Aller la navigation | Aller au contenu

> Axe 4

Gabriel Gallezot

Machines à médier et plateformes à consommer

Article

Texte intégral

1Dans ce focus nous observerons deux « terrains » d’analyse. Il s’agit plus précisément de deux objets étudiés selon une méthode agile : analyser un dispositif socio-technique d’information et de communication (Distic) avec les prismes des différentes méthodologies et théories mobilisées par des chercheurs du laboratoire I3M et des chercheurs « externes » spécialistes de l’objet étudié. Ces deux études se sont respectivement déroulées entre 2005-2009 et 2011-2013 et ont fait l’objet de publications (Simonnot B & Gallezot G. ; 2009) (Pelissier N. & Gallezot G. ; 2013)

2Les Distic sont des artefacts, des « construits sociaux issus de processus d’interaction entre des individus (tout à la fois producteurs, consommateurs, usagers, citoyens) et un ensemble hétérogène de techniques. Les dispositifs construisent leurs utilisateurs autant qu’ils sont façonnés par eux. ». Oberver Google et Twitter comme Distic c’est tenter de dépasser les analyses parcellaires, uniquement orientées usage, média, organisation ou technique pour comprendre, dans sa complexité, ce qui se joue dans un ensemble d’actants. C’est aussi décrypter des plateformes emblématiques du web pour apporter des réponses aux interrogations sur leur influence sociétale. C’est encore travailler le concept même de Distic, l’éprouver, le développer à partir d’analyses de terrains notamment dans le cadre de l’axe « Information, Média, Transmédia » du laboratoire.

3L’étude du dispositif « Google » cherche à passer au-delà du fonctionnement intrinsèque de ces services pour mettre en débat les valeurs qu’ils promeuvent et les pratiques dont ils font l’objet. Dans l’entonnoir de Google se joue à la fois la contraction de « tout le web » dans la onebox, devenue indispensable, et la construction d’un discours auto-justificatif et moralisateur qui en retour inonde tout le web. Double circulation en entonnoir. Pour une partie des usagers, la méconnaissance des outils de recherche tend à objectiver les résultats fournis par Google. Ce phénomène nous semble lié à l’intelligibilité des typologies et techniques documentaires, des techniques (algorithmiques) stochastiques et à la surcharge informationnelle. De l’autre côté, nous avons des usagers désorientés par la déconstruction/reconstruction de leur univers documentaire. En cause la versatilité des services, des sources, des interfaces d’interrogation, rythmée par les rachats et les fusions d’entreprises, ainsi qu’à l’évolution des techniques. L’observation du dispositif « Google » s’est ainsi effectué selon un fil rouge, une certaine progression entre la perte d’intelligibilité (flou cognitif) et une perte de repères (flou sémiotique). Google (search engine) comme entonnoir c’est un dispositif capable de créer des médias adaptés à chacun, des « web-médias » : la liste de résultats (l’information) encapsulés dans une page de publicité par la régie publicitaire « google ». A l’échelle de Google Inc on peut parler de deep-media où c’est l’usager qui est encapsulé dans le dispositif tant son immersion dans les différents services est profonde.

4Autre dispositif étudié, Twitter propose des fonctions très variées : du microblogging à la recommandation, en passant par le partage de contenus et de liens, d’outil de veille et de promotion personnelle, de réseau social et professionnel… Mais comme pour Google, si les fonctionnalités de la plateforme sont à comprendre, elle ne constituent pas le cœur de nos analyses. À l’amorce de nos recherches les travaux consacrés à Twitter relevaient soit d’approches très quantitatives (Computer Sciences), soit d’approches orientées « marketing-management » qui envisagent surtout une exploitation commerciale du dispositif à des fins de profilage et de gestion de l’e-réputation. Une fois encore c’est la notion de Distic avec des approches qualitatives que chaque chercheur a travaillé avec notamment la mise en évidence de quatre caractéristiques fortes de Twitter : un avè̀nement de la forme courte et du commentaire « sans fin » ; un média à niveau élevé mais très sélectif de viralité ; un régime de visibilité très spécifique ; enfin, un dispositif sociotechnique qui embarrasse les organisations médiatiques autant qu’il les alimente. Deux axes ont servi de fil conducteur aux synthèses des travaux. Le premier envisage Twitter sous l’angle du passage d’un statut de dispositif sociotechnique controversé à celui de nouveau média social attractif et investi de nombreux espoirs. Le second se situe dans une zone-frontière entre tentative de rationalisation et pratique d’un braconnage épistémologique qui interroge plus particulièrement les divers usages professionnels de la plateforme.

5Pour conclure en une ligne nous avons observé des Dictic qui sont des machines à médier et plateformes à consommer, à la fois formidables vecteurs de l’activité humaine et pâles reflets marchandisés de nos êtres.

6SIMONOT B. & GALLEZOT G. (Direction) (2009), L’Entonnoir : Google sous la loupe de Science de L’information et de la Communication, C&F éditions, 246 p.

7PELISSIER N. & GALLEZOT G. (Direction) (2013), Twitter Un Monde En Tout Petit, Communication et Civilisation, Harmattan, 260 p.

Pour citer ce document

Gabriel Gallezot, «Machines à médier et plateformes à consommer», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 10-Varia, DOSSIER, > Axe 4,mis à jour le : 20/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=657.

Quelques mots à propos de : Gabriel Gallezot