QUESTIONS DE RECHERCHE
Dispositifs expographiques et nouvelles écritures du patrimoine de l’altérité : la puissance structurelle de la diversité culturelle
Texte intégral
L’article de Linda Idjeraoui Ravez n’a pas été publié comme il devait l’être dans le dossier du laboratoire I3M du numéro 10. Nous nous en excusons auprès de l’auteur et nous l’intégrons dans la thématique interculturel et SIC de ce numéro.
1Passer au crible des dispositifs expographiques la puissance structurelle de la diversité culturelle traduisant de nouvelles écritures du patrimoine de l’altérité, ne peut se faire sans considérer que la mondialisation désigne premièrement un processus en marche d’une grande importance en termes de déterminations structurelles et fonctionnelles du monde à venir et que ce processus réorganise la structure même des bases et des dispositifs techniques et symboliques à partir desquelles s’actualisent les liens entre les sociétés et leurs cultures. Jusqu’alors ces liens étaient largement assujettis à des règles de cohésion géographique, suivant des modalités inscrites dans l’histoire des zones en situation d’échange. Comme le fait remarquer Tardif « À l’époque moderne, elles procédaient largement à travers les relations entre Émanations qui avaient réussi à s’imposer comme les seuls acteurs internationaux dans les tous les domaines. Elles se déroulent désormais dans un nouvel écosystème communicationnel où sont mis en présence et en concurrence des visions du monde, des valeurs, les systèmes politiques, économiques et socioculturels qui expriment des préférences collectives différentes » (2008 : 203). Or, le renouvellement des formes d’écriture du patrimoine de l’altérité fait son apparition en Europe en même temps qu’émerge une nouvelle matrice de socialisation ancrée dans le processus de mondialisation et où la culture opère sur le mode d’un système symbolique. Si cette situation a quelques similitudes avec ce que Tardif décrit par son concept d’« hyperculture globalisante », il a aussi des dissonances qui nous conduisent à formuler d’intéressantes hypothèses tant du point de vue des nouvelles écritures du patrimoine de l’altérité, que des stratégies d’acteurs et des régimes expérientiels générés dans ce contexte.
2L’« hyperculture globalisante » est une construction symbolique qui exerce le rôle structurant de toute culture tout en s’en distinguant néanmoins : « elle est en quelque sorte a-historique, a-territoriale, a-morale, a-politique, faiblement re-socialisante, tout entière dans l’immédiat constamment recomposé. » (Tardif, 2008 : 204). À la différence, les nouvelles formes d’écriture du patrimoine de l’altérité, avec ses stratégies d’acteurs et les régimes expérientiels induits, semblent mettre en œuvre un processus de construction instituante d’une culture ancrée dans une diversité qui met en réseau des groupes sociaux localisés. La culture instituée qui en découle constitue pourtant un espace culturel commun à ces groupes tout en produisant un espace virtuel c’est-à-dire une culture seconde par rapport aux cultures et aux identités premières dans lesquelles elle prend sa source. Elle transcende donc les autres espaces (réels) sans les annihiler.
3La diversité culturelle, telle qu’elle s’expose à la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (Paris) par exemple, met en place une série de signes et de symboles d’où découle un système d’identification nouveau, qui ne sont plus spécifique aux groupes sociaux de références qui sont à l’origine du projet de patrimonialisation. Les médiations mises en place témoignent de réseaux d’identités mouvantes selon les convergences, projections, et divergences déclarées par les visiteurs et qui leur auraient été révélés par le biais expérientiel des dispositifs expographiques. Entre production et réception, une construction symbolique nouvelle du dialogue interculturel entre communautés exposées et communautés de récepteurs, mais également entre l’altérité et le soi, l’autre comme soi-même ou soi-même comme un autre en découle. Ces nouvelles écritures de patrimoine de l’altérité jouent donc un rôle structurant pour la définition d’une interculture. Contrairement à l’hyperculture globalisante définit par Tardif, cette interculture n’est non pas « a-historique » mais ancrée dans l’histoire de chacun, non pas « a-territoriale » mais ancrée sur un territoire, non pas « a-morale » mais révélatrice d’une morale chez les visiteurs, non pas « a-politique » mais catalysatrice de positionnement politique chez les individus interrogés, non pas « faiblement re-socialisante » mais facteur de socialisation, non pas « tout entière dans l’immédiat constamment recomposé » mais toute entière dans un passé recomposé au présent. Le pouvoir de la mondialisation sur la diversité culturelle telle qu’elle se manifeste par le biais des nouvelles écritures du patrimoine de l’altérité dans ces dispositifs de communication vient donc aussi de sa performativité, c’est là une similitude avec l’hyperculture. Cette performativité se situe dans le fait de révéler « de nouveaux référents, de nouveaux symbôles, des images, voire des icônes qui sont directement identifiés et provoquent l’approbation ou le rejet. Elle ouvre un nouvel espace de liberté à des individus de plus en plus nombreux qui peuvent y trouver des éléments d’identification pour construire leurs histoires personnelles » (Tardif, 2008 : 204).
Bibliographie
APPADURAI A. (1996), Après le colonialisme les conséquences culturelles de la globalisation, trad. De l’anglais par Fr. Bouillot, Paris, Payot, 2001.
CASTELLS M. (1996), L’ère de l’information, tome 2, Le pouvoir de l’identité, trad. de l’anglais par M. Bessière, P. Chemla, J.-P. Bardos, Paris, Fayard, 1999.
KING A. D. (1997), Culture, Globalization and the World-System. Contemporary Conditions for the Representations of Identity, Minneapolis, University of Minnesota Press.
TARDIF J. (2008), « Mondialisation et culture : un nouvel écosystème symbolique » in Questions de communication, n° 13, p. 199-223 (dir. Béatrice Fleury et Jacques Walter), Presses universitaires de Nancy.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Linda Idjeraoui-Ravez
UNSA, I3M ravez@unice.fr