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FORMATION

Moulay Driss Benchiboun

Les formations courtes qualifiantes dans les universités : Un enjeu important pour le développement des compétences et des qualifications pour l’emploi

Article

Texte intégral

1Le développement des compétences et l’évolution du compte personnel de formation (CPF) sont des enjeux essentiels des réformes de la formation professionnelle de 2014 et 2019. Ces réformes améliorent et facilitent l’accès à des formations qualifiantes pour les salariés et les demandeurs d’emploi, elles constituent un levier essentiel de compétitivité pour les entreprises. Elles permettent également de responsabiliser les différents acteurs, notamment les organismes de formation qui doivent faire évoluer leur offre en intégrant l’approche « compétences », tout en restant attentifs aux besoins du marché de l’emploi et en s’adaptant aux différents publics.

Les IUT, un terrain propice à la prise en compte de l’approche par compétences

2Les IUT ont investi cet enjeu en proposant la structuration des contenus pédagogiques en blocs de compétences et ce, dans les 24 spécialités existantes. Si cette approche en est encore à ses prémisses pour la formation initiale, c’est en formation professionnelle qu’elle tend à se déployer. En effet, l’objectif étant de développer des formations courtes et regroupées dans le temps (1 bloc de compétences = environ 1 mois avec par exemple 2 sessions de 1 mois par an), cette approche permet une réactivité et une adaptabilité au marché de l’emploi. Toutefois, elle induit que nous soyons en mesure d’identifier les besoins en emploi à court, moyen et long termes, en lien avec les entreprises, les branches professionnelles et les territoires. La sollicitation et l’implication des branches et organismes liés à l’emploi est donc fondamentale à l’aboutissement de la démarche.

3Les IUT semblent être les lieux pertinents de la construction d’une offre de formation professionnalisante courte puisqu’ils accueillent déjà de nombreux salariés et demandeurs d’emploi en DUT et en licences professionnelles. Par ailleurs, leur ancrage territorial leur permet de coller au plus près des attentes du bassin d’emploi concerné et ainsi faciliter l’insertion professionnelle et/ou la montée en compétences des apprenants sur un territoire donné. L‘objectif des IUT est de proposer une offre Formation Tout au Long de la Vie (FTLV) complète et d’apporter une réponse de proximité aux besoins en formation et en insertion professionnelle par un réseau organisé, réactif et présent sur les territoires… Une offre de formation construite en « blocs de compétences » en 3 Niveaux permettra à chaque salarié et chaque demandeur d’emploi, en fonction de ses besoins et de sa disponibilité, de son potentiel, de son rythme et de ses moyens, de développer ses compétences.

Image 1. Exemple de déclinaison en compétences pour 2 modules disciplinaires

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4Outre leur implication forte dans l’alternance (notamment dans le cadre des licences professionnelles) et leur répartition territoriale leur permettant d’apporter une réponse de proximité aux besoins en formation et en insertion professionnelle de nombre de nos concitoyens et aux entreprises, les IUT disposent d’un réseau national et de réseaux régionaux qui les accompagnent dans le déploiement d’une stratégie sur tous les territoires en toute réactivité et dans des délais restreints.

5Forts de cette implication, les IUT ont dû s’adapter à la réforme de la formation professionnelle de 2014. Cette réforme répondait à un double objectif :

  • Conforter l’activité Formation Continue et Apprentissage (FCA) en DUT et en LP : développer des contrats pro. et apprentissage en 2e année de DUT et en LP, rester attentif et réactif aux politiques régionales en FCA.

  • Développer une offre de formation professionnalisante courte dans les IUT pour répondre aux besoins immédiats des entreprises en termes de compétences et aux besoins des salariés et des demandeurs d’emploi, en termes de qualifications professionnelles requises pour accéder à l’emploi, à la fois aux niveaux 4, 3 et 2.

6Les IUT sont conscients de l’intérêt que représente l’activité Formation Continue et Alternance (FCA) dans le cadre de la formation tout au long de la vie (FTLV), parce qu’elle s’adresse à un public diversifié en formation initiale et en formation continue, elle répond à un besoin des entreprises, des salariés et des demandeurs d’emploi en termes de formation, elle permet enfin de conforter la collaboration avec le monde socio-économique.

Les blocs de compétences : une démarche à expliciter

7Avant même d’aborder la démarche de cette approche par compétences, il nous paraît essentiel de définir ce que nous entendons par « bloc de compétences ». Plusieurs éléments de définition nous semblent importants à évoquer. Pour le COPANEF (Comité Paritaire interprofessionnel National pour l’Emploi et la Formation) et la CNCP (Commission Nationale de la Certification professionnelle), un bloc de compétences est un élément d’une certification professionnelle enregistrée au RNCP et un ensemble homogène et cohérent, identifié par une référence unique (il est spécifique à une certification particulière), certifié – ce qui implique une évaluation des compétences et une validation d’acquisition des compétences (délivrance d’un certificat), et distinct des modules de formation tels que nous les connaissons.

8S’engager dans une démarche compétences nécessite de mener une réflexion sur plusieurs points :

  • À qui s’adresse cette offre ? En lien avec la réforme de la formation professionnelle, les cibles privilégiées semblent être les demandeurs d’emploi et les salariés.

