul Doumer (1857-1932).
4 The Antiquities of Cambodia : a series of photographs taken on the spot (1867).
5 EFEO et « Conservation d’Angkor ».
6 Le musée fut inauguré le 13 avril 1920 sous le nom de Musée Albert Sarraut.
7 Site culturel inscrit en 1992 sur la Liste du patrimoine mondial en péril – critères : (i), (ii), (iii) et (iv).
8 Il existe cinq zones de protection du site archéologique délimitées à partir d’un plan de zonage « ZEMP ».
9 1992 : 22 000 habitants ; 1998 : 84 000 habitants ; 2005 : 100 000 habitants.
10 ANA où Autorité Nationale APSARA, administration publique en charge du site inscrit par l’UNESCO.
11 Huit sites inscrits au Vietnam, six sites inscrits en Thaïlande, deux sites inscrits au Laos et deux sites inscrits au Cambodge.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Isabelle Brianso
Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV). Centre Norbert Elias – UMR 8562 (EHESS, CNRS, UAPV, AMU). Courriel : isabelle.brianso@univ-avignon.fr