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QUESTIONS DE RECHERCHE

Etienne Damome

Écoute radiophonique en Afrique : le reflet du modèle communautaire d’appropriation locale de la radio

Article

Texte intégral

1La radio est le média que les populations africaines se sont le plus et le mieux approprié. Ce constat sans cesse répété par Tudesq (1983, 2002) ne semble pas devenu caduc avec le développement d’Internet et des technologies numériques d’information et de communication. C’est le seul média accessible dans les milieux ruraux et par les populations analphabètes encore largement majoritaires sur le continent. La radio demeure aussi le média qui s’est le mieux africanisé (Tudesq, 2009). Média de l’oralité par excellence, la radio s’inscrit pleinement dans les modes de transmission des connaissances et de circulation de l’information. Cela conduit à se demander quelles pratiques d’écoute suscite ce média dans ce contexte et surtout à l’ère du développement de moyens numériques de réception ? Avant de tenter une réponse, précisons cette question. Qu’entend-on par pratiques d’écoute ? Les habitudes d’écoute et les rendez-vous que les publics ont avec le média en croisant ces rencontres avec les stratégies de programmation et la temporalité médiatique. On pourrait ainsi rendre compte des programmes préférés des publics en segmentant ces derniers par âge, sexe, situation socioprofessionnelle, lieu, etc., en lien avec l’heure à laquelle ces programmes sont diffusés à l’antenne. L’étude des pratiques radiophoniques sous cet angle n’aurait pourtant qu’un intérêt relatif parce que l’absence de spécialisation affirmée1 ne permettrait pas d’en tirer des leçons importantes. Les comportements d’écoute ? Ce sont d’une part l’écoute continue, ou discontinue, ou entrecoupée, soutenue ou distraite ou encore en fond sonore, etc. Ceci aurait l’avantage de renseigner sur les usages que les auditeurs font des contenus médiatiques et la situation d’écoute pourrait alors être collective ou individuelle, concerner le partage ou le choix personnel des contenus.

2C’est sous ce dernier angle que nous avons choisi d’observer l’histoire des pratiques d’écoute radiophonique en Afrique. Nous postulons, à cet égard, d’une part que l’évolution des pratiques d’écoute de la radio en Afrique suit l’évolution des moyens de réception et de leur développement au sein des sociétés. La miniaturisation et la démocratisation des technologies de réception installent toujours plus d’individualisation de l’écoute et la personnalisation dans le choix des programmes. Nous pensons d’autre part que les pratiques d’écoute dépendent également du modèle radiophonique qui s’est développé en Afrique, à savoir le modèle communautaire et participatif (Tudesq, 2009). Il s’en suit qu’en dépit du développement du transistor et des supports numériques individuels de réception, l’écoute collective continue de côtoyer l’écoute individuelle. L’objectif de cet article est donc de montrer ce contraste dans l’évolution des pratiques d’écoute.

3Les données mobilisées sont tout d’abord issues d’une revue documentaire. Les premières sources sont tirées du fond André-Jean Tudesq de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, dont de nombreuses thèses qu’il a fait soutenir. Les rapports d’activité de Guy Robert, l’un des acteurs clés des débuts de la radiodiffusion en Afrique ainsi que les recherches de Bébé (1963), Head (1974), Cassirer (1977) et Banda (2007) complètent le corpus de textes lus. L’analyse s’appuie également sur des données issues de nos différentes missions de terrain dans différentes régions d’Afrique francophone, anglophone et lusophone entre 2003 et 2018. L’organisation de ce court texte obéit à l’évolution des tendances dominantes observées dans les pratiques d’écoute. Nous passerons donc de l’écoute collective à l’écoute individualisée.

Aux origines de la radio : une écoute collective

4En Afrique, la réception a été collective dès le départ, pour des raisons économiques plus que culturelles.

