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QUESTIONS DE RECHERCHE

Christophe Deleu

Le podcast dans le documentaire radiophonique

Article

Texte intégral

Le documentaire radiophonique, un genre flou

1Choisir de mener une étude sur le documentaire radiophonique et le podcast ne va pas de soi. Tout d’abord, les termes eux-mêmes de « documentaire radiophonique » peuvent être débattus (Deleu, 2013). Si le terme « documentaire » qualifie certains programmes de radio dès la fin des années 1940, et que leur réalisation s’en trouve favorisée par l’apparition de la bande magnétique et de l’appareil d’enregistrement Nagra, il a ensuite été peu utilisé par les professionnels de ce média, et il faut attendre les années 2000, période de développement du numérique, pour qu’il fasse sa réapparition, notamment à France Culture (radio publique), et à Arte Radio (site de podcast créé par Arte France en 2002). Sa définition soulève aussi quelques questions, puisque le documentaire radio peut se définir comme l’agrégation de multiples genres ou sous-genres (Deleu, 2013), et il n’est pas toujours aisé de classer et de catégoriser les productions réalisées qui s’y réfèrent, contrairement au secteur cinématographique, où il est davantage identifiable (le cinéma ne propose au fond que deux grands genres : la fiction et le documentaire, le jeu consistant à s’interroger sur leurs frontières respectives). Mais à la radio l’auditeur écoute des émissions relevant de multiples genres (jeux, émissions musicales, émissions d’informations, reportages, débats, fictions, etc.) et il n’est pas toujours évident de savoir si ce que l’on écoute relève du documentaire ou non. Selon nous, le documentaire est un « dispositif à caractère didactique, informatif (et) ou créatif, présentant des documents authentiques, qui suppose l’enregistrement de sons, une sélection de ceux-ci opéré par un travail de montage, leur agencement selon une construction déterminée, leur mise en onde définitive effectuée par un travail de mixage, selon une réalisation préétablie, dans des conditions qui ne pas celles du direct, ou du faux direct » (Deleu, 2013 : 79-80).

2Ensuite, le podcast est lui aussi un terme équivoque. Souvent défini comme une émission téléchargeable depuis Internet sur plusieurs types de supports (ordinateur, téléphone, tablette…), le podcast s’est, depuis plusieurs années, enrichi de plusieurs autres sens, et son histoire fait elle aussi débat1. S’il a d’abord été présenté comme un prolongement du streaming, qui consiste à écouter les émissions en direct depuis son ordinateur, et qu’il a permis aux radios préexistantes d’élargir leur audience en offrant leur contenu à un public mondialisé, le podcast s’est peu à peu affranchi de son origine radiophonique pour devenir un contenu parfois uniquement disponible sur Internet, ce qu’on a nommé « podcast natif » pour mieux le différencier de son aîné. Et le cercle des acteurs s’est lui aussi élargi. Aux radios hertziennes, productrices de podcasts, se sont donc ajoutés de nombreux autres acteurs, uniquement présents sur le Web, et qui proposent eux aussi des podcasts aux internautes sans diffusion hertzienne préalable. Et contrairement au paysage radiophonique, qu’on peut aisément cartographier grâce notamment à la classification du CSA2, l’univers du podcast est par nature illimité. N’importe quel internaute peut aujourd’hui créer des podcasts, et les diffuser sur les multiples supports numériques. L’univers du podcast, ce sont donc, d’un côté, les radios de la bande FM ou de la RNT (Radio numérique terrestre), et, de l’autre, des acteurs présents sur le Web qu’on peut classer en deux groupes, ceux qui tentent de créer un modèle économique et de structurer l’offre et la demande en fonction d’enjeux économiques, et ceux qui, en raison de motivations diverses, mettent en ligne des contenus sans chercher à rentabiliser leur production. L’univers du podcast, c’est enfin la coexistence entre des professionnels issus du champ du journalisme, des YouTubeurs, des blogueurs, et des amateurs… Autrement dit, pour le chercheur, s’intéresser au podcast consiste à pénétrer dans un monde dont il ne pourra pas dessiner les contours.

