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QUESTIONS DE RECHERCHE

Mélanie Bourdaa

De l’utilité des collaborations entre l’université et les entreprises privées dans le cas du transmédia
Entretien avec Arnaud Hacquin

Article

Texte intégral

Suite à l’article publié dans le numéro 8 des cahiers de la SFSIC qui revenait sur l’importance des partenariats entre l’université et le monde socio-économique du point de vue du chercheur, nous avons souhaité interroger ce phénomène du point de vue des professionnels de terrain. Pour cela, nous avons rencontré Arnaud Hacquin, directeur du Jardin des Marques à Bordeaux, qui collabore à de nombreux projets avec l’Université Bordeaux Montaigne et le Laboratoire MICA. Cet entretien mené autour de trois grandes thématiques (le Transmedia Storytelling, l’importance de la collaboration et les projets) a permis de tracer les contours d’un intérêt commun à partager des expériences et à collaborer sur des projets communs. Les chercheurs et les professionnels enrichissent leurs expériences, les professionnels apportant une approche concrète des phénomènes sociaux et médiatiques, les universitaires proposant une approche analytique des dispositifs et des publics.

M. B. : Bonjour Arnaud, pourrais-tu s’il te plait te présenter ? Pourrais-tu présenter ton activité aujourd’hui ?

Mon parcours a suivi l’évolution des techniques de communication. Après une Maîtrise de communication et un DESS de marketing direct, j’ai démarré ma carrière en 1992 en agence de pub, chez Publicis. En 1994, en plein boom du marketing direct, je suis entré à la Banque Populaire du Sud-Ouest comme responsable marketing pour y développer la CRM (Customer Relationship Management), le datamining et les call centers. Après 6 ans, j’ai quitté la banque pour retourner en agence afin développer un savoir faire digital. En 2010, j’ai créé une agence conseil en stratégie de marque au profil hybride (40 % de digital / 20 % de publicité / 40 % de brand content) : le Jardin des marques. Nous travaillons aujourd’hui pour des marques comme Guerlain, Axa, CEVA Santé Animale, l’UNESCO, Only Lyon, etc.

Cette année, en parallèle, j’ai créé un studio de création transmedia (The Rabbit Hole) pour développer notre savoir faire dans le domaine du transmédia storytelling. Je me suis associé pour cela avec un scénariste (Olivier Pouponneau) et un journaliste (Jean-Michel Destang). Nous travaillons sur de nouvelles formes d’écritures et des dispositifs à vocation promotionnelle pour des musées ou des Sociétés de production audiovisuelle.

M. B. : Nous allons maintenant aborder la question du thème de la collaboration avec Bordeaux Montaigne : le Transmedia. En tant que professionnel, comment qualifierais-tu le Transmedia ?

C’est un mot valise dont la signification est parfois détournée de son sens originel. Les supports de communication digitaux et les écrans se sont multipliés sans forcément nuire aux médias traditionnels (hormis la presse papier). Il est donc possible aujourd’hui de raconter des histoires sur plusieurs supports dans une logique de complémentarité.

M. B. : Quel est selon toi l’impact de ce type de narration sur les marques ? Sur ton travail ?

Les marques ont du mal à passer d’une logique crossmedia à une logique transmédia. Elles sont encore ancrées sur des logiques de GRP et de répétition. Elle préfèrent donc assener le même message sur différents médias pour être sur qu’il est bien compris. Or cette logique est de moins en moins efficace, surtout sur internet.

Certaines cherchent à engager leur public. Mais pour cela, il faut susciter de l’émotion et de la curiosité. C’est là que le storytelling de marque entre en jeu. Car on n’a pas encore trouvé plus efficace qu’une belle histoire pour susciter de l’émotion. Et l’émotion, c’est la garantie d’une plus forte mémorisation du message et d’une bonne viralité. On sait aussi que permettre au public de participer activement à une campagne à travers de l’UGC (Users Generated Content) ou une forme plus ou moins légère d’ARG (Alternate Reality Game) facilite aussi la mémorisation et la viralité d’une campagne.

Sur notre travail, l’impact est double. Cela nécessite d’abord de connaître toutes les particularités des nouvelles plateformes médiatiques (mobile, réseaux sociaux, objets connectés…). Et cela implique aussi de savoir raconter les histoires de manière plus ou moins linéaire mais aussi ludique. C’est d’ailleurs pour cette raison que je travaille aujourd’hui avec un scénariste et un game designer.