Par nécessité

5Dans son rapport sur le Niger, Guy Robert révèle par exemple qu’à Tahoua (petite ville de 12 000 habitants en 1962), il n’y avait en tout et pour tout que trois récepteurs, situés dans un même quartier (Ibiki) regroupant 125 familles. Il montre par ailleurs que la détention des postes paraissait souvent temporaire : « En ville, nous avons relevé directement plusieurs exemples d’achats de récepteurs par de petits salariés en fin de mois, immédiatement après la paye : ces récepteurs étaient revendus (avec perte) deux ou trois semaines après, l’argent faisant défaut aux acquéreurs » (1967 : 12). Il en est de même des migrants : « Il est d’observation courante que de jeunes émigrants de retour de la côte revendent souvent le transistor portatif acheté au Ghana ou en Côte d’Ivoire, lorsqu’ils y sont poussés par la nécessité » (p. 13). En tout état de cause, « ce sont en majorité les fonctionnaires et les commerçants qui détiennent en permanence les récepteurs » (Ibidem). Le niveau de vie intervient donc de façon déterminante parce que, pour bien des paysans, avoir un poste de radio est encore un luxe inutile, une « bourgeoisie ». Dans ces milieux, « il était fort fréquent de constater dans des villages de 500 à 1 000 habitants, soit l’absence de tout récepteur, soit la présence d’un ou deux appareils seulement (parfois en état de panne prolongée, l’éloignement des centres et la rareté des “occasions” favorisant peu les réparations rapides… quand les réparations sont possibles) », poursuit le rapport sur ce point (p. 13). Au village, même constat qu’en ville. Le plus souvent, ce sont les fonctionnaires résidant dans ces milieux qui en possèdent, puisque l’unique récepteur en état de marche se trouve chez le maître d’école ou le moniteur d’agriculture. Regrouper des gens en un même lieu pour leur faire écouter la radio était nécessaire.

Pour l’éducation fonctionnelle des adultes

6La forme la plus aboutie de cette formalisation constitue précisément ce que Guy Robert appelle « une antenne et un micro sous l’arbre à palabres », c’est-à-dire les radio-clubs, en référence au cas du Niger. Ils ont été initiés à la fin des années 1950 par la Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-Mer (SORAFOM) autour des postes coloniaux africains. Ils ont connu ensuite une certaine généralisation dans les États francophones dans les années 1960-70, dans le sillage des radios publiques, grâce au soutien de l’Office de Coopération Radiophonique (OCORA). Cassirer (1977) et Dia (1987) pour le Sénégal, Robert (1967) et McAnany (1972) pour le Niger, nous en fournissent les références. En janvier 1962, 145 postes d’écoutes collectives sont installés dans tout le Sénégal (Dia, 1987 : 228). En 1965, on comptait au Niger 70 postes et autant de radio-clubs réunissant environ 64 000 adultes issus de 800 localités (Robert, 1967 : 19). Ils ont été créés grâce à la convergence de deux facteurs principaux. D’une part le souhait des responsables de la radiodiffusion du Niger d’assurer le contact avec un groupe d’auditeurs capable d’exprimer les besoins de l’auditoire dont il est issu et d’appuyer, en son sein toute action radiophonique entreprise par la station. Les animateurs reçoivent la mission de mettre en place des groupes témoins avec pour rôle d’organiser des séances d’écoute critique. L’animateur conduit le débat à partir d’une série de questions ou d’indicateurs généraux. Il rédige un compte rendu qu’il adresse à la radio pour que des ajustements soient opérés dans les programmes. À ces préoccupations purement radiophoniques s’ajoute, d’autre part, un autre processus qui va conduire les radio-clubs à devenir de véritables outils d’expression et d’engagement civique. Les autorités décidaient de mettre en place des organismes susceptibles de dynamiser les populations. Il leur faudra viser non seulement une acquisition de connaissances et de techniques, mais surtout une transformation d’attitudes passives en attitudes responsables. En ligne de mire le développement national.

Une écoute collective qui se maintient malgré le développement du transistor

7Inventé le 23 décembre 1947 par les Américains John Bardeen et ses collègues chercheurs des Laboratoires Bell, et commercialisé abondamment à partir de 1954 dans les pays développés (Fesnau, 2013), le transistor ne s’est démocratisé en Afrique noire qu’une décennie plus tard. Malgré les incertitudes autour des chiffres qui circulent à l’époque, l’on fait état par exemple de 420 000 postes récepteurs dénombrés sur l’ensemble du territoire sénégalais en 1984. Il a doublé en dix ans. Une mini révolution se produit, parce que de façon quasi logique les groupes se restreignent à la dimension de la concession familiale en même temps qu’ils se multiplient. On est évidemment encore loin d’une écoute individualisée. Le prix du transistor (variant entre 40 000 et 10 000 FCFA2, Dia, 1987 : 13) reste largement prohibitif pour la plupart des gens, le prix moyen des postes dépassant le salaire mensuel de l’instituteur. Peuvent se l’acheter les cadres, les artisans, les commerçants, les personnels de service et quelques riches paysans3. Dans le milieu rural, on en trouve souvent quelques-uns seulement pour tout le village. Mais paradoxalement, le développement du transistor rapproche encore plus la radio des populations parce qu’il libère et démocratise son accès, tous ceux qui veulent écouter la radio pouvant s’attrouper de façon informelle autour du poste récepteur en marche ou laisser traîner leurs oreilles alors que jusque-là, il fallait être sélectionné pour appartenir à un club d’écoute. L’on ne choisit pas toujours ce que l’on écoute, les aléas des ondes courtes et les préférences du propriétaire décidant ce que les siens et les voisins écoutent. Pour autant, c’est une grande évolution parce que l’écoute sort des cercles clos et échappe au cérémonial qui entourait cette pratique dans les radio-clubs.

