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Sylvie P. Alemanno et Lorrys Gherardi

ÉcoBalade : un dispositif mobile

Article

Texte intégral

1Projet de Recherche et Développement financé par la Région PACA, le service écoBalade s’inscrit dans une logique de médiation institutionnelle promue par la Communauté d’Agglomération TPM. Cet organisme territorial valorise son territoire par le service écoBalade dont l’objectif est de favoriser une dynamique participative et éco citoyenne créant de la conversation sur la biodiversité locale. Pack technologique (smartphone et plateforme web) d’un guide-nature numérique, l’écoBalade est un service de découverte de la faune et la flore d’un territoire donné. L’usager peut identifier une espèce, marquer une observation et partager ses découvertes au sein d’une communauté d’utilisateurs.

2L’écobaladeur contenu dans l’objet smartphone est l’élément représentatif du système écoBalade et suivant notre approche hologrammatique et métonymique, il représente tout un dispositif. À propos du dispositif, notre réflexion est portée par la perspective pragmatique (Dewey, Mead). Nous articulons la phénoménologie de Shutz, fondée sur le monde concret et vécu (lebenwelt) et l’interactionnisme (Goffman, Becker, l’école de Chicago). Enfin le constructivisme de Berger et Luckman qui avancent que nous construisons notre réalité par nos actions.

3L’objet réel (smartphone) par son nomadisme, est engagé dans l’action et engage dans l’action, les acteurs. L’environnement (nature) favorise l’interaction dynamique acteur-environnement. En effet, sur le principe énactif (Varéla) qui décrit ce couplage homme-environnement dans l’expérience partagée, dans la cognition située (les retours d’expériences, les réunions de concertation et de co-conception) et incarnée (les co-présences des acteurs ; ERIC comme inter-médiateurs, population cible, concepteurs, chercheurs lors des sorties de terrain), le collectif (sorties en groupe) a le potentiel de l’appropriation (jeu, plaisir, gratification) par l’imitation, la coordination, l’ajustement à un environnement de personnes et de choses (Thèvenot).

4Dans le cas de l’écobaladeur, il s’agit d’un dispositif (Foucault, Agamben) que, dans une logique analytique, nous définissons comme dispositif socio-signifiant (socio-technique ou sémio-technique), « en relation » et « de médiation » (Appel, Heller). L’écoBalade est compris comme ce type de dispositifs, « construits sociaux issus de processus d’interaction entre des individus (tout à la fois producteurs, consommateurs, usagers, citoyens) et un ensemble hétérogène de techniques » comme nous le pensons dans le laboratoire I3M.

5L’appropriation de l’objet nomade a soulevé de nombreuses représentations que nous pouvons résumer en des assertions utiles :

  • La compréhension de cet objet nomade passe par une anthropotechnique (Wisner, Geslin),

  • L’appropriation de l’objet est relative aux modalités de l’usage du smartphone à contenu naturaliste. Objet-collectif, il est porté par tous les membres du groupe (appropriation collective). Cet objet communicant ouvre les connaissances sur les formes sociales « d’appropriations » des objets techniques, de ces « choses » qui nous entourent, impliqués dans les processus de transfert (rejet, adaptation),

  • C’est un objet-jouet marqué par une ludicité et une interactivité inoffensive, cinétique car sa taille autorise son nomadisme, intelligent, il donne les informations demandées sur la nature, congruent, il ne parle que de la nature,

  • Objet dans l’action, il accompagne et se substitue à la présence du naturaliste, offre une liberté d’aller et retour, de pause, d’accélération.

6La construction de l’écoBalade permet la mise en action d’informations qui, par sa gamification établit une communication et des échanges entre les participants, créant ainsi du lien social dans le groupe de baladeurs. La transmission d’informations provoque ainsi un changement dans le comportement des usagers et de fait un engagement (Bernard) par l’appropriation du dispositif, processus de la dynamique communicationnelle. L’existence de cet outil va développer une conscientisation de l’écotourisme, éco-apprentissage, éco-connaissance et porte en soi le potentiel de changement global de comportement vis-à-vis de la protection de la planète. Le dispositif qui contient le système écoBalade induit cet élargissement des espaces à reconsidérer dans leur fragilité. L’application écoBalade va créer la fonction, l’organe, l’écologie elle-même. Elle est à redéfinir selon l’aspect stratégique du dispositif (Foucault).

Bibliographie

AGAMBEN G. (2007), « Qu’est-ce qu’un dispositif ? », trad. Martin Rueff, Paris, Éditions Payot & Rivages, p. 31.

APPEL V., HELLER T. (2010), « Dispositif et recherche en communication des organisations ». In Les dispositifs d’information et de communication. Concept, usages et objets, APPEL Violaine, BOULANGER Hélène, MASSOU Luc (Éds), Bruxelles : De Boeck, pp. 39-58.

GESLIN P., et al. (2002), « Les formes sociales d’appropriations des objets techniques, ou le paradigme anthropotechnologique », Ethnographiques. org, n° 1-avril 2002.

HALBWACHS M. (1997), « La mémoire collective », Albin Michel, Paris.

PEETERS H. et CHARLIER P. (1999), « Contributions à une théorie du dispositif », In Le dispositif entre usage et concept, JACQUINOT-DELAUNAY Geneviève et MONNOYER Laurence (dir.), Hermès, vol. 25, p. 15-23.

SIMONDON G. (2012), « Du mode d’existence des objets techniques », Aubier, Paris.

Pour citer ce document

Sylvie P. Alemanno et Lorrys Gherardi, «ÉcoBalade : un dispositif mobile», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 10-Varia, DOSSIER, > Axe 2,mis à jour le : 20/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=638.

Quelques mots à propos de : Sylvie P. Alemanno

Quelques mots à propos de : Lorrys Gherardi