3Un dernier élément vient encore rendre plus complexe l’approche de ces nouveaux programmes : le podcast définit aussi bien ce qu’on appelait hier une « émission » (il y a des acteurs qui ne proposent qu’un seul podcast à l’écoute, dans le sens d’une seule émission), qu’une « plateforme d’émissions », ce qu’on avait pris pour habitude d’appeler « station de radio », et, dans ce cas, le podcast, c’est la plateforme elle-même, l’ensemble des contenus disponibles. Rappeler ce contexte, ce n’est pas se préparer à battre en retraite tant les problèmes épistémologiques se multiplient, c’est admettre qu’en l’espèce il y a une difficulté à dénommer, et que ce champ d’études ne peut pas être circonscrit.

4Dès lors, comment repérer la présence d’un genre particulièrement difficile à définir à la radio (le documentaire), dans un univers médiatique infini (le podcast) ?

5Si l’on commence par essayer de répondre à la question « comment choisir un corpus de podcasts », on se heurte à un autre obstacle important. Selon quels critères effectuer ce choix ? Si l’on prend comme critère les chiffres d’audience pour retenir tel ou tel podcast, la difficulté est la suivante : aucun organisme n’est aujourd’hui capable de proposer des mesures d’audience fiables des différents podcasts, comme Médiamétrie le propose pour la radio3. Il n’est donc pas possible d’effectuer un classement des podcasts en fonction de leur audience. Tout au plus peut-on s’inspirer des chiffres de téléchargement communiqués par les différents acteurs.

Les plateformes de podcasts : l’émergence de nouveaux acteurs

6En revanche, comme l’univers du podcast est un champ en construction, et que des acteurs tentent d’émerger aux yeux du public, certains podcasts se sont imposés dans l’imaginaire professionnel. Ces podcasts sont présents dans les festivals de podcasts (Paris Podcast Festival, depuis 2018), dans les festivals de radio qui invitent les acteurs qui produisent du podcast (Festival Longueur d’ondes, depuis 2003), dans les revues ou sites en ligne traitant des productions médiatiques, qu’elles soient à destination du grand public ou professionnelles (Télérama, Le Monde, Syntone, etc.) qui rendent compte de l’actualité du podcast. Ainsi, parmi les acteurs de podcasts natifs les plus cités : Arte Radio, Binge Audio, Nouvelles écoutes, Louie Media, BoxSons. Parmi eux, tous diffusent des documentaires au sens où nous l’avons défini, à l’exception de « Nouvelles écoutes » qui ne proposent que des chroniques ou des entretiens. Mais, pour cette étude, nous ne retiendrons que trois d’entre eux, Arte Radio, Binge Audio, et Louie Media, le site Box-Sons, créé en 2017, le seul à diffuser ses contenus par abonnement, ayant suspendu son activité au moment où cet article est rédigé.