8Même lorsque le récepteur portatif à transistors s’emporte dans les champs, les ateliers, les bureaux, les marchés, sur la route, etc., on est rarement le seul auditeur de sa radio. De plus, comme le dira Tudesq (1983), « radio cancan », c’est-à-dire le bouche-à-oreille, fonctionnant dans ce contexte d’oralité et de mode encore largement communautaire de vie, lorsqu’une personne écoute la radio, ce sont en moyenne 20 personnes qui sont atteintes. À cela s’ajoute le caractère spontanément collectif de l’écoute, qui constitue en Afrique une sorte de palliatif au nombre réduit des récepteurs. De fait, selon le témoignage de Guy Robert « la présence de plusieurs familles dans les concessions en milieu urbain, la concentration d’habitations édifiées en matériaux légers dans les villages ainsi que la fréquence des veillées en groupe (le plus souvent en plein air) sont des facteurs propices à l’écoute des émissions par un nombre relativement élevé de personnes » (1967 : 13). De plus, les émissions populaires et la musique attiraient les voisins et les passants, qui s’agglutinaient autour du poste récepteur pour ne pas en perdre une miette.

9Il faut reconnaître néanmoins que cette miniaturisation des appareils et la baisse de leur prix4 désacralisent l’écoute radiophonique. Le poste à transistors de poche, attractif par sa maniabilité et son prix va immanquablement réduire le nombre de personnes autour des postes de réception et donner à ceux qui le peuvent le privilège d’une certaine intimité d’écoute. Le poste à transistors suscite l’engouement des consommateurs, mais la conquête du marché s’amorce avec encore des inégalités. Le poste radio à transistors reste un identificateur social. Mais déjà, les programmateurs prennent conscience du tournant et segmentent les programmes radiophoniques en fonction des différentes catégories de la population. Les femmes, les paysans et les jeunes deviennent véritablement les cibles des programmateurs et la consommation journalière ou saisonnière du média augmente.

Le paradoxe des années 1990-2000

10Au début des années 1990, l’offre radiophonique s’enrichit considérablement de dizaines, voire de centaines de nouvelles fréquences et les centres d’émission se rapprochent des populations. L’offre radiophonique est aussi variée. En plus de la radio nationale et des radios internationales, on peut écouter désormais des radios privées locales commerciales, associatives, communautaires, culturelles, religieuses, communales et même des radios de collectifs de professionnels (agriculteurs, pêcheurs, artisans, commerçants, artistes) et de catégories sociales définies (femmes, jeunes). L’attractivité du poste récepteur s’accroît. Sa banalisation avec les corrélations sociales, économiques, politiques et culturelles qui l’accompagnent en ces années-là entraîne une individualisation toujours plus prononcée de l’écoute radiophonique. Elle entraîne aussi une personnalisation du rapport aux contenus chacun écoutant désormais la radio en fonction de centres d’intérêts propres.

11Les années 2000 apporteront un moyen de réception supplémentaire. Le développement du téléphone mobile et l’intégration de la fonction de réception radiophonique marquera un tournant. Le téléphone s’ajoute non seulement au transistor, mais va tendre peu à peu à le remplacer même dans les zones rurales. Nous pourrions en conclure aisément que l’écoute individuelle se généralise et s’impose comme tendance dominante. Soit, mais l’écoute collective ne sera pas pour autant définitivement abandonnée. Bien au contraire, elle se maintient sous différentes formes.

12Des clubs d’écoute communautaire sont formés à partir des années 2000 par les radios de proximités au Burkina Faso, Malawi, Namibie, Niger, Sénégal, etc. sur le modèle des radio-clubs 1960-70 et avec les mêmes missions. Il en est de même des clubs d’écoute communautaire Dimitra suscités par un projet européen5 avec la collaboration d’acteurs congolais, nigériens, ghanéens, sénégalais, mauritaniens. En 2011, on dénombrait au Niger 398 clubs actifs, avec un total de 7 698 membres présents dans 112 villages6. En République Démocratique du Congo, on comptait la même année, 10 fédérations de clubs avec plus de 8 000 membres des deux sexes7.

13Paradoxalement, il s’est également développé des pratiques collectives d’écoute autour des moyens numériques de réception (Damome 2011, 2015, 2017). La participation radiophonique conduit souvent les jeunes appréciant la même émission à s’organiser pour l’écouter ensemble pendant la récréation, ou au sortir de l’école et de préparer pour la prise de parole à l’antenne, l’envoi de messages SMS ou le vote au moment où l’interactivité radiophonique commence.