  • Comment s’organisent les enseignements ? Selon quelle temporalité ? Il apparaît que la formule « un mois = un bloc » permet de répondre, et, aux contraintes des milieux professionnels, et, aux contraintes de la cible visée.

9D’un point de vue plus stratégique la démarche doit être validée par les parties prenantes, d’où de nombreux échanges en amont avec les acteurs de la formation continue et de l’alternance, les Assemblées de Chefs de Départements (ACD) par spécialité, le monde socio-économique, les acteurs universitaires (dans une perspective de mutualisation des moyens).

10La mise en œuvre des blocs de compétences a nécessité – et nécessite toujours d’ailleurs – un travail étroit avec les partenaires sociaux et particulièrement les branches professionnelles aux niveaux local et régional. Ce travail collaboratif implique l’organisation d’événements « IUT et partenaires sociaux », de réunions de travail et d’échanges, la création d’assises de la professionnalisation, etc. ainsi que la mise en commun des informations telles que les données des observatoires des branches professionnelles et de Pôle Emploi. Ceci permet l’identification des besoins en emploi prévisibles à courte, moyenne ou longue échéance et la construction de blocs de compétences nationaux et locaux qui peuvent être proposés au regard des besoins identifiés en entreprises et de l’évolution des métiers.

11Ainsi, le travail initié par le groupe au sein de la commission FCA de l’Assemblée des Directeurs d’IUT (ADIUT)1 consiste à identifier des compétences professionnelles dans les programmes des DUT, puis à organiser ces compétences en blocs répondant à l’employabilité. L’utilisation de ces blocs peut notamment permettre d’obtenir le DUT par VAE (et uniquement par VAE, par décision de jury, l’obtention de tous les blocs ne permettant pas de valider de droit le DUT). Attention, il ne s’agit ici ni de découper le programme du DUT, ni de couvrir l’horaire global d’un DUT, ni de délivrer le DUT avec les blocs seuls.

12Enfin, la démarche compétences nécessite d’investir dans des moyens tant financiers qu’humains, matériels et symboliques. Outre l’engagement politique des directions d’IUT, nécessaire à la légitimation de la démarche, il nous faut impliquer fortement les professionnels du monde socio-économique dans le dispositif de formation. Ceci permettra par ailleurs de mettre en visibilité et promouvoir le dispositif en en favorisant l’attractivité.

13Il nous faudra par ailleurs être attentifs à la répartition de cette offre et penser une mutualisation des ressources entre IUT au niveau régional, ceci évitera les effets de concurrence et permettra une mutualisation du vivier. Dans le même ordre d’idée, un travail avec « IUT-en-ligne » pourrait être engagé pour la construction de ressources numériques liées à ces blocs afin de proposer une offre à distance.

Conclusion

14Après des années de réflexion et de travail collaboratif, cette démarche nous semble plus que jamais pertinente : elle nous a permis de réfléchir et de travailler sur une approche compétences dans le cadre de nos programmes et nous permettra de mieux construire nos programmes futurs notamment dans le contexte actuel de réflexion sur un possible DUT 180 et l’injonction ministérielle de refondre les programmes par compétences. Toutefois, elle reste aujourd’hui une offre parallèle à l’offre de de formation diplômante, il est donc difficile d’harmoniser la démarche à l’ensemble des formations du supérieur comme l’aurait souhaité le ministère.

15Aujourd’hui, un travail important, réalisé avec les Assemblées de Chefs de départements dans le cadre des Programmes pédagogiques Nationaux (PPN) et du référentiel DUT, a permis la construction des blocs de compétences nationaux communs à chaque spécialité. 23 spécialités sur 24 ont finalisé leurs travaux. Une demande a été faite au Ministère pour l’inscription de ces blocs au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) des DUT et par conséquent sur les listes éligibles au Compte Professionnel de Formation (CPF). Cette inscription permettra une visibilité nationale de cette offre.

16Quoi qu’il advienne, cette nouvelle offre de formation sert aux IUT pour répondre aux appels d’offres au niveau local, régional et national, notamment dans le cadre de la formation de groupes de salariés et de demandeurs d’emploi. Si les branches professionnelles accompagnent la démarche favorablement, reste à élucider la question des moyens et à convaincre un corps enseignant habitué à penser les formations en diplômes et inscrit dans un corps disciplinaire, de l’intérêt de la démarche dans une perspective d’employabilité et de montée en compétences plus fortes.

Notes

Pour citer ce document

Moulay Driss Benchiboun, «Les formations courtes qualifiantes dans les universités : Un enjeu important pour le développement des compétences et des qualifications pour l’emploi», Les Cahiers de la SFSIC [En ligne], Collection, 16-varia, FORMATION,mis à jour le : 26/04/2020,URL : http://cahiers.sfsic.org/sfsic/index.php?id=851.

Quelques mots à propos de : Moulay Driss Benchiboun

Responsable du Pôle Professionnalisation de l’IUT A (Formation continue, Alternance et relations entreprises), université de Lille, 2017-2018. Courriel : moulay-driss.benchiboun@univ-lille.fr