7Arte Radio est le podcast le plus ancien de notre étude, et il peut même être qualifié de pionnier puisqu’il a été créé en 2002. D’abord conçu comme une vitrine des programmes de la chaîne publique Arte, il s’est très vite affranchi de sa tutelle pour devenir un site autonome de modules sonores. Proposant plusieurs types de genres ou de formats, parmi lesquels le documentaire, le site est la première offre concurrentielle de création sonore à laquelle a été confrontée Radio France au début des années 2000. Imaginé par le journaliste Alain Joannès, Arte Radio a été fondé par Silvain Gire, qui a par ailleurs été producteur à France Culture, et Christophe Rault, admirateur de l’œuvre de Yann Paranthoën, l’un des producteurs les plus emblématiques de l’« Atelier de création radiophonique » (« ACR ») de France Culture. Comme illustration de cette filiation entre Radio France et le site émergent, on peut remarquer que les premiers documentaires d’Arte Radio, comme ceux de « l’ACR », présentent comme caractéristiques d’exclure du dispositif la voix de ceux qui les produisent, et de ne pas ajouter de musique additionnelle. En revanche, d’autres éléments marquent une évolution voire une rupture avec Radio France : la durée variable des documentaires, qui ne s’inscrivent donc pas dans une grille des programmes traditionnelle puisque le site ne s’écoute pas en mode linéaire ; l’émergence de certaines thématiques liées à l’intime, et notamment à la sexualité, alors moins présentes à Radio France (Deleu, 2012) ; la possibilité offerte aux documentaristes d’évoquer leur « moi personnel » dans des dispositifs de type journal intime composés uniquement de la parole de ceux-ci ; l’exploration de certains genres comme le documentaire d’observation, quasi absent à Radio France4 ; et la disparition de la figure de l’expert au profit de celle du témoin5. Tous ces choix éditoriaux préfigurent les orientations adoptées par les podcasts qui vont se créer dans les années 2010.

8Il faut attendre plus de dix ans pour voir apparaître de nouveaux acteurs semblables à Arte Radio. Binge Audio est une plateforme de podcast créée en 2015 par Joël Ronez, ancien directeur des nouveaux médias à Radio France, et Gabrielle Boeri-Charles, et rejoints en 2017 par David Carzon. Louie Media est fondée en 2018 par deux anciennes journalistes de Slate, Mélissa Bounoua, et Charlotte Pudlowski, qui elles n’ont jamais travaillé pour les radios hertziennes. C’est pour le magazine en ligne Slate, dont elles étaient salariées, qu’elle ont créé leur premier podcast, « Transfert », qui s’apparente déjà à une forme de documentaire audio. À la différence d’Arte Radio, Binge Audio et Louie Media ne relèvent pas du service public, et sont donc financées par des entreprises privées ainsi que par la publicité. En 2018, le groupe Les Echos-Le Parisien prend une participation minoritaire dans le site, signe de son développement. Louie Media est une plateforme qui entend produire des podcasts pour son propre site, et pour d’autres sites (Slate, avec le partenaire Audible, qui appartient à la société Amazon). Les deux plateformes s’inscrivent donc comme des « marques » qui tentent de s’imposer dans un univers médiatique émergent.

9Même si la présence du terme « documentaire » reste aléatoire, tant sur le site des podcasts, que dans les productions diffusées, certains programmes relèvent cependant du genre documentaire tel que nous l’avons défini. Pour Binge Audio, il s’agit de la série « Superhéros », qui raconte la vie d’une personne anonyme, en plusieurs épisodes. Pour Louie Media, il s’agit de la série « Transfert », produite pour Slate, et de séries indépendantes comme « Entre », où par exemple Justine, une écolière, raconte son expérience de collégienne. L’émergence d’entreprises de podcasts issus du monde l’entreprise privée a donc modifié la structuration classique de la production de documentaire puisque ce dernier, dans l’économie de la radio, n’était jusqu’à présent produit que par les radios publiques. Aucune des radios privées les plus écoutées (NRJ, RTL, RMC, Europe 1) ne produit de documentaires. Et aucune de ces radios privées ne produit de contenus semblables à « Superhéros » ou à « Transfert ».