M. B. : Le Transmedia, très à la mode en ce moment, va-t-il perdurer selon toi ? Si oui, comment ?

Le transmédia est lié à la capacité des individus à passer d’un support à l’autre pour compléter leur point de vue sur un sujet et mieux se l’approprier. Cette tendance ne peut que s’accentuer avec la multiplication des supports et écrans interactifs. Demain nous prendrons l’information et interagirons avec là où elle se trouve, c’est à dire dans des lunettes, sur un frigo, sur un pare-brise, sur une montre… Quand à la partie « Storytelling », nous aurons toujours besoin d’histoires nouvelles que ce soit pour mieux comprendre notre environnement ou pour s’évader de notre quotidien.

M. B. : Pour finir, nous allons parler de la question de la collaboration avec Bordeaux Montaigne. Pourquoi as-tu décidé de nouer des partenariats avec l’Université ?

Les universitaires nous apportent le recul nécessaire sur ces phénomènes médiatiques et peuvent nous aider à comprendre les usages. Je pense qu’il est aussi important pour les étudiants d’injecter dans les cursus universitaires une bonne dose de pragmatisme et de professionnalisation. Les entreprises sont en permanence confrontées aux contraintes économiques et organisationnelles que rencontreront plus tard les étudiants. Autant leur permettre de confronter leur apprentissage avec ces réalités.

M.B : Quels en sont les avantages et quels en sont les inconvénients ?

Certaines universités bénéficient aujourd’hui de trop peu de moyens pour avancer sur ces sujets qui nécessitent une R&D conséquente. Certains chercheurs ne sont pas suffisamment ouverts au monde de l’entreprise et leur savoir académique peut parfois sembler décalé avec la réalité. Mais avec les nouvelles générations, cela bouge énormément. Côté avantage, cette collaboration nous permet de repérer plus facilement les étudiants les plus motivés et les plus doués dans ce domaine. Elle nous permet aussi de les former dans un domaine où il existe encore très peu de formations adaptées.

Quelles actions avez-vous mis en place ensemble ? Quels en étaient les objectifs ?

J’effectue souvent des conférences en tandem avec Mélanie Bourdaa de l’Université de Bordeaux Montaigne. Mus tous les deux par le même enthousiasme pour le transmédia, nos savoir faire sont très complémentaires. Elle a une vision plus large de la problématique et peut, à travers ses recherches, aller plus loin dans l’analyse du phénomène. De mon côté, j’apporte une vision plus marketing des choses à travers notre activité de conseil auprès de grandes marques. 

Nous co-organisons parfois des événements dédiés au transmédia storytelling ou aux nouvelles écritures comme ce fut le cas en 2013 avec un Cross Vidéo Night organisé à Bordeaux dans le cadre de la semaine digitale.

J’ai également participé à un module du MOOC « Comprendre le Transmedia Storytelling » que Mélanie Bourdaa pilotait. J’ai apporté mon expertise sur le domaine des marques en consacrant une semaine du MOOC aux liens entre marques et Transmedia Storytelling.

L’objectif de ces partenariats avec l’Université Bordeaux Montaigne et le Laboratoire MICA est de montrer la complémentarité des échanges entre le monde académique et le monde socio-économique.

M. B : Quelles sont les futures actions que vous planifiez avec ce partenariat ?

Nous pouvons dans certains cas, à notre modeste mesure (nous somme une TPE), soutenir financièrement certains programmes de recherche comme c’est notamment le cas avec le projet de recherche MediaNum1, sur la valorisation du Patrimoine par le Transmedia en Aquitaine. Nous avons également co-fondé le CATS2 (Cluster Aquitain du Transmedia Storytelling) dans ce souci de rencontre entre le monde universitaire et le monde socio-économique. Le CATS (Cluster Aquitain du Transmedia Storytelling), créé en mai 2015, est un cluster entièrement dédié au transmédia Storytelling

Piloté par des professionnels et des universitaires, le CATS a pour missions de :

  • Former les professionnels de l’audiovisuel, de la communication et du numérique aux approches transmédia

  • Organiser des événements en lien avec le développement des nouvelles formes d’écritures médiatiques sur le territoire aquitain, en synergie avec les grands rendez-vous cités plus haut

  • Favoriser les rencontres entre les acteurs des filières numérique et audiovisuelle afin de partager les expériences déjà menées et de développer de nouveaux projets communs.

  • Effectuer des missions de conseil et de production en valorisant les compétences des adhérents.

  • Accompagner les professionnels dans leurs projets transmédia (webdocumentaires, webseries, serious game,…) à travers des services de veille, de conseil juridique et de mise en relation avec les professionnels concernés par les approches transmédia.

Notes

Pour citer ce document

Mélanie Bourdaa, «De l’utilité des collaborations entre l’université et les entreprises privées dans le cas du transmédia», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 12-Varia, QUESTIONS DE RECHERCHE,mis à jour le : 11/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=408.

Quelques mots à propos de : Mélanie Bourdaa

MCF Université Bordeaux Montaigne, Laboratoire MICA. Courriel : melaniebourdaa@yahoo.fr