Conclusion

14La permanence des pratiques collectives tient sans doute donc aux appropriations locales du média radiophonique. Le développement des médias de proximité entraînant les expériences de formation de groupes d’auditeurs et parfois même de réseaux d’auditeurs. Les radios-clubs, les groupes d’écoute communautaires, et entre copains, sont avant tout des groupes d’auditeurs faisant l’expérience commune de la réception médiatique encouragée par la radio. Celle-ci incite ses publics à s’engager pour prolonger l’action radiophonique dans leur communauté, pour appuyer les messages diffusés dans les émissions et surtout à en débattre. Le terme arbre à palabres qui a servi pour désigner la radio sied bien également à ces pratiques médiatiques faites d’écoute collective, de prise de parole publique et d’interactions sociales multiformes.

Bibliographie

Banda Farkson, « Radio listening clubs in Malawi and Zambia : Towards a participatory model of broadcasting », Communicare, vol. 26, n° 1, 2007, p. 130-148.

Bébé Francis, La radiodiffusion en Afrique Noire, Paris, Éditions Saint-Paul, 1963, 191 p.

Cassirer Henry, « Radio in African context: A description of Senegal’s pilot project », in Spain P. et al. (eds), Radio for Education and Development : case Studies, 2, Staff Working Paper 266, Washington DC, Word Bank, 1977, p. 211-214.

Damome Etienne, « The Community of radio listeners in the era of the internet in Africa. New forms and new radio content. The Fan Club Zephyr Lomé (Togo) as a basis for analysi s », in Gazi A., Starkey G., Jedrzejewski S., (eds.), Radio Content in the digital era, London, Intellect Publications, 2011, p. 235-246.

Damome Etienne, « Pratiques radiophoniques et dynamiques communautaires des jeunes à l’ère du numérique », Réseaux, vol. 33-194, 2015, p. 229-263.

Damome Etienne, Contribution à la compréhension des processus de construction communautaire autour des médias. Exemple des communautés radiophoniques en Afrique subsaharienne, mémoire d’HDR, Pessac, Université de Bordeaux Montaigne, 2017, 214 p.

Dia Saïdou, De la TSF coloniale à l’ORTS : évolution de la place et du rôle de la radiodiffusion au Sénégal (1911-1986), thèse université Bordeaux 2, 1987, 304 p.

Fesnau Elvina, Le poste à transistors à la conquête de la France, la radio nomade (1954-1970), Paris, INA Éditions, coll. « Médias histoire », 2011, 317 p.

Head Sydney W., Broadcasting in Africa : a continental survey of radio and television, Philadelphia, Temple University Press, 1974, 452 p.

McAnany Emile, Radio Clubs of Niger, Stanford, Univesity of Stanford (reprint), 1972, 300 p.

Robert Guy, Le lancement des radio-clubs du Niger, Paris, OCORA, 1967, 218 p.

Tudesq André-Jean, La radio en Afrique noire, Paris, Ellipse, 1983, 312 p.

Tudesq André-Jean, L’Afrique parle, l’Afrique écoute : les radios en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 2002, 315.

Tudesq André-Jean, « Médias et transfert de modèles, les radios de proximité en Afrique subsaharienne : un modèle autochtone ? », Site Internet du Grer [http://www.grer.fr/], mis en ligne en 2009, consulté la dernière fois le 11 mai 2017.

Notes

1 La radio africaine est plutôt généraliste quels que soient le statut, la catégorie et le pays considérés.

2 Soit aujourd’hui 61 et 15 euros.

3 Idem.

4 Le transistor ne coûtant plus qu’entre 3 000 et 5 000 FCFA, c’est-à-dire entre 4,58 et 7,63 euros au Sénégal, en 1986 (Dia, 1987 : 12).

5 Lancé en 1994 par la Commission européenne grâce au soutien de la Fondation Roi Baudouin, le projet renforce les capacités des populations rurales (d’où son nom : Dimitra vient de Déméter, nom de la déesse de l’agriculture et des moissons dans la mythologie grecque), en particulier des femmes, par la diffusion d’informations et l’échange d’expériences. Depuis 1998, il est géré par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et reçoit un soutien financier de la Coopération belge au Développement. cf. http://www.fao.org/dimitra/fr.

6 Cf. Les clubs d’écoute communautaires : un tremplin pour l’action en milieu rural, op. cit.

7 Idem.

Pour citer ce document

Etienne Damome, «Écoute radiophonique en Afrique : le reflet du modèle communautaire d’appropriation locale de la radio», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 16-varia, QUESTIONS DE RECHERCHE,mis à jour le : 26/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=826.

Quelques mots à propos de : Etienne Damome

MICA/LAM, Université Bordeaux Montaigne