10« Superhéros » de Binge Audio se présente comme « une série documentaire », proposant des « récits de vie au long cours, des histoires extraordinaires de gens ordinaires6 ». Elle est produite par Julien Cernobori, ancien producteur de France Inter, ce qui montre à nouveau que l’univers du podcast et celui de la radio hertzienne ne sont pas des entités nécessairement séparées l’une de l’autre. Six « saisons », comportant chacune plusieurs « épisodes » ont été réalisées entre 2017 et 2019, et portent toutes le prénom de leur protagoniste : Hélène, Annie, Paul, Vanessa, Rebecca, Hazifou. Sur le site de « Transfert » de Slate, produit par Louie Media, on peut lire : « Ils s’appellent Serge, Mathieu, Hugo. Elle s’appellent Nathalie, Lara, Lucile… Tous nous ouvrent les portes de leur intimité, nous racontent leurs secrets. Voici leurs histoires.7 » Soixante-quatorze épisodes ont été produits entre le 16 juin 2016, et le 9 mars 2019, par des pigistes différents. « Entre », podcast produit par Charlotte Pudlowski en 2018 pour Louie Media, raconte le parcours de Justine, qui « a 11 ans et entre en 6e. Tous les mercredis, elle raconte sa sortie de l’enfance, des doudous aux blagues de YouTubeurs, de sa peur du noir à ses rêves d’après bac. Chaque semaine, dans “Entre”, écoutez son récit de cette année où tout commence8. Vingt-six épisodes suivent, de manière chronologique, à la manière du podcast « The Untold (BBC4) », la scolarité de la collégienne.

Une forme de narration archétypale

11Si le genre documentaire trouve donc sa place dans les sites de podcasts les plus cités, et les plus structurés, et qui veulent s’imposer comme des acteurs économiques à part entière, c’est au prix d’une modélisation quasi archétypale : le documentaire fait la part belle au portrait d’individu ordinaire, dont l’existence se retrouve reconstruite sous forme d’épisodes qui composent une histoire, selon des principes narratifs propres à l’écriture fictionnelle (mise en avant d’un personnage, mise en place d’un récit, de nœuds, d’un climax, de cliffhanger…). Tandis que sur Arte Radio (qui a largement inspiré cette modélisation de type portrait), c’était encore parfois la thématique qui définissait le podcast, dans les podcasts natifs les plus récents c’est l’individu lui-même qui prime sur la thématique. Dans ce type de documentaire, les autres figures médiatiques, tels que l’expert, l’artiste, ou le représentant (politique, associatif, religieux) semblent avoir disparu (on les entend dans d’autres modules, sur les deux sites, mais dans d’autres dispositifs). Même si de nombreux documentaires produits à Radio France ont pu mettre au centre l’individu ordinaire (« Nuits magnétiques », sur France Culture, « Là-bas si j’y suis », sur France Inter), l’expert ou le représentant n’étaient jamais totalement absents de ces émissions. Les propos des gens ordinaires étaient juxtaposés à d’autres paroles de gens ordinaires, ou à des paroles de représentants ou d’expert. Dans le documentaire issu du podcast natif, comme « Superhéros », « Transfert », ou « Entre », il ne reste qu’une voix, celle de l’individu.

