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Interroger l’accès et la réutilisation de données libres
Texte intégral
1Le financement territorial de la recherche scientifique offre l’opportunité de développer de la recherche appliquée au sein de consortiums pluridisciplinaires. Sous les injonctions de transparence et de participation citoyenne, et dans le cadre de la promotion de technologies innovantes redynamisant un territoire, les laboratoires de recherche en sciences sociales interrogeant la question des usages, ont intérêt à intégrer de tels consortiums. Il s’agit alors de rester vigilant quant à la réception et la compréhension de notre méthodologie d’enquête et d’analyse sur les usages et les usagers, qui légitime notre positionnement scientifique. Il s’agit encore d’adopter une distance critique face aux attentes différenciées des nombreux acteurs, face au terrain et aux retours d’usages auxquels nous sommes confrontés et qui remodèlent nos « manières de faire » de la recherche au cœur d’un dispositif où interagissent les objets, les techniques, les usagers et les chercheurs.
2Dans le cadre du projet Pacalabs OpeNRJ, financé par la Région PACA, nous avons engagé une recherche sur les usages axée sur l’ouverture de données et le partage d’expériences liées à la consommation énergétique de bâtiments à usage collectif. Notre consortium réunit des acteurs pluridisciplinaires : le CSTB, le laboratoire I3M, en partenariat avec des acteurs professionnels et territoriaux : QUALISTEO, une entreprise qui développe des solutions de mesure et d’analyse des consommations énergétiques des bâtiments et une collectivité territoriale : la Communauté d’Agglomération de Sophia Antipolis. Nous visons le recrutement et l’équipement d’organisations publiques et privées régionales, prêtes à s’engager dans la collecte et la diffusion libre de données énergétiques de leurs bâtiments, sur un serveur dédié.
3L’« Open Data », l’ouverture ou la libération de données, peut être rapprochée du mouvement plus général de l’Open Knowledge, de la diffusion de connaissances libres. Elle s’est aussi rapidement instaurée sur le socle de l’ouverture de données publiques. Renouvelant la question de la transparence démocratique, le mouvement n’est encore adopté que par un nombre restreint de collectivités territoriales, en France, mais suscite un réel intérêt du côté des différents acteurs publics et privés du territoire.
4La perspective principale de la connaissance, dimension qui s’attachera plus précisément à définir ce que sont les données, quelles sont les pratiques professionnelles, de recherche et citoyennes qu’elles génèrent et qui peuvent se constituer en connaissance, construit notre approche amont de l’accès public à un dispositif sociotechnique de diffusion de données ouvertes, données qu’il s’agira encore de réutiliser, en visant leur appropriation par les usagers. Cette approche par les usages vise la construction d’un écosystème de la libération de données. D’un point de vue méthodologique, notre communauté d’usagers, typologisée en offreurs et utilisateurs de données, est soumise à différents questionnaires, entretiens semi-directifs, recueil de témoignages par le biais de récits d’expérience, instaurant une approche ethnographique qualitative de ces usagers et de leurs usages. Nos outils d’enquête et d’analyse visent l’évaluation et la co-construction de services, générés par l’ouverture des données énergétiques et territoriales, services qui produiront de nouveaux usages. Or, les premières avancées de la recherche sur les innovations et les usages liés à l’ouverture de données, montrent la place prépondérante qu’occupent les Lead-Users, ou les usagers-concepteurs aux fortes compétences techniques (Von Hippel, 2005 ; FING, 2011), dans ce type de projets. Notre programme de recherche comprend l’organisation d’un Hackathon, s’adressant principalement à ce type d’usagers, afin de co-construire de nouveaux services générés par la libération des données. Il est intéressant de croiser la « domination » des compétences techniques de cet environnement à nos premiers éléments d’enquête. Ceux-ci suggèrent, parmi la communauté d’experts interrogés, un manque d’aisance vis-à-vis des données ouvertes et de leur utilisation.
5Notre interrogation devient plus aiguisée : en quel sens l’usage d’une technique n’est-il pas limité à un groupe primaire, mais peut s’inscrire dans un collectif plus large (Cf. Flichy, 2008) ? En quel sens l’ouverture de données peut-elle donner accès à une connaissance pratique, c’est-à-dire articulant savoirs, savoir-faire et compétences, en vue d’usages sociaux partagés ? De manière plus générale, nous aspirons à ce que la question de l’ouverture des données sous l’angle des usages nous permette de réinterroger la dimension pratique et sociale de différents processus de reconfiguration des savoirs au sein d’un écosystème ouvert.
Bibliographie
FLICHY P. (2008), « Techniques, usage et représentations », Réseaux, n° 148-149.
FING, 2011, « Guide Pratique de l’ouverture des données publiques territoriales », en ligne http://fing.org/?Une-campagne-autour-de-l-OpenData, consulté le 2 septembre 2013.
VON HIPPEL E. (2005), Democratizing Innovation, The MIT Press, 216 pages, en ligne http://www.mit.edu/people/evhippel/books.htm, consulté le 12 novembre 2013.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Paul Rasse
UNSA, rasse@unice.fr
Quelques mots à propos de : Franck Debos
UNSA, debos.franck@wanadoo.fr
Quelques mots à propos de : Peggy Cadel
UNSA, cadel@unice.fr
Quelques mots à propos de : Lorrys Gherardi
Quelques mots à propos de : Céline Masoni Lacroix
UNSA, celilac@orange.fr