12De la fin des années 1940 au début des années 2000, alors que le documentaire ne se fait exclusivement entendre que sur les radios publiques, et en particulier sur France Culture ou sur France Inter, chaque émission, inscrite dans une grille des programmes, propose des numéros d’une certaine durée. Comme exemples, on peut citer « Le monde comme il va », « Documents », « Documentaires du vendredi », « Interception », « Lieux de mémoire », les « Nuits magnétiques », l’« Atelier de création radiophonique », « Le pays d’ici », « Surpris par la nuit », « De la nuit », « La matinée de autres », les « Mardis du cinéma », « Ciné-club », « Le bon plaisir », « Là-bas si j’y suis », « Sur les docks », « LSD », etc. Bien qu’articulés autour de visées éditoriales différentes, tous ces documentaires s’inscrivent dans une certaine durée (d’une à trois heures, selon la grille des programmes), et se construisent autour d’une parole chorale, ce qui signifie que dans la plupart des numéros de ces émissions, c’est la juxtaposition des paroles des multiples interviewés, dont les statuts diffèrent, qui produit le sens de l’émission. L’on trouvera bien ici ou là des numéros composés de la seule parole d’un individu ordinaire, mais comme exception, et non comme règle générale. Comme le revendique Joël Ronez, fondateur de Binge Audio, c’est avec ce modèle-là que rompt l’univers des podcasts natifs au milieu des années 2010. Les documentaires tels que Radio France les a produits pendant plusieurs décennies cèdent la place à des documentaires plus courts, souvent découpés en séries, et centrés autour de la parole d’un seul témoin dont la mise en intrigue présente un « haut degré de narrativité » (Adam, 1997 : 35). Parmi les critères qu’on peut retenir pour déterminer ce degré de narrativité figure la notion de suspense : quelle est la situation de départ évoquée par le témoin ? Quelles sont les rebondissements de son histoire ? Comment a-t-il réagi à ces différents rebondissements ? Quelles émotions a-t-il ressenties ? Comment l’histoire se termine-t-elle ?… En écho, Radio France, tout en produisant toujours des documentaires à faible degré de narrativité (« LSD9 », « Une vie, une œuvre10 »), intègre ces évolutions dans des émissions comme « Les pieds sur terre » ou « Une histoire particulière11 ». Pour cette dernière émission, un document interne transmis aux producteurs précise que « le récit repose sur une tension dramatique, un suspense, un secret, une question, une quête ». Comme autre exemple de cette métamorphose des productions documentaires, nous pouvons citer ce rendez-vous annuel proposé par le Festival Longueur d’Ondes de Brest depuis 2016, « Pitch me baby », où des documentaristes ont quelques minutes pour convaincre des responsables d’émission de l’intérêt de leur projet. L’intitulé « Pitch me baby » révèle ainsi cette exigence de scénarisation dans la production de contenus traditionnellement à vocation explicative. Cette intégration des codes de la fiction dans la production documentaire fait débat, car elle est parfois assimilée au storytelling (l’art de raconter des histoires), perçu comme une systématisation des modes de narration, un formatage trop marqué des émissions, et une tentative de manipulation des publics (Salmon, 2007). L’arrivée d’acteurs privés dans la production de contenus jusque là conçus exclusivement par le service public radiophonique est aussi été marquée par l’importation d’un langage davantage associé au secteur du marketing. Ainsi, les podcasts les plus récents se présentent comme des « marques », dont l’objectif est de se distinguer les unes des autres.

13Si les modules sonores diffusés par Arte Radio ont pu constituer une première influence pour les podcasts des années 2010, un autre modèle est davantage revendiqué par ceux qui les produisent : l’univers des podcasts nord-américains. Parmi les émissions totémiques les plus citées, « This American Life », créée par Ira Glass sur NPR, en 1995, mais qui s’est surtout fait connaître à travers sa diffusion podcast. L’émission, hebdomadaire, présente chaque semaine une ou plusieurs histoires (« acts ») reliées à un thème. Qu’elles soient tragiques ou humoristiques, ces histoires renvoient à des problématiques plus larges (la situation des réfugiés, le danger des sectes, etc.), mais c’est toujours à travers l’exposition d’une situation personnelle que ces questions de société sont évoquées (Biewen et Dilworth, 2017). Et si l’on a souvent écrit que le documentaire poursuivait une visée explicative du monde, par opposition à la fiction à qui reviendrait une visée de divertissement (Deleu 2013), « This American Life », présentée comme un programme journalistique, mais dont l’objectif est aussi de captiver l’auditeur, réussit sans doute la synthèse entre cette visée explicative du monde et cette visée de divertissement. « This American Life » produit, en 2014, le podcast « Serial », présenté aujourd’hui comme le podcast le plus téléchargé au monde (près de 350 000 millions de téléchargement pour les saisons 1 et 212). La saison 1, qui revient sur une ancienne affaire judiciaire, illustre cette volonté de s’inscrire dans une démarche journalistique (alerter sur les risques d’une potentielle erreur judiciaire = visée explicative du monde), tout en construisant la contre-enquête sur le modèle et les codes de la série policière (construire un suspense autour de l’issue de cette contre-enquête et de la culpabilité du condamné = visée de divertissement).

14Alors qu’elle n’était qu’un élément parmi d’autres, et qu’elle était mise en perspective, à travers le montage qui l’associait à d’autres paroles, de différents statuts, la parole du témoin dans le podcast des années 2010 se doit de tenir en haleine l’auditeur, et sur elle et les dispositifs de narration pèsent la charge de maintenir cet auditeur attentif jusqu’à la fin de l’épisode (Abel, 2017). C’est sans doute dans ces conditions que le documentaire a pu devenir un genre attractif dans le monde ultra-concurrentiel du podcast.

Bibliographie

Abel, J., Out of the wire. The storytelling secrets of the masters of radio, Broadway Books, 2015 (BD).

Adam, J.-M., « Une alternative au “tout narratif” : les gradients de narrativité », Recherches en communication n° 7, 1997, pp. 11-35.

Biewen, J. et Dilworth, A., Reality radio. Telling true stories in sound, The University of north Carolina Press, 2017 (2nd revised edition).

Deleu, C., Le documentaire radiophonique, Paris, Ina-L’Harmattan, 2013.

Deleu, C., « Arte Radio. Dix ans d’intimité radiophonique », Syntone, 21 septembre 2012, http://syntone.fr/arteradio-dix-ans-dintimite-radiophonique/

Pudlowski, C., « Comment les podcasts vont envahir le monde », Slate, 16 juin 2016. https://www.slate.fr/story/119543/comment-podcasts-envahir-monde

Salmon, C., Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, Édition de la découverte, 2007.

Notes

1 Sur l’histoire du podcast, nous renvoyons aux trois épisodes de l’étude de Juliette Volcler : « Il était une fois le podcast », mis en ligne sur Syntone en juin et juillet 2018 : http://syntone.fr/author/_juliette-volcler/

2 www.csa.fr/Informer/PAF-le-paysage-audiovisuel-francais/Les-radios-en-France

3 https://www.telerama.fr/radio/en-plein-boom,-les-podcasts-cherchent-la-bonne-mesure,n5824781.php. L’Apple Store propose un classement des deux-cents podcasts les plus écoutés.

4 Citons, comme exemple, les œuvres de Claire Hauter, « Dans l’ambulance », et « Ados j’écoute ».

5 « La première chose qu’on peut constater c’est que sur ARTE Radio il n’y a pas de paroles d’experts. Alors on peut le déplorer, le regretter, le contester, mais c’est quelque chose qu’on avait mis en place tout de suite, sans se poser longtemps la question. Bien évidemment pour se distinguer dans l’univers hyper concurrentiel qui est celui de la création radiophonique, mais surtout parce que ça rejoint des préoccupations qui sont à la fois éthiques, esthétiques et politiques. » In « Tous sur Robert », communication de Silvain Gire lors de la journée Addor « Les territoires du documentaire sonore », journée organisée par Addor en partenariat avec l’Ina, le 26 novembre 2010 à Paris (texte transmis par Silvain Gire.

6 www.binge.audio/category/superheros/

7 www.slate.fr/podcasts/

8 https://louiemedia.com/entre

9 « LSD » est diffusée, depuis 2016, sur France Culture, du lundi au jeudi, de 17 h à 18 h.

10 « Une vie une œuvre » est diffusée, depuis 1984, sur France Culture. En 2018-19, elle est programmée le samedi, de 16 h à 17 h.

11 « Une histoire particulière » est diffusée sur France Culture, depuis 2016, en deux parties d’une demi-heure, le samedi et le dimanche, entre 13 h 30 et 14 h.

12 Télérama.fr, 24 septembre 2018. https://www.telerama.fr/radio/serial-le-retour-du-podcast-americain-le-plus-telecharge-de-lhistoire,n5820007.php

Pour citer ce document

Christophe Deleu, «Le podcast dans le documentaire radiophonique», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 16-varia, QUESTIONS DE RECHERCHE,mis à jour le : 26/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=822.

Quelques mots à propos de : Christophe Deleu

Université de Strasbourg (Cuej), Sage UMR CNRS 7363